« Le logement social va beaucoup plus vite en termes d’expérimentation et d’évolution » Catherine Vautrin, Présidente de l’ANRU

Rédigé par

La rédaction C21

2578 Dernière modification le 03/04/2023 - 11:23
« Le logement social va beaucoup plus vite en termes d’expérimentation et d’évolution » Catherine Vautrin, Présidente de l’ANRU

 

Nommée en septembre 2022 à la tête de l’ANRU (Agence Nationale pour la Rénovation urbaine), Catherine Vautrin détaille les ambitions du second programme de rénovation urbaine de l’agence. Une nouvelle phase marquée par une volonté de mieux prendre en compte des enjeux environnementaux des chantiers, grâce notamment à l’enveloppe de 100 millions d’euros accordée en septembre dernier par Olivier Klein, ministre délégué chargé de la Ville et du Logement dans le cadre du plan « Quartiers résilients ».

Où en êtes-vous du Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain (NPNRU) lancé en 2014 ?

Le NPNRU ce sont 453 projets incluant 12 000 opérations sur la totalité du territoire (France métropolitaine et DOM TOM), et au 31 décembre dernier 416 étaient en chantier. Nous entrons donc dans une phase de forte accélération dans la mise en œuvre du programme. Concrètement, pour les habitants, ce sont déjà 15 000 logements réhabilités, 6 000 logements construits et plus de 115 équipements publics construits ou réhabilités. Au total, le NPNRU représente un engagement financier de près de 14 milliards d’euros. C’est donc un nouvel engagement massif après le premier programme de rénovation urbaine qu’avait mené l’ANRU (2004-2020).

Comment intégrez-vous des objectifs de construction durable au sein des projets que vous accompagnez ?  

Nous avons publié une étude au mois de septembre lors des journées de l’ANRU, qui montrait que les habitants des quartiers prioritaires étaient ceux qui émettaient le moins de GES et pourtant ils en subissaient le plus les conséquences : ils ont chaud l’été et froid l’hiver.
Nous intégrons donc déjà des objectifs de construction durable. Par exemple, sur la performance énergétique des logements, d’une étiquette en moyenne D pour les logements traités dans le NPNRU (construction années 1960), on passe à une étiquette A (logements neufs), et approximativement B (logements rénovés BBC) ou C (logements rénovés HPE). 
Pour autant, nous devons aller encore plus loin. Lors des dernières journées de l’ANRU, le ministre Olivier Klein a annoncé la démarche « Quartiers résilients ». Elle consistera notamment à voir comment on peut, dans les projets, encore améliorer les choses. Je pense notamment au mode de chauffage, au traitement de l’eau, aux modes d’isolation, …

Cela va-t-il impacter vos arbitrages à faire entre démolitions et réhabilitations des quartiers ? 

Je ne crois pas à l’opposition entre démolition et réhabilitation dans le cadre d’un projet de renouvellement urbain. L’exemple à Reims de Plurial Novilia est parlant [NDLR : Catherine Vautrin est conseillère municipale de la ville de Reims et Présidente du Grand Reims]. La rénovation du quartier des Chatillons, qui était en forme de serpentin complètement fermé sur lui-même et sans aérations, a consisté à faire tomber quatre immeubles pour ouvrir la place, amener du vert et de la respiration et a le raccorder au réseau de chauffage urbain. La démarche de réhabilitation des immeubles par une isolation par l’extérieur pour améliorer les performances énergétiques, s’est associée à des démolitions nécessaires pour aérer le quartier. Deux démarches différentes mais complémentaires. 

Le NPNRU, ce sont 453 projets. Nous assumons le « cousu main » car chaque quartier est différent. Aujourd’hui, le NPNRU, c’est 2/3 de réhabilitation pour 1/3 de démolition/reconstruction. Chaque projet porté par les collectivités territoriales fait l’objet d’une analyse et d’une décision collégiale du Comité d’engagement de l’ANRU, qui regroupe tous nos partenaires, Action Logement, l’USH, la Caisse des dépôts. 

Après les élections de 2020, certaines nouvelles équipes municipales ont souhaité revoir leurs projets, notamment pour réduire le nombre de démolitions. Les projets de renouvellement urbain sont sur le long terme, donc par nature évolutifs et nous sommes très attachés au partenariat local avec les collectivités territoriales. Il est une des conditions de réussite des projets. Le comité d’engagement a été à l’écoute des nouvelles propositions des porteurs de projets. Nous avons tous le même objectif, améliorer le cadre de vie des habitants des quartiers populaires.

Comment aller encore plus loin dans la prise en compte des exigences environnementales ? 

Il est essentiel de regarder chaque projet urbain dans sa globalité et dans sa spécificité. 

Dans sa globalité car le quartier évolue dans un environnement plus large. Il faut considérer l’aménagement de l’espace public, la disponibilité d’espaces verts et ilots de fraîcheur ou encore l’accès à des mobilités douces. 

Dans sa spécificité car les enjeux environnementaux ne sont pas les mêmes selon les quartiers. Les conditions climatiques diffèrent d’une région à l’autre. Certains quartiers sont soumis à une forte pollution de l’air, d’autres à un risque de submersion. Certains cumulent plusieurs vulnérabilités. 

Plus largement, les projets de renouvellement urbains sont de véritables laboratoires d’innovation environnementale, qu’il s’agisse de construction de bâtiments avec des systèmes d’autoconsommation d’énergie, de projets d’agriculture urbaine, … Ces solutions peuvent, demain, être déployés hors des QPV.

Quelles sont les premières orientations pour la mise en œuvre de la démarche « Quartiers résilients » ?

C’est d’abord une démarche partenariale, c’est notre ADN, avec la volonté de mobiliser nos partenaires historiques que sont Action Logement, l’USH et la banque des territoires et plus largement l’ensemble des acteurs publics. L’ADEME, les agences de l’eau, l’ANCT, l’ANAH, le SGPI, la banque des territoires, s’engagent, avec l’ANRU, à mobiliser leurs expertises et moyens pour résilience des quartiers. 

C’est ensuite une démarche transversale aux 453 projets. Chaque projet sera réinterrogé à l’aune d’une grille de résilience et l’ANRU proposera un dispositif d’accompagnement et de formation des acteurs du renouvellement urbain dans les collectivités territoriales, les bailleurs ou au sein des services de l’Etat. Il s’agit d’améliorer les projets sans en ralentir l’exécution. L’exemple type est celui d’une école dont la cour n’aurait pas été végétalisé dans le projet initial ou de raccorder le quartier au chauffage urbain. 

Enfin, 50 quartiers feront l’objet d’un accompagnement renforcé et avec des moyens dédiés par l’ANRU et ses partenaires. Une première liste de 25 quartiers devrait être annoncée courant avril.

Vous estimez avoir les moyens suffisants pour mener à bien votre mission ? 

L’ANRU s’est engagée à dédier 100 millions d’euros pour « Quartiers résilients ». Nos partenaires mobiliseront aussi des moyens dédiés qui permettront d’augmenter cette enveloppe. Plus largement, ce sont les 14 milliards d’euro du NPNRU qui doivent être résilients. 

Cela peut aller jusqu’à réinventer la façon de faire la ville ? 

J’ai envie que nous allions plus loin, en impliquant encore plus la profession d’architecte. Avec la loi ZAN, on se rend compte qu’on a aujourd’hui un besoin d’optimiser chaque mètre carré utilisé ? Il faut reconstruire la ville sur la ville. Dans le même temps, et c’est un peu schizophrénique, mais le rêve de la maison avec jardin reste quand même extrêmement important chez nos concitoyens, notamment en dehors des grandes villes. Nous avons donc besoin de toute la créativité des architectes pour créer des copropriétés nouvelles, en faisant par exemple du R+2 sans partie commune, où chacun à l’impression d’être en maison individuelle. 

A Reims, pour jouer la mixité d’un quartier, en lieu et place de deux énormes barres, 40 maisons en accession sociale à la propriété seront construites. L’idée est d’encourager la mixité et d’attirer de nouveaux habitants. Ce type de projets nous permet d‘être innovants et inventifs, aussi bien en termes de matériaux que de façon d’habiter. Avec en tête, l’idée que ces habitations ne deviennent pas obsolètes dans les 20 ou 30 années à venir. C’est pour cette raison que nous devons travailler avec les architectes de façon encore plus forte qu’on ne le fait aujourd’hui.

Quelle place faites-vous à l’économie circulaire et au réemploi de matériaux ?

L’économie circulaire et le réemploi sont très importants dans les projets de renouvellement urbain. Ils permettent d’abord, dans le cadre de démolitions ou de réhabilitations lourdes, de récupérer de nombreux matériaux afin qu’ils soient réutilisés et ainsi baisser le coût carbone des opérations. Ils sont aussi un moyen d’intégrer plus largement les habitants au projet en leur offrant de nouveaux services, notamment pour les projets d’agriculture urbaine où les produits sont vendus aux habitants du quartier. 

Par exemple, à Nancy, la maison du réemploi du quartier du Plateau de Haye à Nancy récupère les matériaux des bâtiments déconstruits, sensibilise au réemploi et permet l’emploi solidaire. À Val-de-Reuil, un parking vacant sera reconverti en ressourcerie. 

Ces solutions innovantes sont à construire quartier par quartier. C’est pourquoi j’ai souhaité créer un club des élus du renouvellement urbain. Il vise à s’appuyer sur l’expérience des maires, en faisant remonter des bonnes pratiques et en regardant comment les déployer sur d’autres territoires. 

Quel serait votre quartier idéal ? 

C’est un quartier dans lequel le vivre ensemble règne, avec une tranquillité résidentielle et une qualité de vie, où les logements correspondent aux attentes de nos concitoyens. C’est-à-dire de l’espace, de la résilience, où rien n’est gaspillé, que ce soit l’espace, l’énergie, l’eau. Nous devons être en capacité de mesurer ce que l’on prend à la planète pour être capable d’en être le comptable. Mais c’est aussi un endroit dans lequel on peut résider, travailler et avoir une vie culturelle. Bref, l’objectif est donc d’y retrouver toutes les fonctions d’une ville à l’échelle du quartier.

Propos recueillis par Stéphanie Obadia, Directrice de Construction21
et Grégoire Brethomé, Responsable éditorial de Construction21 

 

Partager :