Identification des freins à l'économie circulaire: une simple évolution réglementaire ?

Rédigé par

SOPHIE SANCHEZ

Responsable communication

9430 Dernière modification le 19/12/2017 - 11:01
Identification des freins à l'économie circulaire: une simple évolution réglementaire ?

Comme son nom l’indique, l’économie circulaire est d’abord un modèle de marché. La question est donc d’identifier ce qui bloque dans l’organisation actuelle et de les transformer en opportunités ou du moins d’en extraire des leviers, afin de favoriser son développement au vu de la raréfaction des ressources premières, des enjeux d’une transition écologique solidaire et des coûts associés à une telle conversion économique.

En 2015, la loi de transition énergétique pour une croissance verte a posé les fondamentaux, en mettant en avant la valorisation des déchets dans le BTP, 1er producteur de déchets en France avant les ménages, avec un objectif ambitieux de les valoriser à 70 % de leur assiette en 2020 !

Respectant la logique des paliers en fixant des objectifs à court et plus long termes, la réduction même des déchets produits n’est fixée qu’à un objectif de 10 %. Pour autant, la hiérarchie de de mode de traitement des déchets fixée par la directive cadre de 2008 est claire[1] : le premier des modes de traitement est d’éviter la production de déchets.

Dans ce contexte, comprendre l’économie circulaire appliquée au bâtiment et ses incidences réglementaires passe par la prise en compte de son cycle de vie et des déchets en découlant :

  1. 0 déchet et prise en compte du cycle de vie du bâtiment dans la durée :
    1. Durabilité ;
    2. Réversibilité ;
    3. Écoconception ;
    4. Penser dès l’impulsion du projet, à l’éventuelle déconstruction du bâtiment.
  2. Le réemploi des éléments issus d’opérations de curage / rénovation partielles ou de déconstruction,
  3. La réutilisation des déchets n’ayant pu être évités et nécessitant une phase d’adaptation ;
  4. Les autres opérations de valorisation : recyclage, valorisation énergétique, etc.
  5. Le traitement des déchets n’ayant pu être valorisés, les déchets dangereux en particulier.

La compréhension du processus dans son ensemble

Ainsi, les éléments issus d’un bâtiment sont amenés à suivre un processus parallèle au cycle de vie du bâtiment.

Aujourd’hui, béton brut ou préfabriqué, fenêtres, portes, gaines, faux-plafonds, etc. suivent un chemin de production, de certifications et de pose rythmé par les étapes suivantes.[2] :

Demain, il est proposé de mettre à jour ce chemin. De nombreuses propositions sont en cours de discussions. Ce chemin pourrait être revu selon le rythme suivant[3] :

Par conséquent, cette mise à jour titille le droit applicable et les réglementations techniques sur les points suivants :

Juridiquement,

  • les exigences contractuelles de nos maîtres d’ouvrage ;
  • la réglementation relative à la gestion des déchets ;
  • la valorisation des biens issus de la déconstruction, et leur transfert ou non de propriété ;
  • les garanties légales, contractuelles et les exigences en termes d’assurances, et ce, par corps d’état.

Techniquement,

  • les conditions de qualification technique et d’exigences de qualité, et ce dès la conception finalement : avis techniques, DTU, tests et essais, modes opératoires, normes et certifications ;
  • l’organisation logistique et les métiers associés à la requalification des éléments ;
  • les garanties « produits ».

En termes juridiques, il s’agit de s’appuyer sur le droit applicable en vue de faire évoluer les processus permettant d’intégrer ces éléments dans le cycle économique actuel :

  • diagnostic et de qualification ;
  • dépose et tri ;
  • traitement et réinjection sur le marché, comprenant les garanties idoines.

En termes techniques, il s’agit d’une part, de mettre à jour les normes et référencements, soit prendre le temps de manière collégiale, et d’autre part, de faire monter en compétences les métiers identifiés comme « sachants » potentiels tels que les diagnostiqueurs, cureurs, métiers relatifs au recyclage et/ou traitement des déchets afin d’intégrer ce champ d’activités au sein de leurs processus.

C’est pourquoi la commande publique est un vecteur considérable identifié pour favoriser le développement de l’économie circulaire, sans évoquer ici les mesures incitatives pouvant soutenir la structuration de la chaîne de valeurs (crédits d’impôt, aide à la conversion d’un site de traitement des déchets, etc.).

Nouveaux objectifs de la commande publique

Au regard de ce processus, les acheteurs ont à leur disposition une boîte à outils renouvelée par l’ordonnance de 2015 et ses textes d’application :

  • en termes d’objectifs, puisque le cycle de vie d’un bâtiment doit être pris en compte dès la définition du projet de travaux le plus en amont possible, ses performances environnementales également ;
  • en termes de mise en œuvre, à travers les procédures d’appels d’offres permettant des dialogues affinés au vu de ces nouveaux enjeux, des contrats et d’avoir une vision globale d’un projet, comme, par exemple, les contrats de conception-réalisation ou les contrats de performance.

Un accompagnement réglementaire, oui, mais également pédagogique !

À la suite de ce qui précède, il faut bien comprendre que les entreprises de travaux seront au cœur de ce nouveau modèle mais ne pourront agir seules, les travaux étant par définition initiés par un programme, un besoin, un souhait des Maîtrises d’ouvrages. Les architectes, les bureaux d’études, de contrôle sont donc également parties prenantes et doivent être sensibilisés et formés au même titre.

L’Union Européenne, à travers la Commission, a bien compris le sujet puisqu’elle promeut concrètement l’économie circulaire dans un « paquet » publié fin 2015. À cet égard, elle a publié spécifiquement un protocole opérationnel fin 2016, ainsi que des lignes directrices et une charte « Level(s) » dédiées, courant 2017[4].

Le travail est loin d’être achevé, puisque des groupes de travail au niveau français et européens préparent également l’avenir, certainement accéléré en France par la feuille de route qui sera publiée en 2018 par le ministère de la Transition écologique et solidaire.

Article rédigé par Clotilde Pétriat,

Membre du groupe de travail « économie circulaire » d’EGF-BTP et Responsable juridique Eiffage Construction Équipements

[2] Les étapes présentées étant successives, les prérequis des étapes précédentes ne sont pas rappelées à chaque fois mais sont à considérer comme incluses.

[3] Même commentaire que pour le tableau précédent.

Dossier Economie circulaire
Retrouvez tous les articles du Dossier Economie circulaire
en cliquant ici.
Partager :