[Dossier RE2020] #12 Les déclarations environnementales : le carburant de la RE 2020

Rédigé par

Nadège OURY

Chargée de mission

10440 Dernière modification le 22/06/2020 - 12:30
[Dossier RE2020] #12 Les déclarations environnementales : le carburant de la RE 2020

Si les déclarations environnementales sont indispensables pour l’application de la future RE2020 et le calcul ACV d’un bâtiment, la bonne compréhension de leur utilisation est un enjeu fort. C’est une des missions de sensibilisation que s’est donné la Base INIES. Cet article propose ainsi des recommandations pour l’utilisation des données dans l’analyse de cycle de vie d’un bâtiment.

Contexte

La Base INIES comporte plus de 2 500 déclarations environnementales (FDES et PEP) collectives ou individuelles. Néanmoins la mise en place de l’expérimentation E+C- préfigurant la règlementation environnementale 2020 a mis en lumière un besoin complémentaire de FDES pour certains produits de construction et de PEP de produits électriques et électroniques.

Pour répondre à cette demande, une méthodologie de calcul de données environnementales par défaut (DED) a été mise au point par les Ministères de la transition écologique et solidaire et de la cohésion des territoires.

L’analyse des projets répertoriés au sein de l’observatoire E+C- a mis en exergue qu’entre 40 et 50 % des données utilisées dans les ACV bâtiment de l’expérimentation sont des DED, dont une partie est utilisée alors même que des FDES spécifiques correspondantes existent dans la base INIES. L’établissement d’une déclaration spécifique ou collective, FDES ou PEP, représente un effort important fourni par un industriel ou une filière et il est dommage de s’en passer. Aussi, il pourrait être intéressant de proposer quelques rappels de principes d’utilisation des données environnementales aux réalisateurs d’ACV Bâtiment. D’autant que les FDES et PEP sont le meilleur moyen de réaliser une ACV Bâtiment conduisant à un bilan environnemental au plus proche de la réalité, comparativement aux DED qui en donnent une valeur surévaluée.  

Face à ces constats, cet article propose quelques rappels et recommandations pour guider les modélisateurs d’ACV bâtiment et les éditeurs de logiciels dans l’utilisation des DE pour le calcul d’analyse de cycle de vie des bâtiments.

Quelles données et dans quel ordre les utiliser ? 

L’ensemble des données environnementales est mis à disposition dans INIES.

Les données sont de 4 types :

  • les données spécifiques (FDES individuelle ou collective, PEP individuel ou collectif)
  • les données par défaut
  • les données forfaitaires
  • les données conventionnelles

Seules les données spécifiques (FDES ou PEP) issues ou non d’un configurateur sont vérifiées par tierce partie indépendante selon le programme INIES et le programme PEP Ecopassport.

Ces données spécifiques sont donc à utiliser en priorité car elles sont représentatives d’un produit ou d’un équipement bien défini.  Dans le cas où aucune donnée spécifique n’est disponible pour le produit ou équipement considéré, on utilisera alors une donnée par défaut fournie par le Ministère (DED).

Lors de la réalisation de l’ACV du bâtiment à sa livraison, les entreprises sont connues et les produits et équipements effectivement mis en œuvre le sont généralement aussi. Il est donc possible, lorsqu’elles existent de repérer les données environnementales correspondantes dans INIES ou via les logiciels d’ACV bâtiment.

Toutefois les projets bâtiment sont créés de façon itérative et les bureaux d’étude ont besoin dès le début de projet d’avoir une idée de ce que pourrait être le résultat du calcul. Or en phase de conception, on ne peut obtenir qu’une approximation du résultat de la performance environnementale du bâtiment compte tenu des choix non définitifs sur les produits et équipements. Mais cette approximation sera pénalisée en cas d’utilisation de DED du fait des coefficients de sécurité appliqués.

Les industriels rappellent donc que les FDES et PEP collectifs sont aussi là pour être utilisées lorsque la marque du produit n’est pas encore connue.  Au fur et à mesure des étapes de conception et de réalisation, la nature des composants et les métrés se précisent et le bilan environnemental se révèle de plus en plus précis. Dans le cadre des marchés privés, en particulier, où la prescription d’un produit/équipement est autorisée, la précision de la performance environnementale du bâtiment peut être calculée plus tôt que dans des marchés publics.

Données spécifiques

Il s’agit de données opposables, dont la responsabilité de la production, de la mise à jour et de la vérification incombe à un acteur identifié.

Il y a plusieurs types de données spécifiques :

  • Déclarations environnementales individuelles
  • Déclarations environnementales collectives

Il existe aussi des FDES issues de configurateurs (collectives ou individuelles).

Les FDES sont réalisées en respectant les normesNF EN 15804+A1 et complément national NF EN 15804+A1/CN. A partir de mi-2021 elles pourront être établies selon la norme NF EN 15804+A2. Les industriels réfléchissent à la période de transition afin de mettre à disposition des données de qualité.

Les PEP sont réalisés en respectant le PCR ed.3 et bientôt le PCR ed.4 qui sortira en début d’année 2021.

Les données spécifiques correspondent à des produits réellement mis sur le marché. Elles sont mises à disposition pour une unité fonctionnelle précisée (application du produit et performance principale) pour l’ensemble du cycle de vie du produit.

Si la déclaration environnementale (FDES/PEP) d’un produit n’est pas disponible dans INIES mais qu’il en existe une pour le même produit (du même déclarant) pour une caractéristique telle que dimension, résistance thermique, résistance mécanique différente alors celle-ci peut être utilisée si la caractéristique est supérieure à celle du produit choisi. En effet cela revient à utiliser une donnée environnementale majorante pour le projet.

Il est également important de rappeler que les FDES/PEP fournissent les données environnementales des produits de construction et équipements sur tout leur cycle de vie (modules A, B, C et D) :

  • Le module B permet de traduire les éventuels remplacements de composants ou encore la maintenance nécessaire pour assurer la durée de vie du produit ou de l’équipement.
  • Dans le cas d’utilisation de PEP (et éventuellement de FDES) comportant des valeurs non nulles dans les modules B6 et B7, celles-ci ne sont pas prises en compte dans le calcul ACV Bâtiment car elles sont remplacées par les consommations du bâtiment.
  • Dans le cas du remplacement d’un produit ou équipement dans le bâtiment, la fabrication, l’acheminement et l’installation du nouveau produit (Module A du produit) sont comptabilisés dans le module B du calcul du bâtiment. Le transport vers un centre de collecte et le traitement du produit remplacé (module C du produit) sera intégré dans le module C du bâtiment. 
  • Après 50 ans de durée de vie conventionnelle, le bâtiment est considéré comme déconstruit/démoli pour le calcul. Le module C fourni dans les FDES/PEP représente l’impact environnemental de la dépose/démontage puis du traitement des produits de construction ou équipements. Ce module prend en compte les informations de fin de vie actuelle pour établir les proportions de chaque voie de valorisation.
  • Les bénéfices liés à la réutilisation, récupération et recyclage des produits et équipements, présents dans les modules D des FDES et des PEP, sont intégrés dans le module D du bâtiment.

 

Données par défaut (DED)

Il s’agit de données développées par le Ministère en charge de la construction. En l’absence de données spécifiques, les données par défaut ont pour but de permettre le calcul aussi complet que possible de l’ACV d’un bâtiment.

Les DED, mises à disposition par des institutionnels, apparaissent avec pour nom de déclarant « Ministère de l’Environnement, de l’Energie et de la mer – Ministère du logement et de l’habitat durable » et cela peut favoriser leur utilisation.

Mais pour rappel, ces données par défaut sont des données théoriques et calculées soit à partir des données des industriels mises en ligne sur la base INIES, soit à partir d’informations très génériques et font l’objet de grosses approximations.

Ces données sont également pénalisantes pour limiter leur utilisation au strict nécessaire (de 30 à 100 % de la donnée issue des FDES des industriels ou de façon inconnue en l’absence de FDES).

Données forfaitaires

Il s’agit de données établies par le Ministère en charge de la construction pour certains lots du contributeur produits de construction et équipements (lots 8, 9, 10, 11 et 12). Ces valeurs devraient être remplacées rapidement par des valeurs de sous-lots au fur et à mesure de l’arrivée de nouveaux PEP.  

Données conventionnelles

Il s’agit de paramètres des modèles de calcul, d’utilisation obligatoire et ils sont non modifiables, non opposables. Par exemple, les données météorologiques, les scénarios d’usage, ou encore les impacts environnementaux de mise à disposition des services (énergie, eau), sont des données conventionnelles. 

Les recommandations

Les industriels réalisent de plus en plus de FDES/PEP pour accompagner au mieux la mise en place de la RE 2020. Véritable outil d’éco-conception des produits et équipements du bâtiment et répondant aux besoins d’informations environnementales, Ces déclarations permettent au fur et à mesure d’enrichir la Base INIES avec des informations vérifiées par tierce partie et d’affiner au mieux les ACV bâtiment.

Il est important que cette implication forte des industriels soit suivie d’une plus intense utilisation de leurs FDES/PEP. Il est donc utile de rappeler le rôle supplétif des DED, mis à disposition pour pallier l’absence de données spécifiques.

Dans cette perspective les bureaux d’étude qui réaliseront les études RE 2020 doivent poursuivre la formation de leurs équipes pour qu’elles acquièrent la double compétence thermique/ACV de façon à bien connaître les spécificités des différents produits d’une part et d’autre part à bien utiliser les FDES/PEP (choix de la FDES, vérification de l’unité fonctionnelle, la durée de vie du produit, …) et les DED (quand FDES/PEP du produit n’existe pas).

Les bureaux d’étude comme les maîtrises d’ouvrage semblent avoir conscience de la nécessité d’optimiser leurs études et d’éviter autant que possible le recours aux DED qui impactent négativement le bilan environnemental. Il apparaît toutefois toujours utile de continuer à sensibiliser ces derniers à l’importance de de ne pas sous-estimer, y compris financièrement, le temps à passer pour obtenir une ACV bâtiment de bonne qualité, c’est-à-dire avec les données les plus précises possibles.

Enfin, les pouvoirs publics doivent comprendre qu’il est difficile de mener une étude ACV bâtiment « plausible » en début de projet. L’ACV doit se faire de façon itérative pour bien accompagner la conception au fil du projet. Comme beaucoup d’autres études, indispensables lors de la construction d’un bâtiment, elle s’affine au fur et à mesure de l’avancement grâce aux choix constructifs opérés et à la définition plus précise des produits et composants.

Un article signé HQE-GBC

Crédit photo : FRANCE HABITATION VOIE DU CHEMINET FAM HE MORANGIS (91) (18 COLL) CF073

 

Consulter l'article précédent :  #11 - #11 Quelles données environnementales pour la réalisation d’ACV de bâtiments ?


           

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Ce dossier est composé de contributions des membres de la Fédération CINOV, des adhérents Construction21 et de leurs partenaires. En animant ce dossier, la Fédération CINOV concoure ainsi aux échanges et à la réflexion sur la future réglementation environnementale. Le contenu des articles sont néanmoins publiés sous la seule responsabilité de leurs auteurs.

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