Le sol, l'eau et le végétal, matrices du rafraîchissement urbain 

2067 Dernière modification le 27/06/2023 - 12:16
Le sol, l'eau et le végétal, matrices du rafraîchissement urbain 


La compréhension du phénomène d’îlot de chaleur urbain s’est largement diffusée ces dernières années. Devant la fréquence croissante des épisodes de forte chaleur, l’ICU s’est légitimement fait une place parmi les acronymes les plus populaires de l’aménagement. Il est une des motivations essentielles de « l’adaptation ». Davantage que de confort, c’est en effet de santé publique dont il est question.


Une discipline se développe (rafraichir la ville), associant experts, entreprises et collectivités. Il faut l’encourager, le temps presse. Notons néanmoins que toute démarche en la matière apparaîtrait cosmétique si l’on ne s’attaque pas frontalement à l’enjeu essentiel : freiner le dérèglement climatique en réduisant sans attendre nos émissions globales de gaz à effet de serre.

Les canicules marines détruisent la faune et la flore aquatique, génèrent des événements météorologiques extrêmes et appauvrissent les populations humaines et non humaines qui vivent des fruits de la mer. Frappées par la sécheresse et la hausse des températures, les forêts perdent leur capacité à absorber le carbone et voient leur biodiversité s’effondrer. La spirale est enclenchée et aggravera les difficultés rencontrées par les villes.

Que faire à l’échelle locale ?

Accepter en premier lieu de questionner nos repères les plus installés, nos schémas les plus empruntés et nos habitudes les plus ancrées. Si à titre individuel la neutralité carbone – inscrite dans la loi – finira par imposer de manger végétarien, d’acheter uniquement en seconde main et de voyager autrement qu’en avion, les villes devront observer un régime tout aussi frugal.

Dépasser en premier lieu le développement durable – un oxymore inopérant, en témoigne la hausse exponentielle des émissions de carbone depuis la popularisation du concept – pour entrer en résilience, puisque nous sommes dorénavant en état de crise écologique permanent.

Autrement dit, considérer l’ensemble des limites biophysiques de la planète qui conditionnent son habitabilité. L’activité humaine doit répondre aux besoins sociaux de tous sans franchir les seuils au-delà desquels les grands équilibres naturels de la Terre sont bouleversés, remettant en cause les conditions qui ont permis l’essor de nos sociétés.

Passer ensuite d’une logique de développement à celle d’équilibre. Délestées de la politique en silos, les collectivités ont intérêt à penser système face à des enjeux transversaux. C’est la clé pour intensifier les usages de l’existant et en finir avec l’étalement urbain. Hybridation, chronotopie, réversibilité : un même espace lieu doit pouvoir accueillir des usages divers dans le temps et répondre à différents besoins.

C’est ensuite l’ensemble des politiques d’aménagement qu’il convient de reconsidérer sous l’angle de la sobriété : logement, mobilités, énergie… ainsi que l’ensemble des déterminants du niveau de chaleur en ville : formes urbaines, matériaux et revêtements, activités économiques…

Les politiques de rafraîchissement doivent être envisagées de manière transversale. Celles fondées sur la nature – et sur un diagnostic bioclimatique complet – se révèlent les plus efficaces. Avec une règle fondamentale : « pas d’eau, pas de végétaux ! »*. Et face aux restrictions d’arrosage qui ne manqueront pas de frapper dorénavant les villes, la préservation et la valorisation des eaux pluviales est essentielle. L’eau doit ainsi précéder l’aménagement, et non l’inverse. C’est elle qui détermine la forme du plan guide : infiltrer d’abord, puis végétaliser, et enfin aménager.

Considérant le faible taux de renouvellement du tissu urbain chaque année, et la part majoritaire (autour de 80 %) du foncier privé dans les villes, de nouvelles coopérations sont à inventer pour multiplier les occasions de déconnecter les eaux pluviales des réseaux d’assainissement et ainsi abreuver les sols.

L’adaptation des villes constitue finalement un enjeu démocratique majeur. Elle doit garantir la qualité de vie de chacun et implique la participation de tous : collectivités, habitants, entreprises...

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