La terre crue, nouvelle alliée de l’économie circulaire ?

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NOVA BUILD

L'écoconstruction est notre avenir

5159 Dernière modification le 27/01/2017 - 15:33
La terre crue, nouvelle alliée de l’économie circulaire ?

L’IFSSTAR (Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux) a pour mission de mener des recherches dans de nombreux domaines comme le génie civil, la mobilité, les infrastructures et les matériaux de construction. Ce dernier domaine a son département dédié, le MAST : Matériaux et Structures.

Le 30 novembre dernier, le département organisait un séminaire sur l’économie circulaire. Novabuild y a participé et vous propose un focus sur la terre crue.

Les enjeux de la construction durable

Dans un contexte de diminution de ressources naturelles disponibles, notamment pour le zinc et le sable, l’étude des cycles de vie des infrastructures est primordiale. C’est l’étape préalable à la mise en place d’écoconception dans le domaine. Le secteur du BTP est plus ciblé car il est le plus gros consommateur de matériaux et producteur de déchets de construction et de démolition.Les enjeux et les problématiques environnementales ont été largement évoqués lors de la Cop 21. La Loi relative à la Transition Energétique pour la Croissance Verte et les directives européennes se sont emparés du sujet et proposent une obligation d’utilisation de 70% de matériaux recyclés.

C’est sur ce constat que les recherches de l’IFSTTAR ont été dirigées vers 2 problématiques :

  • comment prendre en compte la valorisation en fin de vie par une Analyse de Cycle de Vie?
  • comment développer des valorisations de déchets du BTP acceptables d’un point de vue environnemental ?

Des méthodologies actuelles appliquées aux procédés traditionnels

L’une des recherches porte sur le matériau Terre : matériau de construction et caractérisation thermique (redécouverte des procédés traditionnels de construction).Lors du séminaire de l’économie circulaire du MAST de l’Ifsttar, Erwan Hamard a présenté son étude intitulée : Comment la terre crue s'intègre dans l'économie circulaire ?Il commence son explication par les mises en œuvre et les applications de la terre crue. La terre crue peut être mise en œuvre par voie sèche ou par voie humide.

Elle a 2 types d’application :

  • Mise en place directement sur le mur en monolithique
  • Éléments de maçonnerie à monter ensuite

Analyse de cycle de vie

Pour débuter son étude, Erwan Hamard a procédé à une analyse du cycle de vie de la terre. Le stock de terre crue est non renouvelable donc sa quantification est importante. Pour la Bretagne par exemple, la terre en bauge disponible est présente en grande quantité et de bonne qualité.

Cependant une grande partie exploitée part en décharge, elle n'est pas re-exploitée. Ce qui veut dire que le matériau est déjà extrait, il faut juste aller le récupérer en décharge. Ce sont les terrassiers qui s'occupent de l’extraction. Le transport est un frein car il représente de l’énergie grise ajoutée au cycle de vie et le coût est important. Il faut donc prendre ce qui est localement disponible.

Est-ce que les décharges ne sont pas les nouvelles carrières voire les nouvelles mines ?

Les procédés de mise en œuvre

Les procédés utilisés pour bâtir en terre crue sont différentiables selon 3 catégories :

  • procédés traditionnels
  • procédés traditionnels mécanisés
  • procédés innovants

Erwan Hamard  a qualifié ces procédés selon 3 critères. « Les procédés traditionnels sont très bons d’un point de vue consommation d'énergies grises, d'économie de ressources et d’intensité sociale mais le coût est élevé si l'on doit rémunérer toutes les personnes qui travaillent sur le chantier ».

« Les procédés traditionnels mécanisés sont bons d’un point de vue consommation en énergies grises, d’économie de ressources et d’intensité sociale. Le coût est un peu plus abordable. »

« Enfin, les procédés innovants sont quant à eux mauvais en consommation d’énergies grises, mauvais en économie de ressources et mauvais en intensité sociale mais en termes de coût, ces procédés sont les seuls compétitifs. »

Il faut donc trouver un équilibre entre coût financier et coût environnemental.

Les caractéristiques techniques, environnementales et sociales de la terre crue

Selon Erwan Hamard, « La terre crue n'est pas un bon isolant, c’est l'inertie thermique qui est très bonne. La chaleur de la journée arrive la nuit pendant l’été et le contraire se produit pour l'hiver. »D’un point de vue ré-emploi, la terre crue n’est pas recyclable mais le matériau est réversible. Il faut intégrer la notion de réversibilité du bâtiment et non pas de recyclage. En fin de vie, le retour à la terre est envisageable sauf si des matériaux non naturels ont été intégrés.Les emplois sont difficilement délocalisables car les matériaux et les conceptions architecturales sont différents selon les régions. C'est le savoir-faire du maçon qui prime dans la construction en terre crue. En amont de l’utilisation de la terre, des analyses se font sur les pollutions. Si la terre est présente sur des sites industriels, la terre n'est pas prise pour réutilisation.La question de l'usage

Actuellement les propriétaires de bâtiment en terre sont engagés dans une économie d'énergie, ils sont déjà sensibilisés donc la consommation est très basse. Des bailleurs sociaux ont construit des bâtiments en terre crue. Certains locataires ont refusé d'y habiter car ils considéraient qu’ils subiraient trop de contraintes. Par contre, ceux qui y ont emménagé sont restés plus longtemps que dans d'autres types de bâtiment. Ils apprécient surtout le confort.

L’évaluation des méthodes traditionnelles au service de l’environnement

Les travaux d’Erwan Hamard nous démontrent que la construction en terre crue peut répondre pleinement aux enjeux de la construction durable et s'inscrit dans une économie circulaire.

Ces travaux démontent l’importance de la vision globale. Les recherches partent toujours d’une problématique issue de cette vision globale pour ensuite mettre en place des méthodes, puis des exemples d'application spécifique. Cette méthodologie appliquée à la terre crue, a démontré que l'on peut appliquer de nouvelles techniques, résultant de recherches, à des procédés ancestraux.

Thierry Kretz, Directeur du département Matériau et Structure, a conclu le séminaire ainsi : « On a tendance à penser qu'il ne se passe rien dans le BTP en terme d'innovation, c'est la preuve qu'il n'en est rien. »

Pour en savoir plus sur le GPEM (Granulats et Procédés d'élaboration des Matériaux) de l'Ifsttar, cliquez ICI.

 Article publié sur NOVABUILD

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