#35 - Adaptation au changement climatique, quels démonstrateurs pour les espaces urbains de demain ?
La rédaction C21
L’adaptation au changement climatique vise à « contribuer au bien-être des populations, à la sécurité des biens et au maintien des produits, des fonctions et des services écosystémiques, à l’heure actuelle et à l’avenir ». Les espaces urbains de demain devront donc être capables de faire face à l’intensification des phénomènes climatiques tout en garantissant un certain cadre de vie. Afin de guider les acteurs du secteur à prendre en compte l’adaptation dans leurs projets, C21 vous propose une sélection d’études de cas qui intègrent cette notion à partir de sa base de données.
Pour des espaces urbains conviviaux, agréables et sûrs
Un des enjeux majeurs de l’aménagement de demain est d’établir de nouveaux modèles d’espaces urbains qui répondent à la fois aux enjeux climatiques et à la pression démographique urbaine. Comment bien vivre ensemble alors que les risques climatiques augmentent et qu’il y a de plus en plus d’habitants en ville ? Voici trois études de cas qui apportent des éléments de réponse à cette problématique.
L’Ombrière des canaux est une terrasse démontable, réalisée en bois de réemploi pour le compte de l’association des Canaux. Elle a été installée le long de la Seine tout l’été, offrant ainsi un espace pour se protéger des rayons du soleil grâce à l’utilisation de brise-soleil. L’association peut ainsi continuer à proposer ses activités malgré les fortes chaleurs, garantissant la continuité de l’animation sociale dans l’espace public. De plus, l’Ombrière a été conçue pour s’intégrer dans l’espace urbain environnant (l’architecture rappelle la Seine et les bâteaux) et propose un mobilier urbain avec un impact écologique limité. Elle fait ainsi le lien entre préoccupations sociales et environnementales dans l’espace urbain.
Pour en savoir plus, n’hésitez pas à regarder la vidéo Green Solutions dédiée à l’Ombrière.
L’écoquartier Hibiscus
L’écoquartier Hibiscus, livré en 2016, est situé en Guyane. Ses bâtiments et espaces urbains ont été conçus pour répondre aux particularités locales, dont le climat tropical. Le projet a d’ailleurs gagné le Grand Prix Ville durable France des Green Solutions Awards 2019.
Le projet propose notamment des solutions afin de gérer les risques liés à l’eau lors de la construction en zone inondable. Il défend ainsi une gestion des eaux de pluie qui intègre le retour de l’eau dans la ville. Les décideurs de l’opération ont misé sur une végétalisation des espaces publics, sur la création de bassins de rétention au milieu du quartier et sur la mise en place d’un réseau pluvial enterré.
L’écoquartier propose également de multiples dispositifs pour animer la vie sociale du quartier (création d’une maison de quartier, aménagement d’une place centrale) et ainsi contribuer à sa convivialité.
Réaménagement du boulevard Aubanel à Miramas (13)
L’opération de réaménagement du boulevard Aubanel, à Miramas, consistait à transformer une 2x2 voies d’entrée de ville en 2x1 voies afin d’en faire une promenade végétalisée. La gestion de l’eau, l’adaptation au changement climatique et la préservation de la biodiversité sont au cœur du projet.
Cette opération favorise la réintroduction de la végétalisation dans les espaces urbains via la création d’une voie verte de 800 m de long. Cette voie est constituée d’un chemin mixte piétons/cyclistes bordé d’espaces végétaux, accompagné d’une zone d’éducation à la nature. Elle contribue ainsi à améliorer le cadre de vie de tous les habitants du quartier (diminution de la pollution de l’air et des nuisances liées au trafic routier, lutte contre les îlots de chaleur, évolution du paysage urbain, promotion de la mobilité douce). De plus, la réduction des surfaces minéralisées permet de favoriser l’infiltration des eaux dans les sols en cas de fortes pluies.
Le projet a reçu en 2020 le prix Infrastructures pour la Mobilité, Biodiversité et Paysages avec la Mention spéciale du jury de l'Institut des Routes, des Rues et des Infrastructures pour la Mobilité (IDRRIM).
Les fontaines universelles Mât Source®
Conçues par Water Connect, les fontaines Mât Source® participent à la création d’oasis de fraîcheur dans le paysage urbain. Elles cumulent les réponses à plusieurs problématiques clefs de l’adaptation au changement climatique : distribution d’eau potable, ombrage, brumisation, tout en étant autonomes en énergie. Elles représentent également un point de repère dans l’espace urbain.
La solution bleue (basée sur l’eau, à différencier des solutions vertes et grises) est ici adoptée pour rendre nos espaces urbains plus supportables en été et lutter contre la chaleur.
Gérer l’intensification des phénomènes climatiques
Le changement climatique se traduit par l’intensification de phénomènes naturels : inondations, sécheresses, tempêtes, etc. Les espaces urbains de demain doivent composer avec ces risques. Dès lors, quelles sont les solutions pour préparer dès maintenant nos espaces urbains aux évolutions climatiques à venir ?
Power Road® est une solution développée par Eurovia, qui vise à proposer une route regroupant toutes les caractéristiques de sécurité, de durabilité et de recyclabilité attendues d’une chaussée. Un démonstrateur a été construit à Saint-Arnoult, dans les Yvelines, en 2017. Le projet a remporté le Grand Prix Infrastructure durable France des Green Solutions Awards 2019.
Power Road est capable de capter, stocker et redistribuer l’énergie solaire grâce à la mise en place d’un échangeur de chaleur, composé de tubes dans lesquels circule un liquide de refroidissement, dans les couches supérieures de la chaussée.
En été, cela permet d’empêcher la chaleur de s’accumuler sur la voirie, limitant ainsi les îlots de chaleur urbains. La température des chaussées peut ainsi baisser de 8 à 14 degrés suivant la configuration des sites. L’énergie est ensuite renvoyée vers les bâtiments aux alentours. Elle peut également être utilisée en hiver pour déneiger. Cette solution peut donc diminuer l’effet des phénomènes climatiques, que ce soit en été ou en hiver, tout en contribuant au développement des énergies renouvelables.
Des pavés intelligents pour rafraîchir les villes
En 2018, 2EI Veolia a installé une solution de pavés intelligents pour la ville de Toulouse. Ce projet permet de lutter contre la hausse des températures dans les espaces urbains.
Les pavés développés par 2EI Veolia captent l’eau de pluie, qui est récupérée et stockée dans des cuves sous l’infrastructure, avant de la relâcher par un système de goutte à goutte qui permet à l’eau de remonter par capillarité au travers des pavés avant de s’évaporer, . En été, cette solution permet de faire baisser la température ressentie de 5 à 7°C. Le système entier est équipé de capteurs et équipements actionnables à distance et peut être piloté à distance. Cette solution, conçue selon des principes bioclimatiques et bas carbone, adresse donc à la fois l’enjeu de gestion des eaux dans les espaces urbains et à la fois celui des îlots de chaleur.
L’installation des pavés intelligents à Toulouse a été accompagnée d’une réflexion plus globale sur le réaménagement des espaces urbains (végétalisation, etc).
La médiathèque du Sud Sauvage à la Réunion
La médiathèque du Sud Sauvage a été construite en 2017, sur l’île de la Réunion. Le bâtiment, bioclimatique, est conçu pour s’adapter au climat tropical de la région.
Les porteurs du projet ont tenu à adopter une conception passive. Ils ont mené un travail de fond sur l’isolation, la ventilation, l’ensoleillement, etc. Ainsi, le bâtiment et ses usagers sont protégés en cas de fortes pluies ou de fortes chaleurs. De plus, la médiathèque est équipée d’une toiture végétalisée. Cela permet de limiter le ruissellement des eaux sur la chaussée, de préserver la biodiversité et de lutter contre les îlots de chaleur urbains. L’espace urbain aux alentours bénéficie donc des caractéristiques bioclimatiques du bâtiment.
La médiathèque a également été conçue pour s’insérer dans l’espace public : le bâtiment est ouvert sur les espaces urbains adjacents et le parvis de la médiathèque a été pensé comme une place publique. Cela permet de créer de l’animation sociale dans l’espace.
Préserver les services écosystémiques pour limiter les effets du changement climatique
Les services écosystémiques apportent de nombreux bienfaits pour les espaces urbains : lutte contre les îlots de chaleur, amélioration du cadre de vie, gestion de l’eau et bien d’autres encore. Il est donc essentiel de les préserver, notamment en végétalisant les villes et les territoires. Voici ainsi trois études de cas qui présentent des solutions inspirantes de végétalisation des espaces urbains.
Lisière de Tierce Forêt est un projet mené conjointement par des architectes, des forestiers, des climatologues ainsi que des ingénieurs, avec un double objectif : réintroduire des écosystèmes forestiers en ville et améliorer l’accessibilité des espaces publics. Un prototype de 1200 m² a été installé à Aubervilliers en 2020.
Ce projet s’appuie sur un dispositif combiné de captage, stockage et redistribution des eaux de pluie au plus près des racines. Cela permet de limiter les risques d’inondation en cas de fortes pluies et d’irriguer les arbres en cas de sécheresse. De plus, la végétalisation des espaces publics a un impact positif sur le rafraîchissement urbain. Le projet répond donc à de multiples enjeux de l’adaptation au changement climatique.
En plus de ces atouts, la Lisière de Tierce Forêt a également un impact positif sur le stockage carbone, la préservation de la biodiversité ainsi que sur la création de lien social dans le quartier.
La Cité scolaire végétale de Montpezat sous Bauzon
Cette étude de cas présente la construction d’une école dans la commune de Montpezat sous Bauzon, en Ardèche (07). Implantés dans la prairie centrale du village, les nouveaux locaux scolaires devaient être intégrés dans le paysage et ne pas nuire à la biodiversité locale. La cité scolaire végétale permet de préserver les services écosystémiques locaux et d’en faire bénéficier les habitants. Le projet a remporté le Grand Prix Construction durable France des Green Solutions Awards 2019.
Le projet a également offert l’opportunité de réfléchir à un réaménagement de la route qui mène à la prairie pour en faire une chaussée végétalisée, afin d’améliorer la perméabilité des sols, de réguler le trafic automobile et d’assurer la continuité de la trame verte du village. Le territoire a ainsi gagné en résilience face aux eaux de pluie et en sécurité routière.
La végétalisation innovante du bâtiment Respiro
La végétalisation du bâtiment de bureau Respiro, à Nanterre (92), consiste en la création de deux toitures terrasses de 860 m² et 650 m². Mené en partenariat avec le Muséum National d’Histoire Naturelle, le projet montre comment il est possible de s’appuyer sur les bâtiments pour améliorer les services écosystémiques en espace urbain dense.
L’opération de végétalisation suit la démarche WildRoof, qui consiste à laisser la flore sauvage coloniser le substrat nu. Les toitures comprennent également des potagers en libre accès, ce qui permet de créer des espaces de lien social tout en valorisant la biodiversité. Cette végétalisation a un impact positif sur l’espace urbain environnant : elle favorise le rafraîchissement naturel, la gestion des eaux pluviales, la protection de la biodiversité (107 espèces d’invertébrés différentes y ont été identifiées), etc.
Conclusion : les solutions existent !
Les solutions pour adapter nos espaces urbains au changement climatique existent. De nombreux démonstrateurs, comme ceux que nous venons de passer en revue, peuvent donner des pistes d’inspiration pour repenser l’aménagement de nos espaces urbains. Il faut à présent diffuser ces bonnes pratiques le plus largement possible, afin de toucher les décideurs et les porteurs de projets, et ainsi préparer nos villes et territoires au changement climatique.