Des techniques passives de bâtiments pour rafraîchir les quartiers

Rédigé par

Emmanuel Bozonnet

9129 Dernière modification le 03/07/2018 - 09:30
Des techniques passives de bâtiments pour rafraîchir les quartiers

Depuis le XIXème siècle, les mesures climatiques d’Howard [1] ont montré le biais dû aux bâtiments et centres urbains denses. Plus récemment, c’est la performance énergétique d’été des bâtiments et leur contribution anthropique au microclimat local qui a été soulignée par Clarke [2]. Les mécanismes de réchauffement liés aux choix constructifs individuels sont bien connus, principalement le piégeage radiatif, le confinement aéraulique dans les « canyons urbains », et la minéralisation des surfaces urbaines.

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« The urban thermal anomaly can be expected to increase if man continues to expand his cities into giant metropolitan regions. Because of the increasing use of airconditioning, the portion of the population of cities necessarily exposed to thermal stresses will decrease. The heat and moisture removed from the buildings, however, will be dumped into the urban atmosphere and further increase the thermal anomaly of the city. This will also increase thermal stresses on the inhabitants of the central city not fortunate enough to have airconditioning. » J.F. Clarke

Les bâtiments en ville et les espaces urbains confinés thermiquement en période de canicule

Dans ce contexte, les principales techniques de rafraîchissement passif applicables au bâtiment sont généralement aussi de bonnes solutions de rafraîchissement urbain (Figure 1).

Figure 1 - Stratégies de rafraîchissement à du bâtiment au quartier d'après [10]

Figure 2 – techniques de rafraîchissement passif des bâtiments et des îlots de chaleur urbains (ICU)

Cependant, à l’échelle du constructeur ou du maître d’ouvrage d’un bâtiment ou d’un îlot, les effets positifs sur l’environnement urbain sont à la fois très hétérogènes et difficilement identifiables. A plus grande échelle, le phénomène de réchauffement climatique est pourtant très bien identifié et fortement amplifié en milieu urbain (niveaux de température et durées de canicule). Parallèlement, le marché de la climatisation individuelle est en hausse [3,4]. Et bien que les exigences de performance énergétiques des systèmes de climatisation se renforcent, la contribution des bâtiments à l’ICU tend à s’accroître. L’alternative de solutions passive de rafraîchissement est complexe à développer. La conception de ventilation naturelle, rafraîchissement nocturne ou du traitement des enveloppes doit tenir compte des interactions avec le microclimat urbain.

Des solutions pour la réduction des effets locaux de confinement thermique

La végétalisation des toitures et des façades est une solution souvent mise en avant, et le développement de modèles de bâtiments couplés à l’ambiance thermique de la rue a permis de montrer le gain potentiel sur les besoins de climatisation, de l’ordre de 35% en climat océanique et dans une configuration de confinée de « rue canyon » [5]. Ces effets directs sur l’intérieur et indirects sur l’atténuation de l’îlot de chaleur local ont été également mesurés expérimentalement comme dans le cas du dispositif expérimental de la Figure 2.

Figure 3 – évolution de la température de façade avant et après mise en place de la façade végétale
sur un modèle réduit de rue canyon (1/10ème) [6]

Les effets directs sur le bâtiment se traduisent par une baisse des températures de surfaces et une dissipation de l’énergie solaire absorbée par évapotranspiration. Ainsi, l’effet de surchauffe (lié au confinement thermique) mesuré sur la température moyenne de la rue est atténué de 33% avec la façade végétale.

Le traitement radiatif des surfaces bâties et des villes est une autre solution traditionnellement utilisée dans le pourtour méditerranéen, bien adaptée aux climats arides, mais aussi aux périodes de canicule et de sécheresse dans une perspective d’adaptation au changement climatique. C’est en particulier adapté aux toitures, mais aussi aux façades [7]. Le potentiel de rafraîchissement observé à l’échelle d’un bâtiment et de la rue peut aussi plus généralement se quantifier sous forme d’indicateurs. Dans le cas d’un bâtiment type (Figure 3) le potentiel d’une toiture fortement émissive (rayonnement thermique nocturne) et à forte réflectivité solaire (appelée « cool roof ») a été évalué à la fois pour le rafraîchissement intérieur et pour le milieu urbain, avec un gain ici de 53,2%.

Figure 4 – Analyse en diagramme de Sankey de la mise en place d’un cool roof sur un bâtiment commercial fortement isolé. Gains sur les degré-heures intérieurs et sur la chaleur transmise à l’environnement urbain proche [8].

Pour une analyse plus précise à l’échelle d’un quartier des stratégies de rafraichissement et la conception d’ilots de fraicheur entre bâtiments, il faut passer par une modélisation plus complexe de l’environnement en interaction avec les bâtiments. Différentes approches sont en développement [9] et des indicateurs à l’échelle quartier restent à développer [10].

Rédigé par Emmanuel Bozonnet, maitre de conférence à l’Université de La Rochelle
(sur LinkedIn : https://www.linkedin.com/in/ebozonne/  et sur Researchgate :https://www.researchgate.net/profile/Emmanuel_Bozonnet)

Sources

  • [1] L. Howard, The Climate of London: Deduced from Meteorological Observations, Made at Different Places in the Neighbourhood of the Metropolis, W. Phillips, sold also by J. and A. Arch, London, U.K., 1818.
  • [2] J.F. Clarke, Some effects of the urban structure on heat mortality, Environ. Res. 5 (1972) 93–104. doi:10.1016/0013-9351(72)90023-0.
  • [3] A. Lemonsu, V. Viguié, M. Daniel, V. Masson, Vulnerability to heat waves: Impact of urban expansion scenarios on urban heat island and heat stress in Paris (France), Urban Clim. 14 (2015) 586–605. doi:10.1016/j.uclim.2015.10.007.
  • [4] M. Santamouris, N. Papanikolaou, I. Livada, I. Koronakis, C. Georgakis, A. Argiriou, D.N. Assimakopoulos, On the impact of urban climate on the energy consumption of buildings, Sol. Energy. 70 (2001) 201–216. doi:10.1016/S0038-092X(00)00095-5.
  • [5] R. Djedjig, E. Bozonnet, R. Belarbi, Modeling green wall interactions with street canyons for building energy simulation in urban context, Urban Clim. 16 (2016) 75–85. doi:10.1016/j.uclim.2015.12.003.
  • [6] R. Djedjig, E. Bozonnet, R. Belarbi, Experimental study of the urban microclimate mitigation potential of green roofs and green walls in street canyons, Int. J. Low-Carbon Technol. 10 (2015) 34–44. doi:10.1093/ijlct/ctt019.
  • [7] M. Doya, E. Bozonnet, F. Allard, Experimental measurement of cool facades’ performance in a dense urban environment, Energy Build. 55 (2012) 42–50. doi:10.1016/j.enbuild.2011.11.001.
  • [8] M. Kaboré, E. Bozonnet, P. Salagnac, M. Abadie, Indexes for passive building design in urban context – indoor and outdoor cooling potentials, Energy Build. 173 (2018) 315–325. doi:10.1016/j.enbuild.2018.05.043.
  • [9] E. Bozonnet, M. Musy, I. Calmet, F. Rodriguez, Modeling methods to assess urban fluxes and heat island mitigation measures from street to city scale, Int. J. Low-Carbon Technol. 10 (2015) 62–77. doi:10.1093/ijlct/ctt049.
  • [10] A. Gros, E. Bozonnet, C. Inard, M. Musy, A New Performance Indicator to Assess Building and District Cooling Strategies, Procedia Eng. 169 (2016) 117–124. doi:10.1016/j.proeng.2016.10.014.


Ilot de chaleur, un enjeu d’adaptation au changement climatique

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