[Dossier RE2020] #11 Quelles données environnementales pour la réalisation d’ACV de bâtiments ?

Rédigé par

Alexandre ESCUDERO

Responsable équipe Systèmes Urbains Résilients et Fonctionnels

16913 Dernière modification le 22/06/2020 - 12:00
[Dossier RE2020] #11 Quelles données environnementales pour la réalisation d’ACV de bâtiments ?

L’entrée en vigueur de la RE 2020 va généraliser le recours à l’Analyse de Cycle de Vie (ACV) pour l’évaluation de la performance environnementale des bâtiments neufs. Testée dans le cadre de l’expérimentation E+C-, cette méthode a mis en lumière le rôle prépondérant joué par les données environnementales de produits et d’équipements. Afin de répondre aux interrogations des acteurs de la filière sur le sujet, cet article fait le point sur les données disponibles dans la base INIES : Fiche de Déclaration Environnementale et Sanitaire (FDES), Profil Environnemental Produit (PEP) et Module de Donnée Environnementale Générique par Défaut (MDEGD)

 

Fiche de Déclaration Environnementale et Sanitaire (FDES) & Profil Environnemental Produit (PEP)

FDES et PEP : Qu’est-ce que c’est ?

Une FDES est un document dans lequel figurent d’une part les résultats de l’ACV d’un produit de construction et d’autre part des informations sanitaires relatives à ce produit. Créées il y a plus de 15 ans, les FDES sont normalisées ce qui permet de garantir un socle méthodologique commun à l’ensemble des fiches. Depuis 2014, elles sont encadrées par la norme NF EN 15804+A1 et son complément national NF EN 15804/CN qui resteront en vigueur jusqu’en octobre 2022[1].

Depuis 2017, les FDES doivent obligatoirement être vérifiées par une tierce partie indépendante. Leur durée de validité est de 5 ans après vérification et à partir de leur date de publication[2].

Le PEP peut être considéré comme le pendant de la FDES pour les équipements électriques, électroniques et de génie climatique. C’est une déclaration environnementale de type III au sens de la norme ISO 14025.

Sur le plan méthodologique, les PEP sont encadrés par la norme XPC-08-100-1 et les Règles de définition des Catégories de Produits édition 3 (PCR – Product Category Rules). En complément et afin de garantir l’homogénéité et la cohérence des ACV réalisées, des PSR (Product Specific Rules) viennent s’ajouter pour définir des règles additionnelles spécifiques à chaque typologie d’équipements.  

Les PEP ont également une validité de 5 ans et doivent faire l’objet d’une vérification par un vérificateur indépendant et habilité reconnu par le Programme PEP ecopassport®.

A quoi servent-elles ?

Les FDES et les PEP informent les acteurs de la construction (concepteurs, maîtres d’ouvrage, prescripteurs, etc.) sur les performances environnementales des produits de construction et des équipements. A l’échelle bâtiment, ces fiches sont au cœur de l’évaluation des impacts environnementaux dus aux matériaux. Elles alimentent les calculs ACV et, une fois couplées aux quantitatifs d’un bâtiment[3], permettent de réaliser l’évaluation complète d’un projet. Il est alors possible d’identifier les principales sources d’impact et de travailler sur les voies d’optimisation en utilisant les FDES et les PEP pour éco-concevoir les bâtiments.

 

Quelles informations apportent-elles ?

Les FDES et les PEP présentent trois types d’informations identiques :

  • Informations générales : on retrouve des éléments relatifs au fabricant, au site de production, aux dates de publication/validité, au type de FDES/PEP, etc.
  • Informations sur le produit : une description technique du produit, de ses caractéristiques et de ses composants est proposée. L’unité fonctionnelle, traduisant le service rendu par le produit (par exemple 1m² de support pour de la peinture, 1m² avec une résistance thermique R donnée pour un isolant, etc.), et sa durée de vie sont également détaillés.
  • Informations environnementales : les hypothèses, scénarios et résultats de l’étude ACV sont décrits. Un panel d’indicateurs est alors fourni et permet de disposer d’informations relatives à la performance du produit ou de l’équipement. Ces indicateurs sont classés en 4 catégories[4] : impacts environnementaux (réchauffement climatique, appauvrissement de la couche d’ozone, acidification des sols et de l’eau, etc.), utilisation de ressources (matières et énergie primaire renouvelables/non renouvelables, eau, etc.), déchets (dangereux, non dangereux, radioactifs), et flux sortants (par exemple composants destinés à la réutilisation ou au recyclage).

Les résultats sont présentés sur l’ensemble du cycle du vie mais également pour chacune des phases définies par la norme NF EN 15804 (fabrication [A1-A3], mise en œuvre[A4-A5], vie en œuvre[B1-B7] et fin de vie [C1-C4]). A noter qu’un module optionnel, le module d'informations D, permet au fabricant de déclarer les charges et bénéfices potentiels « au-delà des frontières du système » engendrés par de la matière secondaire, du combustible secondaire ou de l'énergie récupérée quittant le système.

L’ensemble de ces résultats se rapportent à l’unité fonctionnelle du produit : par exemple x kg de CO2-équivalent par m2 de support couvert par de la peinture.

En complément, les FDES fournissent des informations sanitaires. Il s’agit de données permettant d’évaluer la contribution du produit à différentes thématiques liées au confort et à la qualité sanitaire du bâtiment : confort hygrothermique, acoustique, visuel et olfactif. Elles peuvent nécessiter la réalisation d’essais en laboratoire de la part de l’industriel afin de répondre aux exigences de la norme.

Comment sont-elles réalisées ?

Il existe trois types de données environnementales spécifiques :

  • Les collectives qui couvrent un produit fabriqué par plusieurs industriels.
  • Les individuelles qui couvrent un produit fabriqué par un seul industriel.
  • Les « sur-mesure » générées par des configurateurs donnant la possibilité de faire varier certains paramètres.

Réalisation de données environnementales individuelles ou collectives :

Leur réalisation suit les quatre grandes étapes de réalisation d’une ACV :

  • Définition de l’objectif et du champ de l’étude : c’est une phase de cadrage qui définit précisément le périmètre du système étudié et la ou les fonction(s) qu’il remplit.
  • Inventaire du cycle de vie : cette étape permet de dresser la liste de tous les flux (matières premières, énergie, transport, etc.) entrants et sortants du système sur l’ensemble de son cycle de vie. La qualité et la robustesse de l’étude ACV dépend très largement de cette phase qui nécessite une coopération optimale entre le praticien ACV et le fabricant afin d’obtenir des données d’inventaire dites de « premier plan » fiables. Les collectes sur sites de production sont alors courantes. En complément, le praticien ACV s’appuie sur des bases de données d’inventaire existantes (par exemple ecoinvent) pour les données dites « d’arrière-plan » (ex : processus de production d’électricité, de fabrication de matériaux, de transports, etc.).
  • Evaluation de l’impact : une fois la collecte et la modélisation du produit réalisées, les indicateurs environnementaux décrits par la norme NF EN 15804 sont calculés par le biais d’un logiciel ACV pour établir la performance du produit.
  • Interprétation : cette étape permet de tirer les conclusions de l’étude mais également de vérifier que les éventuelles hypothèses retenues n’empêchent pas de statuer sur le positionnement du produit. Pour cela, des analyses de sensibilité peuvent être réalisées.

Une fois la modélisation ACV terminée, la FDES ou le PEP peuvent être rédigés par le déclarant et vérifiés par un expert indépendant reconnu.

Réalisation de données environnementales « sur-mesure » ou configurables :

Le nombre de références commerciales disponibles sur le marché de la construction est extrêmement élevé. Les données environnementales individuelles ou collectives ne permettant pas de couvrir l’ensemble de ces références, des configurateurs ont été développés pour certaines catégories de produits. Leur but est de faciliter la création de données en offrant la possibilité aux concepteurs d’adapter certains paramètres de dimensionnement afin qu’elles soient représentatives et adaptées à leurs projets. Ces configurateurs sont pour la plupart des outils web qui permettent à leurs utilisateurs de configurer une fiche environnementale en faisant varier un nombre limité de paramètres via une interface simplifiée. Concernant les FDES, ces configurateurs doivent avoir fait l’objet d’une vérification par un expert indépendant afin de pouvoir éditer des fiches respectant la norme NF EN 15804. A ce jour plusieurs configurateurs sont développés ou sont en cours de développement : aKacia (produits biosourcés – Karibati), DE-Bois (produits bois – FCBA et CODIFAB, BETie (produits béton – SNBPE), Environnement IB (bétons préfabriqués – CERIB), Save-construction (produits acier – CTICM, ConstruirAcier et L’Enveloppe Métallique du Bâtiment).

A noter que des démarches de création de configurateur sont également en cours pour les équipements électriques ou électroniques. Le configurateur CIELE (Calculateur des Impacts Environnementaux de l’Installation Electrique), porté par le groupement IGNES, en est l’illustration.

Module de Donnée Environnementale Générique par Défaut (MDEGD)

Un MDEGD, qu’est-ce que c’est ?

Un MDEGD est une donnée générique par défaut mise à disposition par le Ministère de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer et le Ministère du Logement et de l'Habitat durable pour pallier le manque de données environnementales spécifiques dans le cadre de l’expérimentation E+C-. Pour rappel, le recours à une donnée spécifique n’est possible que lorsque la référence du produit réellement mis en œuvre correspond à la FDES ou au PEP qui la couvre. Dans tout autre cas, il faut utiliser un MDEGD.

Il existe trois types de MDEGD :

  • Cas 1 : MDEGD créé à partir d’une FDES ou PEP (individuelle ou collective) d’un produit ou équipement similaire.
  • Cas 2 : MDEGD créé à partir de plusieurs FDES ou PEP (individuelles ou collectives) de produits ou équipements similaires.
  • Cas 3 : MDEGD correspondant à un élément ne disposant pas de FDES ou PEP (individuelle ou collective) équivalente.

L’impact environnemental de l’ensemble des MDEGD est majoré par des coefficients de sécurité afin de tenir compte des incertitudes associées à leur création mais également encourager la création de données environnementales spécifiques. Dans le cadre d’une ACV bâtiment, leur utilisation conduit donc très souvent à des performances environnementales médiocres sur le contributeur « Produits de Construction et Equipements ».

A quoi ça servent-ils ?

Les MDEGD sont utilisables en substitution ou en l’absence de données spécifiques. Sachant que l’ensemble des FDES/PEP disponibles ne permet pas de couvrir l’intégralité des références commerciales, ces données ont été créées afin d’assurer une complétude satisfaisante aux études ACV bâtiment et éviter ainsi de ne pas comptabiliser l’impact associé à des matériaux ne disposant pas de FDES ou de PEP.

Quelles informations contiennent-ils ?

Les MDEGD sont des fiches plus succinctes que les FDES ou les PEP. Dans un format standardisé, elles présentent :

  • Des informations générales : nom du produit couvert, date de publication, famille du produit dans la nomenclature INIES.
  • Des données techniques : unité fonctionnelle, durée de vie, type de MDEGD (cas 1, 2 ou 3), flux de référence retenus, etc.
  • Les résultats d’impacts environnementaux à partir des indicateurs de la norme NF EN 15804.

Comment réalise-t-on un MDEGD ?

La réalisation des MDEGD varie en fonction du cas retenu. Pour les cas 1 et 2, les données spécifiques existantes sont utilisées, recalculées si nécessaire, et retraitées (unité fonctionnelle, durée de vie, etc.) en intégrant un coefficient de sécurité majorant. Pour les MDEGD dites « cas 1 », les impacts environnementaux de la donnée spécifique retenue sont majorés de 100%. Pour les cas 2, après avoir calculé la moyenne de l’échantillon et ajouté 2 à 3 fois l’écart type, elles sont majorées de 30%.

Les MDEGD « cas 3 » sont calculées à partir de données d’Inventaire de Cycle de Vie (ICV) issues des bases de données ecoinvent et ELCD. Après modélisation ACV dans un logiciel adapté, les valeurs d’impacts sont également majorées de 30%.

Les données environnementales jouent un rôle clé pour garantir la complétude et la robustesse des études ACV de bâtiments. Il apparaît donc indispensable de poursuivre la création de données environnementales spécifiques et de configurateurs afin qu’un maximum de références commerciales de produits et d’équipements soient couverts. Cela permettra tout d’abord d’améliorer la qualité des modélisations ACV qui ont encore trop souvent recours à des données génériques par défaut. L’éco-conception menée par les équipes projets sera également encouragée puisqu’elles disposeront de nombreuses informations quantitatives et qualitatives pour comparer des produits et arbitrer. Enfin, il ne faut pas perdre de vue que ces déclarations environnementales offrent une belle visibilité pour les fabricants qui peuvent attester de la performance de leurs produits : un atout indéniable pour se démarquer commercialement.

Un article signé Alexandre Escudero,  Responsable équipe « Systèmes Urbains Résilients et Fonctionnels » NOBATEK/INEF4


[1] Après cette date, l’amendement NF EN 15804+A2 publié en octobre 2019 entrera définitivement en vigueur.

[2] Des mises à jour peuvent cependant être réalisées durant cette période pour refléter des évolutions technologiques ou autres modifications susceptibles d’engendrer des variations au niveau de la performance environnementale du produit.

[3] Les éléments quantitatifs dont il est question sont issus des documents du projet (plans, métrés, DPGF, etc.) : surfaces de dalles, quantités de béton, volume de bois, surfaces d’isolant, etc.

[4] La liste complète des indicateurs est détaillée dans la norme NF EN 15804.

Consulter l'article précédent :  #10 Résultats enquête : Les impacts de l’expérimentation E+C- pour les bailleurs sociaux


           

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Ce dossier est composé de contributions des membres de la Fédération CINOV, des adhérents Construction21 et de leurs partenaires. En animant ce dossier, la Fédération CINOV concoure ainsi aux échanges et à la réflexion sur la future réglementation environnementale. Le contenu des articles sont néanmoins publiés sous la seule responsabilité de leurs auteurs.

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