Rénovation de la tour Super Montparnasse : un pari énergétique réussi

1851 Dernière modification le 19/07/2016 - 11:33
Rénovation de la tour Super Montparnasse : un pari énergétique réussi

Construite à la fin des années soixante, la tour d’habitation de 270 logements Super Montparnasse avait besoin d’un lifting architectural et thermique. Réalisés par le cabinet d’architecte François Pélegrin en association avec Lair et Roynette architectes, les travaux de réhabilitation qui ont duré un an ont permis d’améliorer l’étiquette énergétique du bâtiment. Retour avec François Pélegrin sur ce défi de rénovation.

Présentez-nous Super Montparnasse ?

François Pélegrin : Super Montparnasse est une copropriété des années 68-70, plutôt exemplaire, dessinée par le grand architecte Bernard Zehrfuss. Elle fût aussi le premier immeuble de grande hauteur (30 étages) à usage d’habitation, en Europe. Autre particularité, elle dissimule en son sein une cheminée de 8 mètres sur 8 mètres de la Compagnie Parisienne de Chauffage Urbain (CPCU).

Pourquoi envisager une rénovation sur ce bâtiment ?

F.P. : Cette écriture architecturale des années 70 est en quelque sorte un bâtiment conçu pour déperdre un maximum d’énergie. C’est tout ce que la génération suivante des architectes a appris à ne pas reproduire, tels que ces éléments de refends qui agissent comme des ponts thermiques… Il faut dire qu’à l’époque, la déperdition énergétique n’était pas encore d’actualité. Personne ne parlait d’isolation. Enfin, il fallait mettre fin à la pathologie du revêtement en pâte de verre, un matériau assez haut de gamme dans les années 70, mais qui avec le temps, finit par tomber.

François Pélegrin

 

Quelle a été votre mission ?

F.P. : La copropriété avait une injonction de la Ville de Paris à réhabiliter la tour car la chute des pâtes de verre pouvait occasionner des dégâts. Nous avons répondu à une consultation lancée par la copropriété pour remédier à ces désordres, et améliorer les performances énergétiques de cette tour. Notre équipe a été retenue peut-être pour notre sensibilité sur les questions de confort, d’acoustique, l’augmentation du bien-être et la valeur du patrimoine avec le support d’une maquette numérique.

Vous avez donc fait appel au BIM, l’une de vos spécialités…

F.P. : Sur un immeuble de grande hauteur signé par un grand architecte à Paris, il faut non seulement obtenir l’accord de la copropriété mais aussi convaincre tous les circuits administratifs : en l’occurrence l’Architecte des bâtiments de France, l’Architecte Voyer, L’Association du Patrimoine XXe siècle, L’Association du Vieux Paris et les ayants droits…

Notre méthode de travail consiste à tout modéliser en maquette numérique 3D : ce qui permet de zoomer sur un détail de façade par exemple, pour que tout le monde puisse comprendre les spécificités de l’immeuble et les améliorations que nous proposons.

La maquette 3D a beaucoup aidé à la concertation et nous avons pu, en deux séances, emporter l’adhésion de tous.

Les bénéfices de la rénovation ont-ils été immédiatement perçus ?

F.P. : Au niveau du confort d’été, sans isolant extérieur, lorsqu’il fait 35° C à l’extérieur, les façades en béton s’échauffent et emmagasinent la chaleur qu’elles restituent quelques heures plus tard dans le logement. Les premiers propriétaires dont la façade a été rénovée ont pu ressentir les effets positifs de l’isolation par l’extérieur, en perdant quelques degrés, cet été.

En ce qui concerne le confort d’hiver, il faudra attendre l’hiver prochain pour mesurer les économies : il faut aussi prendre en compte le comportement de l’usager pour obtenir une baisse significative du chauffage. En effet, les calculs thermiques se font sur des protocoles établis par l’Ademe, il est rare que les particuliers appliquent les températures recommandées de 19°C le jour et 16°C la nuit ! D’après nos calculs, nous estimons à 50% (soit 227 000 euros par an) les économies réalisées sur la note énergétique et des charges de chauffage divisées par deux. A la suite de la rénovation, Super Montparnasse est remontée en classe énergétique B/C pour obtenir le label BBC rénovation. Il ne reste plus qu’à équiper les radiateurs de robinets thermostatiques.

Quelles ont été les difficultés rencontrées ?

F.P. : Nous avons vraiment essayé de conjuguer valeur d’usage et efficacité thermique. Par exemple, sur la partie loggia, si nous posions un isolant de 15 cm d’épaisseur sur le mur, le balcon passait de 1 mètre à 80 cm. Or les usagers ne voulaient pas rogner sur cet espace de vie. C’est pourquoi sur ce projet, nous avons vraiment fait du sur-mesure en fonction de la géométrie et de l’usage du bâtiment.
Par exemple, nous n’avons appliqué que 4 cm d’isolant de laine de roche à certains endroits, voire 8 cm pour être performant, mais nous nous sommes rattrapés en posant au-dessus des fenêtres 20 cm de laine de roche ou encore 14 cm à d’autres endroits. Nous avons fait des simulations thermiques particulières car aucun logiciel ne pouvait intégrer ces variations d’épaisseurs d’isolant sur une même façade.

Outre l’isolation il fallait aussi respecter l’écriture architecturale du bâtiment…

F.P. : Nous avons recouvert l’isolant d’un matériau pérenne, un bardage en aluminium. Nous voulions une peau qui respecte la charte graphique, qui soit autonettoyante et dure longtemps sans nécessiter de ravalement. Nous avons opté pour une couche de 2 mm d’épaisseur d’aluminium et là aussi le choix de la couleur, un jeu de gris clair/blanc et noir, respectant la charte graphique d’origine, a pu être illustré grâce aux modélisations en maquette numérique.

 

Plan 3 – Super Montparnasse © Architecture Pelegrin 

 

Note de la rédaction : Découvrez l'étude de cas Tour Supermontparnasse, candidate aux Green Building & City Solutions Awards 2016

Article publié sur Mondial du bâtiment
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