#7 - La relation public-privé, les acteurs, la dimension juridique et règlementaire

Rédigé par

Siham El moutea

Architecte DESA ,spécialiste en planification urbaine, immobilier et bâtiment durable ENPC ParisTech

3361 Dernière modification le 02/12/2021 - 12:00
#7 - La relation public-privé, les acteurs, la dimension juridique et règlementaire

Les projets urbains s'inscrivent dans l'interconnexion entre différentes échelles urbaines, que cela soit au niveau de bâtiments, de quartiers ou de la ville entière. Ils sont également le résultat de nombreux compromis entre les acteurs urbains et leurs utilisations de l'espace. Pourtant ils sont essentiels pour les habitants qui les utilisent ou utiliseront : on parle des espaces de vie extérieurs entre les bâtiments, des lieux de circulation, des lieux de loisirs, lieux de pause...etc.


La limite entre l'espace public et l’espace privé est ambiguë. En règle générale, le premier est considéré comme une aire dédiée aux circulations, aux voiries, aux places alors que le second se limite aux bâtiments et propriétés individuelles. Pourtant, alors que l’impact de l’un sur l’autre semble évident, l’intervention sur l’espace privé reste souvent tributaire du bon vouloir du ou des propriétaire(s) des lieux. L’urbanisme durable se doit d’intégrer cet élément pour intervenir sur le traitement des quatre faces d’un bâtiment voire sur la cinquième (les toitures) afin d’agir sur les ilots de chaleur, ou encore la sixième face (l’emprise au sol) pour utiliser la géothermie ou les réseaux de chaleurs urbains. Les équipements publics qui rythment les espaces urbains ont aussi à résoudre cette équation, équation qui se complexifie par la densification des écosystèmes et des réseaux.

La dimension juridique et règlementaire

La loi Grenelle II du 12 juillet 2010, relative aux engagements nationaux pour l’environnement, modifie près d'une vingtaine de codes différents : le code de l'environnement, le code de l'urbanisme mais aussi le code général des collectivités territoriales, etc. La loi orchestre tous les instruments juridiques du développement durable parmi lesquels figurent les plans locaux d'urbanisme (PLU), dans le titre premier de la loi, intitulé « Bâtiments et urbanisme ».

Un cadre d'adaptation au changement climatique a été fixé par le PNACC2 (le deuxième plan national d'adaptation au changement climatique), qui vise à actualiser les objectifs liés à l'Accord de Paris et à mettre en œuvre les actions nécessaires pour adapter notre espace urbain d'ici 2050.

Ce plan national entre ainsi en résonnance avec d’autres documents de planification du SRADDET (schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire). Ce dernier a pour ambition d’améliorer la performance énergétique des bâtiments et instaure « au niveau régional […] des Schémas du climat, de l’air et de l’énergie ».

 

Ainsi la France a mis en place deux principaux outils du climat :

  • le Programme Régional Air Energie SRCAE (exemple de l’île de France) est l’outil clé pour l'adaptation régionale au changement climatique dans les régions. Il est élaboré par les préfets de région et doit identifier les vulnérabilités du territoire concerné, en atténuer les effets et s’y adapter, les SRCAE sont aujourd’hui intégrés au sein du SRADDET ;
  • le PCAET (Plan climat Air énergie) est quant à lui un outil intercommunal qui anticipe le réchauffement climatique, augmente la résilience du territoire et met en évidence la lutte contre les îlots de chaleur urbain.
  • le SRADDET s’impose à plusieurs autres documents de planification : plans de mobilité (PDM-PDU), chartes de parcs naturels régionaux (PNR), schémas de cohérence territoriale (SCoT) qui s’impose également au Plan climat Air énergie (PCAET)

Facteurs freinants :

Les rapports de hiérarchisation au sein de la planification peuvent donc enserrer l’action des villes françaises, leurs compétences étant directement liées à l’action des collectivités de plus large échelle.

Dans le cadre de la relation public-privé, le PCAET semble être le seul document qui intègre la dimension de lutte contre les ilots de chaleur urbain.

La réalisation d’un projet de réaménagement durable est un travail de couture et de réajustement selon les typologies. Ces actions ne peuvent donc pas être généralisées : chaque projet d’adaptation a ses contraintes, liées à son environnement immédiat d’ordre social, foncier, budgétaire. Il est essentiel que les plans d’urbanisme et d’aménagement soient contextualisés.

Plusieurs acteurs

Le projet urbain implique de respecter plusieurs lois, plusieurs réglementations tout en parvenant à mobiliser une multiplicité d’acteurs.

Aux acteurs traditionnels (collectivités territoriales, services de l’état, producteurs d’énergie, gestionnaires de réseaux, maîtres d’œuvre, et maîtrise d’œuvre technique), s’ajoutent aujourd’hui les développeurs privés, les fournisseurs d’énergie, les réseaux associatifs, les artisans et plus généralement les entreprises.

  • Le manque de concertation, de coordination et de communication entrainent immanquablement des allongements dans le processus décisionnel.
  • La mise en place d’un accompagnement bien réfléchi doit permettre de dépasser les silos traditionnels entre les acteurs.
  • La mise en place d’un cadre favorable de concertation dès le début du programme ne doit surtout pas oublier l’usager, l’habitant, la personne à mobilité réduite, l’acteur économique et toutes les dimensions sportives et culturelles etc.
  • Au-delà de l’usager, il est nécessaire de simplifier les relations entre les strates des organisations.

L’intelligence collective est la valeur fondamentale qui doit désormais présider à tout écosystème pour une plus grande efficacité, afin de répondre aux exigences et aux besoins des usagers mais aussi pour éliminer toute source de gaspillage, qui entraine inexorablement des émissions de GES et des déchets. C’est aussi la concertation et l’intelligence collective qui peut permettre l’optimisation de la chaîne de valeurs.

Le financement des projets urbains

Le partenariat public/privé (PPP) ou les contrats de performance énergétique (CPE), réalisés en toute transparence, facilitent une relation contractuelle qui prend en compte les données dans l’intérêt de tous les acteurs d’un territoire concerné. Ce type de contrat permet d’accompagner favorablement les collectivités, tout en engageant le partenaire privé sur ses résultats. Bien évidemment le protocole de prise de décision (enquêtes de terrain, études d’impacts, information des citoyens et des organisations, garanties juridiques et réglementaires, réceptions des éléments exécutés, etc…)  est fondamental pour fiabiliser la chaîne de valeurs…  

D’autres types de partenariats sont à mettre en avant : la banque européenne d’investissement (BEI) et la Commission européenne, par exemple, se sont associées pour créer le Mécanisme de financement du capital naturel (Natural Capital Financing Facility, NCFF) ; elles ont d’ores et déjà collaboré avec Florence et Athènes afin d’élaborer leurs stratégies climatiques et ont opté pour des solutions fondées sur la nature. Autre exemple : l'offre Tonus portée par la Banque des Territoires qui accompagne une solution de soutien aux projets de construction de logements sociaux en zones tendues avec sa solution très innovante de démembrement de propriété institutionnel ULS (Usufruit locatif social) …

L’innovation au niveau des processus est indispensable pour accompagner les modes de décisions, les règles d’aménagement, de réalisation et d’exploitation. Les solutions sont déjà multiples mais encore insuffisantes. L’équation qui doit nous permettre d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 n’a encore pas identifié tous les facteurs. Et enfin, un bon nombre de données sont encore à confirmer ou du moins à conscientiser.

L’adaptation des espaces urbains au changement climatique doit être précédée de l’adaptation de tous les acteurs et de tous les citoyens, de la montée en compétence de toute la chaine de valeur, du donneur d’ordre au mainteneur, du financier au juriste, du politique à l’usager, du public au privé : tous ont nécessairement besoin de s’informer, de se former et de s’acculturer pour répondre aux défis du changement climatique, dont les effets seront brutaux. Tous les processus qui favorisent le partenariat doivent systématiquement être interrogés pour accélérer l’adaptation de espaces urbains au changement climatique. Le partenariat public-privé est, à cet égard, un accélérateur à prendre en compte dans les procédures de décisions des donneurs d’ordre.

 

Un article signé : Siham El Moutea et Dominique Naert


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