La logistique et le foncier : des enjeux clefs pour la réussite des démarches territoriales d’économie circulaire

Rédigé par

Justine Emringer

2494 Dernière modification le 22/11/2022 - 09:00
La logistique et le foncier : des enjeux clefs pour la réussite des démarches territoriales d’économie circulaire


L’Établissement Public Territorial (EPT) Plaine Commune, qui regroupe 9 villes de Seine Saint-Denis, s’est lancé dans une démarche de « Métabolisme urbain » dès 2015, pour réduire ses flux entrants et sortants – notamment de matériaux du BTP – grâce à l’économie circulaire. Ces 7 années de pratique ont permis de confirmer que le réemploi, la réutilisation et le recyclage des matériaux inter-chantiers permettent non seulement de réduire l’impact environnemental des projets, mais aussi de créer de nouvelles activités bénéfiques à l’emploi local. Mais pour parvenir à implanter une réelle « stratégie économie circulaire », les enjeux logistiques et fonciers doivent impérativement être appréhendés. 

La logistique et le foncier : un frein persistant pour les démarches de réemploi 

Tous les acteurs qui se sont lancés dans des démarches d’économie circulaire le savent : sans une bonne anticipation et une bonne appréhension des enjeux logistiques du projet, les opportunités en termes de réemploi des matériaux se réduiront comme peau de chagrin. Le territoire de Plaine Commune s’en est aperçu dès 2017, lorsqu’il a lancé une expérimentation sur le réemploi / réutilisation / recyclage de matériaux du BTP sur 30 sites pilotes, dans l’objectif de maximiser leurs synergies inter-chantiers. Assez rapidement, un constat simple s’est imposé : les questions logistiques et foncières sont bien souvent celles qui bloquent les ambitions portées par les acteurs.
Où stocker les matériaux déposés sur le chantier de déconstruction si le chantier « récepteur » n’a pas encore débuté (voire n’est pas encore identifié) ? Qui se charge de nettoyer, voire de requalifier les différents matériaux ? Comment prescrire des matériaux de réemploi dans les projets de construction neuve si on ne connaît pas encore les gisements ? Comment savoir à quoi ces matériaux vont ressembler ? Quelles seront leurs caractéristiques ?

Une solution pour optimiser la gestion des flux de matériaux inter-chantiers : les plateformes physiques de réemploi

Plaine Commune prend conscience que sans foncier, point de logistique optimisée possible. Il apparaît alors que ces espaces dédiés au réemploi vont devenir essentiels pour la suite de la démarche, et qu’il faudra donc favoriser l’implantation de plateformes physiques sur le territoire le plus rapidement possible. L’EPT a alors eu la chance d’en voir émerger deux dès 2019 / 2020 : une plateforme pilotée par l’association RéaVie à la Courneuve ; et une autre par Cycle up et Bouvelot TP à Saint-Ouen. 
Ces plateformes représentent une réelle opportunité pour le territoire. Elles récupèrent aujourd’hui la plupart des matériaux valorisables collectés sur les chantiers, les requalifient, puis les revendent pour les projets de construction neuve, dans une logique de formation et d’insertion de publics éloignés de l’emploi. Les bénéfices directs ne se sont pas fait attendre : des taux de réemploi maximisés sur les chantiers, des créations d’emploi pour faire fonctionner la plateforme (une dizaine par plateforme), des ateliers ouverts aux habitants qui permettent d’animer le quartier autour des enjeux de l’économie circulaire, mais aussi de leur faire bénéficier de matériaux qualitatifs à bas coût… En bref, une véritable aubaine pour le territoire. 

Quel est le rôle de la collectivité pour faciliter l’implantation de ces plateformes ? 

Plaine Commune a choisi de ne pas disposer de plateformes en propre : elles sont gérées par des acteurs privés ou associatifs. En revanche, tout territoire peut jouer un rôle essentiel pour l’implantation de ces structures, et ce à plusieurs niveaux. Premier point essentiel : l’identification de fonciers disponibles pour l’implantation de telles plateformes (1000 à 1500m2 minimum), sur des sites pérennes ou transitoires (3 ans minimum). 
Il est aussi important que les élu.e.s et les technicien.ne.s connaissent et portent ces plateformes, et qu’elles soient visibles des habitant.e.s. Il peut s’agir de déconstruire des a priori parfois négatifs sur ces installations, qui ne génèrent en réalité que peu de nuisances. Tout le monde s’aperçoit vite de l’intérêt de telles démarches, tant la dynamique créée autour d’elles est palpable et positive. Il suffit en effet de se rendre sur l’une de ces plateformes pour en saisir l’importance, et pour voir les nombreux potentiels qu’elles offrent, juste en observant ces rayons remplis par des matériaux qui paraissent neufs. Étonnant de se dire qu’il n’y a pas si longtemps, ils se seraient retrouvés à la benne ! 
Enfin, la collectivité peut aussi aider les plateformes à s’installer en les aidant à identifier des financements adéquats, mais aussi en les rendant plus visibles auprès de leur écosystème local - promoteurs, aménageurs, bailleurs, architectes, entreprises de travaux, acteurs associatifs… Autant de partenaires qui pourront se fournir sur ces plateformes pour leurs chantiers. Plaine Commune les y incite d’ailleurs fortement via sa « charte économie circulaire », dans laquelle elle exige qu’un certain % de matériaux issus du réemploi soient intégrés dans les constructions neuves, créant ainsi un véritable marché pour ces plateformes. 

Et après ? La nécessité de passer d’une logique d’urbanisme transitoire à la pérennisation de ces activités au cœur des villes et des territoires

3 ans après l’implantation de ces premières plateformes de réemploi, le constat est sans appel : elles sont un maillon indispensable à toute logistique circulaire d’un territoire. Pourtant, il reste aujourd’hui encore à passer un cap : celui de la pérennisation de ces activités sur nos territoires. La logique d’urbanisme transitoire a permis de tester des modèles, et de se rassurer sur l’acceptabilité de ces activités pour les habitants. Maintenant que cela est fait, il s’agit de réfléchir aux moyens de pérenniser ces activités, qui doivent rester au cœur de nos villes et de nos territoires, pour qu’ils deviennent toujours plus résilients. Et c’est en travaillant conjointement à une « stratégie logistique et foncière circulaire », au-delà de nos frontières respectives, et en coopération avec les territoires voisins - afin d’assurer un maillage territorial cohérent - que nous serons à la hauteur des défis qui nous attendent en matière d’économie circulaire

Justine Emringer, cheffe de projet Métabolisme urbain au sein du « Pôle de la Fabrique de la Ville durable » de Plaine Commune


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