Inégalités environnementales et sociales dans les arrondissements de Paris

Rédigé par

Eric LARREY

Directeur de l'innovation

1364 Dernière modification le 08/02/2024 - 09:30
Inégalités environnementales et sociales dans les arrondissements de Paris

La densification des villes et des métropoles interroge sur la capacité à maintenir un certain niveau d’accès à de la végétation de proximité, si nécessaire à la qualité de vie et à la biodiversité. Le développement urbain implique des populations aux profils variés et peut, si l'on n'y prend garde, générer des inégalités environnementales qui se surajouteraient à des inégalités socio-économiques. Tentons d’étudier ce qu’il en est avec Paris, parangon de densité urbaine, dont 80% de sa population dispose de moins de 30% d’espaces végétalisés de proximité.

Les périodes de confinement vécues durant la COVID ont mis en exergue des inégalités d’accès aux espaces végétalisés. Cette proximité du végétal a pourtant démontré son impact sur la santé et le bien-être de la population. Différentes études tentent de répondre à la question suivante : cette inégalité d'accès liée aux caractéristiques urbaines de nos lieux de résidence se double-t-elle d'une inégalité socio-économique ? Si tel est le cas, est-il possible d’orienter les politiques de verdissement pour corriger les distorsions ?

L’accès au végétal est également au cœur d’approches urbaines comme celle du 3-30-300, avec de la végétation de très grande proximité (3 arbres « vus depuis la fenêtre »), également capable de limiter l’effet d’îlot de chaleur urbain, avec 30% d'indice canopée et une végétation de proximité (à moins 300 m ou 5 minutes à pied de marche lente), donnant accès à des îlots de verdure. Une information importante pour piloter la stratégie de verdissement des villes quel que soit le territoire.

Dans un article récent, nous avons mené une première analyse sur 6 métropoles françaises, dont Paris. Le cas de la capitale est particulièrement intéressant, s’agissant d’un territoire extrêmement dense, qu’aucune autre métropole en France n’a encore atteint.

Nous avons donc poussé l’exercice un peu plus loin pour étudier en détail les vingt arrondissements de la capitale.

Premiers constats

Une cartographie des espaces végétalisés de Paris donne déjà de premières indications sur les disparités territoriales. Si la capitale présente un taux moyen de surface bâtie de 32%, 5 arrondissements affichent un taux de surface bâtie de plus de 50%, allant jusqu’à 62% pour le 2e arrondissement.

L'objectif de 30% d'indice canopée affiché dans la vision 3-30-300 paraît rapidement difficile à atteindre de manière homogène. Nous serons moins restrictifs en prenant comme métrique de l'accès au végétal de proximité le taux d’espaces végétalisés, toutes strates confondues, dans un rayon de 300 m. Le seuil de 30% peut-il ainsi être atteint plus aisément ?  

La carte suivante présente ce taux de végétation de proximité dans un rayon de 300 m de chaque lieu de résidence ou d’activité, où il apparaît clairement qu’une part très importante des bâtiments se situent dans des zones à faible taux.

 

Taux de surfaces végétalisés dans un rayon de 300 m autour de chaque lieu d'habitation et d'activité

Il en va ainsi de la population dont près de 80% dispose de moins de 30% d’espaces végétalisés de proximité.

Nombre d'habitants disposant de moins de 30% d'espaces végétalisés dans un rayon de 300 m, par taux et cumul

Ajoutons à cela que le manque de végétation accentue le phénomène d’îlots de chaleur et nous obtenons un critère d’exposition des lieux (manque de végétation de proximité et exposition aux ICU) variant de 1 au niveau maximal de 5 (attribué aux lieux impactés par les ICU et disposant de moins de 30% d’espaces verts de proximité).

Niveaux d'exposition de lieux de résidence et d'activité en fonction de l'intensité d'îlot de chaleur et d'accès à la végétation de proximité

L’énorme majorité des sites étant de niveau 5, il s’avère que ce critère de 30% d’espaces végétalisés de proximité n’est pas une mesure suffisamment discriminante pour analyser les éventuelles inégalités environnementales et socio-économiques sur le territoire parisien.

Nous nous sommes alors intéressés aux lieux d’habitation les plus exposés en affinant l’accès végétal de proximité par pas de 5%, fournissant une donnée plus discriminante pour analyser les éventuelles inégalités socio-environnementales.

Sites disposant de moins de 30% d'espaces végétalisés de proximité, classés par tranches de 5%.

Inégalités environnementales et socio-économiques

Sur le territoire entier 

Pour ce qui est de l'inégalité socio-économique, le revenu moyen par individu, issu des données INSEE, a été retenu. La cartographie suivante représente ce revenu moyen par individu projeté sur les lieux de résidence, ainsi que les espaces végétalisés, toutes strates confondues.

Visuellement, aucune concentration systématique des populations à plus fort niveau de revenu moyen par individu autour des espaces végétalisés n’apparaît clairement. L’analyse statistique s'avère nécessaire pour compléter cette première impression.

Le deux graphiques suivants présentent les répartitions du nombre d’habitants des zones les plus exposées par niveau de revenu moyen par individu et par taux de végétation de proximité, en valeur absolue et en pourcentage, tous arrondissements confondus.

Si la catégorie de revenu la plus élevée est la moins exposée au manque de végétation de proximité, il ressort que les populations les plus exposées sont dans la tranche de revenus moyens par individu compris entre 35 et 60 k€, bien plus que la tranche comprise entre 20 à 35 k€

Qu’en est-il au niveau des arrondissements ?

Les 20 graphiques en annexe de l’article présentent les mêmes types de répartition en valeur absolue.

Intéressons-nous aux deux exemples de configuration suivants :

  • ci-dessous, les 7e et 20e arrondissements, soit les arrondissements respectivement extrêmes en matière de « richesse »

Répartition des populations exposées par niveau d'accès au végétal et par tranche de revenu moyen par individu, dans les 7e et 20e arrondissement

  • et ici, les 6e et 11e arrondissements

Dans les deux cas, nous avons des configurations symétriques en matière de profil de répartition des revenus moyens, et pourtant très similaires en matière d’accès à la végétation de proximité. Bien sûr, très localement, au gré des surcotes des prix au m2 des logements situés aux abords immédiats des parcs urbains notamment, des distorsions sont visibles. Pour autant, en synthèse, pour le cas de Paris et entre ses différents arrondissements, l’analyse ne montre pas de tendance à une inégalité socio-environnementale.

Une situation qui peut être bien plus contrastée, voire totalement opposée sur d'autres territoires aux histoires et aux dynamiques urbaines différentes.

Les 20 arrondissements parisiens :

Répartition des populations exposées par niveau d'accès au végétal et par tranche de revenu moyen par individu, dans les 20 arrondissements de Paris.

 

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