Réhabilitation : Etxeverri laisse les murs respirer

Rédigé par

Jean-Philippe Pié

Journaliste

2753 Dernière modification le 10/03/2014 - 09:41

« Lorsque nous travaillons sur un bâtiment ancien, nous appliquons un principe de base : privilégier le confort du mur dans sa perspirance, plutôt que la performance thermique pure. »

L’enduit intérieur associe un peu de chaux et beaucoup de chanvre, sur une épaisseur pouvant atteindre 20 cm.Spécialiste depuis trente ans de la réhabilitation des bâtiments anciens dans le pays basque, Jean-Jacques Etxeverri, 55 ans, dirige une entreprise de maçonnerie de trente personnes située à Ordiarp (Pyrénées Atlantiques), Labellisée RGE, la société Etxe Berri (maison nouvelle, en basque) réalise 80 % de son chiffre d’affaires dans le bâti ancien et voit les demandes d’interventions augmenter aujourd’hui, du fait notamment des incitations et aides financières. « Ma première démarche consiste à tenter de comprendre le bâtiment auquel nous avons affaire, car dans l’ancien, chaque construction est unique. Par exemple, lorsqu’un bâtiment agricole est transformé en habitation, nous sommes souvent confrontés aux remontées de salpêtre dues à un sol surchargé en sels minéraux… Mais plus généralement, pour la plupart des bâtiments anciens, le grand danger consiste à ne pas assez tenir compte du taux d’hygrométrie. »

Pour conserver aux murs séculaires leurs qualités respirantes, l’entreprise Etxe Berri travaille avec des enduits intérieurs projetés associant la chaux et le chanvre, sur des épaisseurs qui peuvent aller jusqu’à 20 cm, en multi-couches bien entendu, parfois en association avec la laine de bois/Fermacell lorsqu’une forte isolation est impérative. Les enduits sont faiblement chargés en chaux, pour permettre au chanvre d’exprimer ses qualités, notamment sa capacité d’absorption de l’eau ( cinq fois son poids) et ses propriétés isolantes (forte présence d’air).Pour les sols, c’est un mélange chaux et liège qui a été mis au point, lui aussi fait maison.

« A proprement parler, nous ne procédons pas une isolation du bâti, précise Jean-Jacques Etxeverri. Le R reste faible. Il s’agit plutôt d’une correction thermique qui renforce l’inertie du mur »Le gros avantage de cette technique, adaptée au climat océanique de la région , est de réduire la sensation de froid que dégage un mur humide, sans étouffer pour autant le bâtiment. Ce dernier aspect, vraiment fondamental pour Jean-Jacques Etxeverri, l’incite à considérer avec circonspection toute modification de l’équilibre hygrothermique, que ce soit par l’installation de double vitrage (la ventilation doit en général être considérablement renforcée) ou de nouvelles ouvertures mal orientés et susceptibles de capter encore plus d’humidité.

Ce savoir-faire précieux, alimenté par un questionnement et une curiosité permanente, permet de réaliser des réhabilitations de qualité où la performance thermique pure se trouve ramenée à sa juste valeur.

Jean-Philippe Pié pour Ecobat

Légende photo : L’enduit intérieur associe un peu de chaux et beaucoup de chanvre, sur une épaisseur pouvant atteindre 20 cm.

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