Retour sur la Journée dédiée aux réseaux de chaleur et de froid : une clef pour décarboner les villes !

Rédigé par

C21 France La redaction

Communication

2923 Dernière modification le 15/05/2023 - 10:00
Retour sur la Journée dédiée aux réseaux de chaleur et de froid : une clef pour décarboner les villes !

La journée du 19 avril 2023, dédiée aux réseaux de chaleur et de froid et co-organisée par Construction21, l’ADEME, la Fedene, la FNCCR, Euroheat & Power et le projet européen D2Grids a mis à l’honneur leurs dernières innovations en matière de décarbonation sur la scène énergétique française, européenne et mondiale ! Avec à la clef, quelques annonces.

« En moyenne les réseaux de chaleur et de froid sont à 63% verts », indique d’emblée Paulo Cameijo, membre du bureau du Syndicat national du chauffage urbain et de la climatisation urbaine (SNCU)  et du conseil d'administration de la Fedene. Biomasse, solaire thermique, cogénération, récupération de la chaleur perdue, géothermie… leurs sources d’approvisionnements variées permettent en effet de produire de la chaleur et du rafraichissement à moindre impact.

Peu carbonés, ces réseaux contribuent donc à réduire efficacement les émissions des bâtiments tels que des logements et bureaux.  Un enjeu important lorsque l’on sait que le secteur du chauffage et de la climatisation représente 50 % de la consommation d'énergie des bâtiments et de l'industrie.

Ces réseaux sont donc un levier à haut potentiel de décarbonation. Pourtant, ils ne représentent que 5% du chauffage en France. En 2020, on comptait environ 833 réseaux de chaleur, avec 6200 km de réseaux, 44 000 bâtiments raccordés (2,5 millions d'équivalents logement).   Le gouvernement a d’ailleurs fixé pour objectif de multiplier par deux les livraisons de chaleur renouvelable d’ici 2028 via le verdissement des réseaux mais surtout via la création, l’extension et la densification.

Comment alors massifier ces installations ? Quels retours d’expériences ? Quels bénéfices ? Quels modèles de contractualisation ?... Autant de questions abordées lors des différentes tables rondes, conférences et débats lors de la journée des réseaux de chaleur et de froid du 19 avril.

En route vers la 5e génération de réseaux de chaleur et de froid !

La matinée a été consacrée aux réseaux de chaleur et de froid de 5e génération. Et plus particulièrement aux enseignements des six années de recherche et développement menées par le projet D2Grids du programme européen Interreg NWE pour développer des réseaux de chaleur et de froid à basse température dans des quartiers urbains. Pour rappel, le programme européen D2Grids, soutenu à hauteur de 60% par l’Union européenne, s’imbrique dans la stratégie énergétique européenne. Il a permis de suivre le déploiement de cinq sites pilotes de dernière génération de réseaux de chaleur et de froid urbains : Bochum en Allemagne, Brunssum aux Pays-Bas, Glasgow en Ecosse, Paris-Saclay en France et Plymouth en Angleterre. Arrivée à termes, cette première phase d’expérimentation fait un premier bilan très positif. Sources d’énergie variées, flexibilité thermique et électricité renouvelable, les différents retours d’expérience ont montré la capacité de ces réseaux innovants à être à la fois fiables et décarbonés.

Pour Frans Drummen, directeur de projet D2Grids sur le site de Mijnwater aux Pays-Bas, les réseaux de 5e génération répondent pleinement aux enjeux actuels d’un développement plus durable : « la transition énergétique, c'est le désir de passer d'un système de carburants fossiles vers les renouvelables tout en réduisant les besoins pour entrainer une baisse de la production de l'énergie. Nous sommes aujourd’hui face à une courbe en X : l'ancien régime remplacé par un nouveau régime. Il n'y a pas un seul processus, mais deux qui fonctionnent en même temps avec une baisse de l'ancien régime et une montée du nouveau »

Parmi les cinq projets européens parties prenantes du programme, le pôle scientifique et technologique de Paris-Saclay s’étend sur 27 communes d’Essonne et des Yvelines. Au total 25 kms de réseau raccordent en sous-terrain 650 000 m² de bâtiments, soit plus de 50 MW de puissance chaud et froid cumulées. Grâce à la géothermie notamment, plus de 50% d’énergies renouvelables et de récupération approvisionnent le réseau. Un retour donc positif. Les prochaines évolutions consisteront à « verdir » encore plus l’installation : « deux réseaux fonctionnent encore au gaz, nous cherchons à réutiliser la chaleur fatale des réseaux informatiques, mais également à mutualiser la chaufferie sur le plateau Saclay pour en maximiser l’usage », témoigne Antoine Latreille, vice-Président Patrimoine de l'Université Paris-Saclay. Autres projets, ceux de Heerlen et Bochum dont les réseaux de chaleur et de froid de 5e génération utilisant en particulier l’énergie géothermale des anciennes mines abandonnées.

En savoir plus sur ces projets : https://bit.ly/3LVRvmz

Après l’expérimentation, la capitalisation. Une « boîte à outils » a été développée par le projet D2Grids pour permettre aux acteurs de se lancer dans la 5GDHC. Sont également disponibles des modélisations, documents techniques, études de faisabilité personnalisées, des cours en ligne. Enfin, une alliance industrielle a été créée pour développer une « intelligence collective de la 5GDHC » - à retrouver sur le site D2Grids et la plateforme 5GDHC. La seconde phase du programme Interreg NWE, à échéance 2027, a été annoncée en conclusion par Eugenia Bueno Martinez, coordinatrice projet à Open Universiteit : « sept régions ont été identifiées comme ayant un potentiel intéressant pour poursuivre les recherches : les Flandres en Belgique, le Luxembourg, le nord-est de la France, la Ruhr en Allemagne, les East Midlands en Angleterre et la province de Limburg aux Pays-Bas. L’un des défis majeurs de cette nouvelle phase consistera à continuer d’améliorer les sources d’approvisionnement durables des réseaux de chaleur et de froid ». A suivre...

Piloter un projet de réseau de chaleur et de froid

L’après-midi était plus macro, avec un accent porté plus particulièrement sur la France. La première table-ronde de l’après-midi, “quelle énergie pour la ville de demain”  a débuté sur un constat d’urgence : « la France est le seul pays européen à ne pas avoir atteint son objectif fixé à 23% d’ENR dans son mix énergétique », a indiqué en guise d’introduction Paulo Cameijo.

Malgré tout, les exemples sont nombreux. André Santini, maire d’Issy-Les-Moulineaux, et Pascal Thévenot, maire de Vélizy-Villacoublay ont pu montrer que les réseaux de leurs villes respectives pouvaient s’appuyer largement sur la géothermie pour garantir une énergie décarbonée et économique aux habitants. « Nous nous attendions à atteindre 60% de géothermie dans l’approvisionnement du réseau de chaleur, mais avec la crise énergétique et le renforcement de la sobriété des usages cette part a dépassé les 70% », témoigne Pascal Thévenot.

Aussi, la mise en place d’une rupture technologique (la géothermie multi-drain) à Vélizy-Villacoublay a permis aux installations géothermiques de dépasser les 600 mètres de profondeur. « Il a fallu un an pour adapter les modèles mathématiques et le réglages des pompes à chaleur connectées au réseau de chaleur. La température de l’eau est quant à elle encore à augmenter », précise le maire. A Issy-les-Moulineaux, le maire André Santini a un chiffre maudit : « le 14… » soit le nombre d’années durant lesquelles il a œuvré pour que ce projet voit le jour. Inauguré en 2023, le projet fournit aujourd’hui 70% de la chaleur de son nouveau quartier « Issy Cœur de Ville ». Et si c’était à refaire ? Le maire confie : « j’irais encore plus vite ! Pour réussir ce type de projets, un des points indispensables est d’avoir une population qui a envie d’avancer et en confiance. ». De la détermination donc !

Pour Paulo Cameijo, une autre clé de succès réside dans la nécessité de mettre en place une véritable « coopération territoriale » pour mener à bien ce type de projets. Yannick Jacquemart, directeur nouvelles flexibilités pour le système électrique chez RTE a souligné l’importance de se rendre compte de l’enjeu électrique dans un système décentralisé, un système dans lequel les pompes à chaleur doivent être continuellement alimentées en électricité. Enfin, Benoît Ricard, directeur général et co-fondateur d’E-nergy a insisté sur les bénéfices des réseaux de chaleur et de froid « pour résister aux hausse des prix de l’énergie comme celle constatée depuis 2022. »

La place de la « chaleur made in France » était ensuite au cœur des échanges entre Baptiste Perrissin-Fabert, directeur exécutif de l'expertise et des programmes à l’ADEME et Serge Burtin, directeur technique et opérations de Dalkia. Avec en annonce, la hausse du montant du Fonds chaleur de l’Ademe : en 2023, Baptiste Perrissin-Fabert a annoncé qu’il devrait passer de 520 millions d’euros (2022) à 950 millions d’euros pour l’année 2023. Pour rappel, les aides allouées en 2022 permettront la construction de plus de 900 nouvelles installations (géothermie, chaufferie biomasse, équipement de récupération de chaleur fatale…) qui produiront 3,68 TWh de chaleur renouvelable et de récupération.

Les réseaux de chaleur et de froid aux cœur des innovations

Fin de la journée avec une dernière table ronde autour des outils et financements au service du développement des réseaux de chaleur et de froid. Des thématiques traitées en janvier 2023 dans un dossier Construction21.

Pour Anne Barbarin, cheffe du département Énergie de la FNCCR, le choix d’un contrat de concession portant délégation de service public de la part des collectivités concernées est une option qui fonctionne : « c’est un outil intéressant quand il y a du développement de réseau à faire. Il est plutôt dans la main de la collectivité ce qui engendre tout de même des limites sur la partie contrôle.  Même si le contrat est bon, il faut être capable de suivre les indicateurs et déployer un mécanisme régulier de contrôle, ce qui est de plus en plus souvent le cas. »

Les collectivités sont ainsi séduites à la fois par le prix mais également par les dernières innovations qui permettent des installations moins contraignantes et plus décarbonées : « aujourd’hui on peut compter sur des sources qu’on ne soupçonnait pas. Maintenant, les industriels disent « 100 degrés avant je n’en faisais rien, mais maintenant je peux connecter mes bâtiments avec ». Comme on est dans un fonctionnement multipôles, multi acteurs, il faut également travailler la question de la gouvernance : qu’est-ce qui appartient au client, au réseau, comment faire les échanges ? L’innovation doit donc aussi aller dans la gouvernance et la contractualisation. Beaucoup de chemin reste encore à parcourir », indique Julien Sorreau, Directeur technique et opérations chez Greenflex.

Les retours d’expérience de Baptiste François, chargé d'études chez Efficacity, et de Frédérick Cauvin, directeur général adjoint en charge de l’énergie de SERM-Montpellier ont ensuite permis de souligner le besoin de penser quartier avant de penser réseau : les utilisateurs du réseau doivent être divers et variés pour que la mixité d’usages puisse permettre au réseau d’être le plus efficace et pertinent possible ! Il a ainsi évoqué le quartier de la principauté de Monaco, exemplaire.

Florian Ortega, associé en charge du secteur Energie & Environnement chez Columbus Consulting a conclu cette journée avec une prise de recul sur nos usages. Il a rappelé l’urgence de décarboner nos modes de chauffage et de rafraîchissement et tout l’intérêt des réseaux de chaleur et de froid pour y répondre, « une solution avantageuse notamment en raison de la stabilité de leurs coûts » !

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