Le BIM acoustique environnemental (BIMAE), un outil innovant pour repenser l’acoustique en urbanisme

Rédigé par

Alain TISSEYRE

3220 Dernière modification le 18/12/2020 - 14:59
Le BIM acoustique environnemental (BIMAE), un outil innovant pour repenser l’acoustique en urbanisme

Alors que le CNB a publié en juin 2016 une étude[1] évaluant à 57 milliards d’euros par an le coût social du bruit, il apparaît plus que jamais nécessaire de prendre en compte le bruit dans l’environnement de manière décloisonnée.

Le BIM acoustique environnemental (BIMAE) est un outil puissant de modélisation de l’évolution d’un paysage sonore au fil de la journée dans un projet d’urbanisme. La visualisation du paysage sonore en l’état futur d’achèvement dès la phase conception du projet constitue une réelle innovation dans l’acoustique urbaine. L’ingénierie acoustique n’est plus qu’une simple contrainte recherchant le silence des espaces urbains mais une technique pour répondre aux usages différenciés en fonction des espaces et du temps.

Pourquoi le bruit peut être source de plaisir et en même temps de stress ? Nos deux sens, l’ouïe et la vue, fonctionnent sur la base d’un analyseur de fréquences : en permanence et de manière réflexe, la vue et l'ouïe perçoivent les couleurs, aussi bien visuelles que les « couleurs » des sons (fréquences). C'est cela qui conduit à la compréhension réflexe des messages sonores que ce soit dans le silence mais aussi dans le bruit. Le silence de nos campagnes constitue un havre de paix, mais il peut être transformé en univers désagréable par un bruit, même très faible. L’identification sonore du passage de mobylettes au loin, ou encore de conversations tardives dans la nuit de personnes dans la rue, peuvent mettre en péril ce havre de paix alors qu’ils ne représentent qu’un niveau de décibels très faible. Le silence n’est donc pas suffisant.

Le silence n’est pas un critère suffisant pour satisfaire les nouveaux défis en urbanisme

Il y un demi-siècle, l’avènement du trafic dû au transport individuel dans les villes a créé un niveau sonore urbain tel, que l’urgence était de le limiter afin de dépolluer les villes devenues invivables pour les populations. Aujourd’hui, même si tous les points noirs ne sont pas résorbés, la mutation de nos cités consiste à créer des villes vertes pour réduire les pollutions sonores, créer des îlots de fraîcheurs et réintroduire une certaine biodiversité au profit de modes de transports plus doux. L'erreur commise actuellement est de croire qu'un espace urbain aussi silencieux que la campagne va garantir le confort de ses occupants. Pourtant, si l’acoustique en urbanisme cherche uniquement à remplir le critère du silence, alors cela favorisera l’identification de bruits qui seront considérés comme des nuisances. C’est notamment la raison pour laquelle on a assisté à une recrudescence des plaintes pour nuisance depuis la piétonisation des rues à Rennes : le silence lié à la suppression des voies de transport favorise l’identification sonore des terrasses de cafés et de bars.

Plutôt que d’aspirer au silence, il s’agirait donc de chercher à créer des paysages sonores urbains non-signifiants. Ainsi, les bruits identifiables peuvent s’y noyer et ne sont plus sources de nuisances. La rumeur des villes n’est pas un bruit signifiant, mais encore faut-il parvenir à modéliser sa variabilité afin d’y faire correspondre des solutions acoustiques pérennes.

Le BIMAE modélise la rumeur de la ville et les activités humaines

Le BIM acoustique environnemental est une modélisation 4D qui prend en compte la variabilité temporelle du paysage sonore, et consolide ses observations ponctuelles à des données statistiques globales. En effet, le BIMAE permet de modéliser un véritable paysage acoustique en l’état futur d’achèvement. Pour cela, les prises de mesures ponctuelles sont consolidées avec une approche statistique qui vise à comparer les observations du site à celles de sites similaires sur la base des données de l’Urbanistic Noise Map (UNM – Projet développé avec l’ADEME. Breveté T+A) afin d’établir un classement acoustique de zone. Cette approche statistique est ensuite couplée à l’ajout d’informations permettant de rendre compte de la variabilité d’un paysage sonore. Sont ainsi modélisés les niveaux sonores horaires des voies de transports adjacentes ou encore les niveaux sonores des activités humaines à proximité (en fonction du type d’activité et de l’occupation horaire).

Le BIMAE développé par Planète Acoustique garantit ainsi une cartographie en 3D, heure par heure, du paysage acoustique en l’état futur d’achèvement afin de trouver un équilibre entre le bruit des transports et le bruit des activités humaines.

 

Bruit des pollutions sonores dues au transport heure par heure

 

Bruit des activités humaines heure par heure

 

 

 

 

 

 

 

Zoom sur un ilôt des niveaux sonores liés aux activités humaines et des voies de transports à 18h pour vérifier que l’équilibre est atteint

L’étude de la propagation sonore en 3D garantit des solutions acoustiques pérennes

Sur la base des informations précitées, se fondent les calculs de propagations acoustiques sur 3 dimensions, permettant de modéliser une carte 3D et temporelle (4D). C’est d’ailleurs grâce à cette innovation de calcul que l’on garantit une réponse aux problématiques majeures liées à la porosité acoustique urbaine et à l’étude conjointe des fonctions internes et externes des projets. Effectivement, seule la méthode de calcul sur un plan en 3 dimensions permet de prendre en compte « la profondeur » de la propagation de l’onde et ainsi d’étudier véritablement les impacts des architectures sur la porosité acoustique. De plus, seule la visualisation 3D de la propagation sonore en pied, en façade et autour d’un bâtiment permet de vérifier l’exploitabilité d’un espace vis-à-vis des activités humaines proposées.

Cet outil permet différents niveaux d’applications grâce à la flexibilité de son échelle de modélisation. En effet, elle se décline de la ville, au quartier, en passant par l’îlot, jusqu’à l’immeuble. Ainsi, le BIMAE permet d’anticiper très tôt les points de tensions potentielles pour y apporter des solutions acoustiques intégrées. Il peut tant aider à l’affectation des fonctions des bâtiments dans un quartier que trouver des solutions acoustiques de façade ou de mobilier urbain. Le BIMAE permet également de calculer la pénétration du bruit dans les cours intérieures ou à l’intérieur des bâtiments via la ventilation naturelle. Il dimensionne ainsi les solutions d’isolation ou de ventilation en parallèle d’autres études.

Le BIMAE garantit donc le développement d’un ensemble de solutions acoustiques au service de l’urbaniste. Néanmoins, encore faut-il qu’il soit utilisé dès la phase conception du projet afin de révéler son potentiel d’aide à la décision et d’outil de communication.

 

 

Cartographie qui peut s’adapter à l’échelle de la ville (1), du quartier (2), du bâtiment (3)

Un outil d’aide à la décision pour l’urbaniste

Aujourd’hui l’acoustique est malheureusement perçue comme une contrainte qu’il faut respecter pour remplir le cahier des charges. Elle en est effectivement une lorsqu’elle n’est pas intégrée dans la prise de décision d’un projet urbain. Dès lors, l’ingénierie acoustique se cantonne à orienter vers des solutions visuellement polluantes, inesthétiques et coûteuses pour répondre à des nuisances constatées.

Le BIMAE vise à répondre à cet enjeu en intégrant l’acoustique dans la prise de décision initiale de l’urbaniste et de l’architecte. En phase conception, il recherche une solution optimale en décloisonnant les différentes ingénieries du BTP. Ainsi, cet outil permet d’accompagner le projet de sa conception, à sa construction jusqu’à l’exploitation. C’est conjointement grâce à l’anticipation des points de tensions et à la fluidification de la collaboration au sein de l’équipe de maîtrise d’œuvre qu’il garantit l’émergence d’innovations dans les projets d’urbanisme. C’est notamment grâce au BIMAE que la société Planète Acoustique a pu garantir le fonctionnement, en l’état futur d’achèvement, de la ventilation naturelle de l’aéroport de la Réunion. Ou encore du quartier de ville que constitue le nouvel hôpital de Nantes.

Atterrissage et décollage Hélicoptère, impact sur façades

Un outil de communication

Le BIMAE permet également de faciliter la communication avec les riverains comme avec l’exploitant. En phase chantier, grâce à l’anticipation des bruits de chantier et leur impact sur les riverains, il permet au maître d’ouvrage de prévoir en amont les réunions d’informations. Par ailleurs, la visualisation horaire du bruit de chantier d’une tâche particulièrement bruyante placé dans le contexte du paysage sonore existant assure tout d’abord une communication plus fluide. Une vidéo est effectivement plus intelligible qu’un niveau absolu en décibels pour des néophytes et relativise les nuisances du chantier.

Enfin, l’anticipation des points de tensions permet à un urbanisme de fonctionner sans nuisance, gage de garanties pour les exploitants. La prise en compte en amont du bruit des équipements techniques et des activités humaines dans l’urbanisme assure aux futurs exploitants un fonctionnement apaisé sans action correctrice onéreuse et sans plainte du voisinage.

 

Un article signé, Alain Tisseyre et Laurence Aupetit – Tisseyre & Associés

http://www.planete-acoustique.com

 


[1] https://www.actu-environnement.com/ae/dossiers/cinov-giac/cout-social-bruit-france.php

 

 

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