20 millions de Français : exposition environnementale et vulnérabilité en ville

Rédigé par

Eric LARREY

Directeur de l'innovation

620 Dernière modification le 11/04/2024 - 10:30
20 millions de Français : exposition environnementale et vulnérabilité en ville

Comment les habitants des villes sont-ils exposés à un risque environnemental du fait d’un manque de végétation ? Cette exposition est-elle équitable ou constate-t-on des disparités en fonction de la vulnérabilité des populations ? Comment les plans d’action peuvent-ils tenter de corriger ces inégalités ?


De nombreuses questions auxquelles nous avons envie de répondre au cours de cette étude sur les Métropoles et les villes françaises de plus de 40000 habitants, regroupant plus de 20 millions de personnes.

Contexte et objectifs

La question de l’égalité, de l’équité ou de l’injustice environnementale est de plus en plus présente dans les projets de programmation urbaine et les plans de végétalisation. Elle est étudiée sous toutes les latitudes et avec des approches et des indicateurs variés. Citons trois publications récentes traitant de ce sujet :

Les deux premières études se concentrent chacune sur un espace urbain alors que la troisième traite de 341 villes chinoises, cumulant pas moins de 364 millions d'habitants !

Différents types d’exposition environnementale sont pris en compte dans ces études : accès aux espaces verts, surchauffe urbaine, pollution, sécheresse, inondation… nécessitant parfois de décliner plusieurs indices afin de ne pas trop perturber l’analyse.

Notre ambition est moindre que celle des auteurs chinois, mais elle s’inscrit dans cette dynamique afin d’étudier les inégalités socio-environnementales dans nos villes. Notre étude porte ainsi sur un vaste échantillon urbain à l'échelle de la France : 

  • Les 22 métropoles au sens large, en y prenant en compte les villes comptant jusqu’à 10000 ou 20000 habitants suivant la taille desdites métropoles
  • Les villes continentales de plus de 40000 habitants, soit 182 communes, dont certaines sont incluses dans le premier échantillon

Au total l’étude porte sur plus de 200 communes et cumulant un peu plus de 20 millions d’habitants.

Pourquoi un seuil de 40000 habitants ? Tout d'abord, c’est une première phase qui pourra être élargie en fonction des résultats obtenus. Ensuite, c’est également un seuil qui correspond à un grand nombre de villes laissant augurer d’un véritable dysfonctionnement lié à la densité de bâti et de population.

Le graphique suivant présente la répartition des sites urbains par nombre d’habitants et la population cumulée : 

Ces villes sont assez bien réparties sur tout le territoire malgré quelques concentrations bien connues, comme le montre la carte suivante :

Les indicateurs environnementaux

La partie environnementale concerne exclusivement les rôles de la nature en ville, avec une forte orientation sur la santé de la population.

La végétation urbaine, par l’ensemble de ses apports écosystémiques, participent en effet à notre santé par différents biais :

  • En diminuant la température des villes, elle facilite le sommeil et limite le stress
  • En proposant des lieux de détente elle participe à diminuer les tensions et à apaiser la ville
  • Leur capacité de dépollution participe activement à la qualité de l’air
  • Les populations proches de la végétation ont tendance à marcher plus, activité largement bénéfique pour la santé

L’absence de ces apports nous expose alors à des risques. Afin de mesurer ces risques, nous retenons deux indices :

  • Le niveau d’exposition aux îlots de chaleur
  • Le manque de végétation de proximité (dans un rayon de 300 m)

Qui sont évalués sur chaque lieu d’activité, de résidence, soit sur les bâtiments.

Afin de quantifier et cartographier cette exposition, nous avons construit un indice variant de 1 à 5 :

1.      « Je vis au cœur d’un îlot de fraîcheur et je dispose d’un très bon niveau de végétation de proximité »

5.      « Je vis au cœur d’un îlot de chaleur et je n’ai qu’un très faible accès à de la végétation de proximité »

Il est calculé à partir de l’Indice de Confort Thermique Usager (ICTU) et du taux de végétation dans un rayon de 300m de chaque site.

S’agissant du taux d’espaces végétalisés de proximité (rayon de 300 m), nous avons retenu deux seuils de 20% et 40% d’espaces végétalisés, qui encadrent le seuil plus ambitieux de 30% d’espace de canopée, en référence à la règle 3-30-300 proposée par Cecil Konijnendijk

  • Moins de 20% : fort manque de végétation de proximité
  • Entre 20% et 40% : niveau jugé correct
  • Plus de 40% : très bon niveau de végétation de proximité

Différentes versions de ces seuils sont également testées dans l’étude.

Dans le cas d’un territoire comme celui du Grand Avignon, les cartographies des espaces végétalisés des îlots de chaleur et de fraîcheur :

conduisent à la carte des niveaux d'exposition suivante : 

La vulnérabilité des populations

Nous avons retenu trois indices de vulnérabilité, issus des données INSEE :

  • Le revenu moyen par individu
  • Le taux de ménages pauvres
  • Le taux de population de plus de 65 ans

Le choix de l’échelle du bâtiment permet également de cibler des populations sensibles en s’intéressant spécifiquement aux crèches, écoles maternelles, …, centres de santé, EHPAD ou tout autre site accueillant des populations a priori plus sensibles.

Une synthèse comparative des différentes métropoles complètera, à terme, cette première présentation.

L’analyse des inégalités environnementales

Afin de rendre compte au mieux des inégalités socio-environnementales, nous avons choisi une première représentation sous forme de répartition des populations par niveau d’exposition simplifié (3 niveaux en regroupant 1 et 2 puis 4 et 5) et par répartition par indice d’exposition. Voici ce que cela donne pour le cas de Béziers avec le critère de revenu moyen par individu :

Cet exemple est assez caractéristique d’un schéma inégalitaire. Le niveau d’exposition décroît significativement en fonction du revenu moyen. Si Béziers n'est pas la seule ville à présenter ce schéma, loin s'en faut, il n’est pas non pus la règle absolue comme on serait tenté de le croire. Les études déjà réalisées et partiellement publiées sur les Métropoles de Paris, Strasbourg et Grenoble montrent par exemple des expositions plus fortes sur les catégories médianes.

L’étude largement entamée fournit une masse importante de données dont l’analyse pourra permettre :

  • De comparer des territoires et d’analyser, très certainement, des trajectoires historiques anciennes ou récentes qui expliquent les schémas différents. Ici un premier échantillon

  • D’évaluer les capacités de rééquilibrage
  • De déterminer des objectifs atteignables en fonction de critères de densité, d’organisations urbaines
  • ….

Une partie des résultats de cette étude sera partagée régulièrement tout au long du printemps et de l'été.

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