[Urgence climatique] 3 questions à Sébastien Maire, Délégué général de France Ville Durable

Rédigé par

Communication CERTIVEA

Direction de la communication

2383 Dernière modification le 08/01/2021 - 09:25
[Urgence climatique] 3 questions à Sébastien Maire, Délégué général de France Ville Durable

 

Suite de notre série d’interviews consacrée à l’urgence climatique. Découvrez les états des lieux dressés par des acteurs engagés et institutionnels, ainsi que leurs préconisations pour atténuer les effets du changement climatique, s’adapter à ses conséquences et tirer parti des opportunités engendrées par ces évolutions.

Aujourd’hui, nous vous proposons l’interview de Sébastien Maire, Délégué général de France Ville Durable, qui présente :

  • son constat relatif à l’urgence de la situation actuelle vis-à-vis du changement climatique et à la nécessité de changer de paradigme, notamment en matière de gouvernance des territoires, pour y faire face ;
  • ses recommandations pour accélérer l’action des collectivités dans ce domaine : appréhension des enjeux et du fonctionnement du territoire de manière holistique et application de la sobriété aux politiques publiques et économiques ;
  • les missions de l’association : « mise à jour » des enjeux de la ville durable ; organisation d’ateliers dans les territoires ; diffusion à l’international de certaines spécificités de la ville à la franco-européenne.

 

 

Quel est votre constat de la situation actuelle vis-à-vis du changement climatique dans le secteur de la construction, de l’immobilier ou plus généralement du cadre de vie ? Où en sont les territoires ?

1er constat, les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter au niveau mondial et stagnent ou augmentent moins vite en France mais ne baissent pas. De plus, on réalise de plus en plus que les logiques de développement durable, qui laissaient croire qu’on pourrait verdir notre économie sans en changer les fondamentaux, ne fonctionnement pas ou pas suffisamment. 2ème constat, depuis les accords de Paris, deux nouveaux enjeux sont apparus : l’adaptation au changement climatique et la résilience. En effet, il faudra s’adapter, car même si les gaz à effet de serre baissaient drastiquement à partir d’aujourd’hui, les conséquences sont d’ores et déjà dramatiques pour les 30 prochaines années. Il y a, d’autre part, bien d’autres enjeux que le climat qui sont également préoccupants (terrorisme, crises sanitaires, inégalités  croissantes,  perte  de  biodiversité,  artificialisation  des  sols,  pollutions  et  acidification  des  océans,  etc.) et qu’il faut tout autant prendre en compte dans la planification urbaine. 3ème constat : malgré cette situation, on continue de penser que nous pourrons fonctionner de la même façon en 2050 qu’aujourd’hui, grâce à quelques optimisations et  aux  avancées  technologiques,  indépendamment  de  la  réalité  des  limites  physiques  de  la  planète,  en  particulier dans le domaine de l’énergie .Où en sont les territoires ? Beaucoup ont compris l’urgence mais peu d’actions dépassent le cadre de chaque collectivité, et de chaque secteur d’intervention,  pour  embrasser  la  logique  plus  holistique  et  systémique  des  enjeux  et  solutions, qui seule peut avoir des impacts significatifs. La gouvernance fonctionne encore trop en silos alors qu’elle devrait être plus transversale au sein des administrations, mais aussi entre secteurs public et privé, et impliquer davantage les habitant.e.s, les  scientifiques  et  les  acteurs  économiques.  Réunir  les  bonnes  parties  prenantes  autour  de  la  table  est  le  préalable à l’identification et à la mise en œuvre des meilleures solutions.  Autre  enjeu  :  passer  des  actions  symboliques à un changement global de politique pour appréhender les problèmes. Enfin, en matière de bâtiment, l’enjeu principal concerne  peut-être l’évolution nécessaire du modèle économique actuel de la construction et de l’aménagement, qui est principalement basé sur le neuf. En effet, dans le domaine de l’habitat par exemple, 80 % de celui qui sera là en 2050, quand les canicules pourront durer un mois et atteindre 50°, est déjà construit. C’est là que se situe le principal enjeu de transition et d’adaptation, pas sur les 20 % qui seront construits d’ici là et qui seront, de toutes façons, déjà beaucoup plus vertueux. Il faut donc trouver un modèle qui rende la rénovation plus viable économiquement.

 

Quels sont les leviers d’action des territoires vis-à-vis de l’urgence climatique ? D’après-vous, le Plan de relance va t’il accentuer la prise de conscience des collectivités locales ? 

Les méthodes et outils nécessaires existent mais pour agir, il faut un consensus sur le constat et le paradigme dans lequel s’inscrire, à savoir la prise en compte des limites physiques de la planète. Des outils très intéressants ont été développés par  l’État,  ou  organismes  associés  comme  l’Ademe,  par  certaines  collectivités  et  par  des  bureaux  d’études. Mais ces initiatives restent minoritaires. Les méthodes et solutions se multiplient pourtant afin d’appréhender les enjeux et le fonctionnement du territoire de manière holistique. Quelques exemples : la « boussole de la résilience » du Cerema, pour penser le développement du territoire dans les limites de ses vulnérabilités ; la « théorie du Donut » de l’économiste Kate Raworth, appliquée notamment à Amsterdam, transformée en méthode de planification et de prévision budgétaire qui ajoute un plafond environnemental aux ODD (Objectifs de Développement Durable) ; le « shift project », think tank qui œuvre en faveur d'une économie libérée de la contrainte carbone et qui développe des outils de calcul d’ACV (Analyse de cycle de vie) intéressants pour la sobriété numérique, etc.. Autre levier d’action : l’application de la sobriété aux politiques publiques et économiques. Dans le public, la démarche est favorisée par la nécessité d’opter pour les solutions les plus vertueuses financièrement. Rendre soutenable pour l’économie les logiques de sobriété constitue un défi plus grand ; il s’agit d’un savant équilibre à trouver, « ne pas faire » étant parfois plus judicieux en termes d’émissions de carbone et de consommation d’énergie que « faire vert ». Quant au Plan de relance, il peut et doit bien sûr constituer un levier ; il place par exemple en priorité la massification de la rénovation énergétique. La  RE2020  donne par  ailleurs  une  feuille de  route  qui  est  plus  exigeante pour  le  secteur du bâtiment,  mais  qui  est  dans le même temps plus conforme aux objectifs d’atténuation et d’adaptation au dérèglement climatique. Puisqu’il y a urgence, il est primordial de ne plus se tromper de paradigme. En somme, le cadre logique suivant lequel seront réalisés les travaux et sera financé le développement de nos filières doit être à présent plus raisonnable et soutenable pour la planète. 

 

Du bâtiment à l’aménagement, comment France Ville Durable promeut les projets exemplaires et le savoir-faire des acteurs français en matière de lutte contre le changement climatique ?

France  Ville  Durable,  association  regroupant  les  acteurs  professionnels de la ville durable (Etat,  collectivités,  entreprises et experts) et qui valorise et diffuse les bonnes pratiques des projets exemplaires, finalise actuellement une « mise à jour » des enjeux de la ville durable dans ce nouveau contexte. Ce cadre logique plus adapté sera largement diffusé aux acteurs, notamment lors d’ateliers avec les exécutifs et directions générales des collectivités. Ces ateliers constitueront notamment une occasion de présenter et promouvoir les solutions proposées par ses membres, comme Construction 21 ou Certivéa. Le  portail   internet   de   France  Ville   Durable   va   également   être  entièrement  remanié  pour   contribuer  davantage à la massification des bonnes pratiques en France et à l’international, en mettant en avant les meilleurs projets. L’action internationale de France Ville Durable est par  ailleurs en plein développement, avec l’objectif de promouvoir et diffuser certaines spécificités de la Ville durable à la franco-européenne, qui ne sont pas les mêmes que dans les modèles anglosaxons ou asiatiques par exemple. Régulation publique assumée pour l’intérêt général, fonctionnement et élaboration démocratique des projets, ou encore objectif systématique d’inclusion des  plus  vulnérables  dans  la  transition  urbaine en sont quelques exemples.

 

Télécharger l’interview - Accéder au site Certivea.

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