Il est temps de mettre un coup d’accélérateur sur l’économie circulaire

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Salon BEPOSITIVE

826 Dernière modification le 23/10/2020 - 10:01
Il est temps de mettre un coup d’accélérateur sur l’économie circulaire

Pour Véronique Dufour, directrice de l’association Ville et Aménagement Durable, le réemploi des matériaux est vertueux à de nombreux égards mais doit s’intégrer dans une réflexion plus large d’économie circulaire, portée par des maitres d’ouvrages convaincus et moteurs. Tour d’horizon des avancées et des freins à lever.

Le plan France Relance consacre peu de moyens à l’économie circulaire dans le domaine du bâtiment. C’est une déception ? 

Le plan France Relance ne pouvait couvrir tous les sujets, il a été choisi de soutenir la valorisation des déchets et le réemploi dans la filière plastique. Il y a une augmentation de l’enveloppe financière dédiée à la rénovation énergétique, qui soulève néanmoins des questions. On continue d’axer les aides sur les économies d’énergie, mais sans fixer d’objectifs ambitieux qui permettraient de ne pas tuer le gisement d’économie d’énergie que représente le parc de logement. D’autre part, on ajoute des financements mais on élargit l’assiette, au risque donc de ne pas favoriser les rénovations globales. Enfin, l’approche « rénovation » ne devrait pas couvrir uniquement les notions d’énergie mais traiter aussi de confort, santé et d’usage. Rien n’est prévu par exemple pour le confort d’été. Les périodes de canicule s’intensifient et produire de la fraîcheur en été génère des consommations énergétiques et contribue au phénomène d’ilot de chaleur. Ces périodes sont sources d’inconfort pour les habitants. La question à se poser pour financer des aides, c’est « comment améliore- t-on globalement l’usage, le confort des logements, été comme hiver, en réduisant leur facture énergétique ? ».  Avoir un budget pour financer la rénovation est une bonne chose. Toute la question est de savoir comment l’utiliser le plus efficacement possible pour avoir in fine des résultats. Il faut des moyens mais surtout une organisation pertinente dans les territoires.

Concernant l’économie circulaire appliquée au bâtiment, quel bilan faites-vous aujourd’hui ?

C’est encore un sujet émergent, mais la filière se structure et se professionnalise.  Des entreprises investissent ce marché, qu’il s’agisse d’acteurs capables d’accompagner les maitres d’ouvrage, de plate forme de collecte et de stockage, ou de structures qui mettent en relation les acteurs en recherche de matériaux, ou encore d’architectes qui ont ce réflexe lors d’une conception. On parle désormais sur les chantiers de diagnostic ressources, s’agissant du gisement susceptible d’être valorisé, recyclé ou réemployé. Le développement du ré-emploi est stratégique, car c’est un cercle vertueux, qui limite la consommation de ressources et la production de CO2. Mais plus globalement c’est en termes d’économie circulaire qu’il convient de raisonner en abordant les matériaux locaux, le développement de filières, le maraichage urbain et l’intensité sociale. Tout l’enjeu est de penser les bâtiments en intégrant l’évolution des besoins et modes de faire : les notions d’évolutivité, de modularité, de démontrabilité ou encore de réversibilité trouvent ainsi toute leur importance. Les collectivités locales et les promoteurs commencent à s’emparer du sujet avec des chantiers expérimentaux ou vitrines, mais on peine à passer à une généralisation de ces démarches. 

Quels freins doivent être levés pour intensifier ces pratiques de réemploi ?

Ils sont encore multiples. Le premier est d’ordre juridique et assurantiel. Pour avancer, il faut que l’ensemble de la filière ose expérimenter et faire le pas de côté, que des assureurs se positionnent mais aussi que les bureaux de contrôle soient associés le plus en amont possible des projets.  Le second frein est la méconnaissance et l’insuffisance de l’offre. Le lever suppose de travailler à l’échelle d’un territoire, avec une stratégie, de référencer la ressource disponible et ses lieux de stockage, de façon dynamique et actualisée. Le troisième, enfin, est d’ordre économique et culturel. 

Dans ce contexte, quels sont vos priorités pour faire avancer la cause du réemploi ?

D’abord ne pas réduire la question du réemploi au bâtiment et l’étendre aux espaces publics. Ensuite, la priorité est de convaincre, de démontrer par l’exemple que non seulement c’est possible mais aussi pertinent. Penser économie circulaire doit devenir un réflexe pour les maitres d’ouvrage, une question systématique et une approche valorisée dans les appels d’offres. Nous comptons beaucoup sur les nouvelles générations d’élus, plus sensibilisées aux enjeux climatiques pour dynamiser cette filière.

 

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