Solutions fondées sur la nature (SFN) : mieux gérer l’eau en ville

Rédigé par

Clément Daignan

2191 Dernière modification le 13/10/2023 - 11:48
Solutions fondées sur la nature (SFN) : mieux gérer l’eau en ville

La ville est un territoire de fortes contraintes pour la ressource en eau : majoritairement imperméable, elle concentre les besoins en eau potable et la production d’eaux usées, et peut être très vulnérable aux risques d’inondation. Sa gestion est donc un défi majeur auquel les Solutions fondées sur la nature (SFN) peuvent apporter des éléments de réponse. 


Toitures, chaussées, parkings et places minérales empêchent l’eau de pluie de s’infiltrer dans le sol. Celle-ci ruisselle, les écoulements se concentrent et rejoignent rapidement le réseau d’évacuation des eaux pluviales, puis la rivière. Ce phénomène empêche l’eau de pluie de rejoindre le sol, le sous-sol puis les nappes phréatiques, faisant de la ville une « rustine » dans le cycle de l’eau.

Agir pour une meilleure gestion de l’eau en ville nécessite de favoriser l’infiltration de l’eau de pluie là où elle tombe, et de ralentir les écoulements pour qu’ils rejoignent le réseau de cours d’eau le moins vite possible. Ce que permettent les Solutions fondées sur la nature.

Ces actions sont bénéfiques pour la ressource en eau, puisqu’elles favorisent la recharge des eaux souterraines, réduisent le risque d’inondation par ruissellement lors des fortes pluies, ainsi que l’intensité des débordements de cours d’eau en aval. Elles sont également efficaces sur la qualité de l’eau, en évitant à l’eau qui ruisselle de se charger en polluants, et d’être mélangée aux eaux usées dans les réseaux unitaires. Vectrices de co-bénéfices, les SFN embellissent la ville, la rafraichissent et peuvent être support de mobilité douce. Et surtout, elles offrent de nouveaux espaces de nature urbains, tant pour la végétation cultivée que pour la flore spontanée et la faune sauvage.

 

Écosystèmes naturels : en plein cœur de la ville

La majorité des villes s’est implantée sur des rivières ou des fleuves, l’urbanisation grignotant peu à peu leurs berges… Restaurer ces cours d’eau urbains est un levier incontournable pour réduire le risque d’inondation par débordement de cours d’eau, et permet de renforcer la trame verte et bleue. Et les bénéfices sont mesurables : de nombreux retours d’expérience ont mis en évidence le retour en quelques années d’une biodiversité qui avait quitté la ville¹ : poissons, libellules et autres macro-invertébrés, et parfois même la loutre d’Europe !

La préservation des zones humides existantes, notamment grâce à leur cartographie dans les documents d’urbanisme, est en outre indispensable pour ne pas dégrader davantage le cycle de l’eau en zone urbaine. Lorsqu’elles ont été détériorées par le passé et que leur restauration est possible, c’est un gain net pour le cycle de l’eau et pour la biodiversité locale. Parmi les initiatives, le label Ville des Zones Humides, au titre de la convention de Ramsar, récompense les collectivités les plus engagées dans cette démarche. Aujourd’hui, six villes françaises sont accréditées : Amiens, Courteranges, Pont-Audemer, Saint-Omer, Belval-en-Argonne et Seltz. 

À ce maillage naturel s’ajoutent les infrastructures de stockage temporaire ou permanent des eaux pluviales. Ces bassins collectent les eaux pluviales, pour les infiltrer dans la durée ou les restituer progressivement au réseau hydrographique. Malgré leur origine artificielle, ils peuvent offrir des habitats à la biodiversité des milieux humides, et permettre de densifier les trames écologiques.
 
Les jardins de pluie : le paysage comme support à la gestion de l'eau pluviale

Au lieu de laisser l'eau de pluie tombant sur les toitures s'écouler rapidement dans les réseaux, les jardins de pluie permettent de la recueillir, de la stocker et de la traiter naturellement. Ce faisant, le flux d’eau est ralenti et cela permet donc d’éviter les petites inondations et de réduire les plus importantes.

Ces jardins, techniquement conçus, captent l'eau de pluie et la dirigent à travers des substrats perméables, la filtrant ainsi naturellement et permettant son infiltration dans le sol.  Cette approche réduit non seulement le risque d'inondation en régulant le débit des eaux de ruissellement, mais elle contribue également à recharger les nappes phréatiques locales, préservant ainsi les ressources en eau douce. 

Cette solution peut être déployée à toutes les échelles, y compris dans le parc privé, permettant de déconnecter petit à petit d’importantes surfaces de toitures. Ces jardins de pluie contribuent à renaturer les quartiers urbains tout en favorisant la biodiversité locale, et sont un outil pertinent pour renforcer localement la résilience des jardins à la sécheresse.

Toits végétalisés : lutter contre les îlots de chaleur urbains

Les îlots de chaleur urbains sont une réalité dans de nombreuses villes, tant les espaces ont été artificialisés depuis la deuxième moitié du XXᵉ siècle. En réponse, la végétalisation des toits peut représenter un aménagement pertinent pour réduire la chaleur emmagasinée par les surfaces en hauteur. En plus de rafraîchir l'environnement, elle agit également comme un volume de stockage pour l'eau de pluie, aidant ainsi, une nouvelle fois, à réguler les débits d’écoulement des eaux de ruissellement et à prévenir les inondations. Les études réalisées en France² montrent que bien conçues, certaines toitures végétalisées peuvent stocker jusqu’à 200 litres d’eau par m², avec même un maximum connu à 532 litres par m².

Ces toits verts ne sont pas seulement fonctionnels, ils créent également des espaces de vie en plein air pour les citadins, favorisant la qualité de vie urbaine. Ils peuvent accueillir une biodiversité riche : 400 espèces de plantes et 611 espèces d’invertébrés ont ainsi été observées sur 36 toitures végétalisées d’Île-de-France, entre 2017 et 2019.

Noues végétalisées : ralentir l'écoulement

Les noues végétalisées, de plus en plus présentes dans les aménagements urbains, sont des éléments essentiels pour la gestion de l'eau en ville, pour peu qu’elles soient bien réalisées. 

Ces aménagements linéaires sont conçus pour d’une part ralentir l'écoulement de l'eau de pluie, permettant ainsi une infiltration efficace dans le sol, et d’autre part pour offrir un habitat naturel privilégié pour la flore et la faune urbaines, lorsqu’elles ont été plantées efficacement. 

Ces corridors verts participent également à la réduction de l’effet d’îlot de chaleur et améliorent esthétiquement les centres urbains généralement très minéralisés.

 

Plantations d'arbres : l'équilibre urbain par excellence

Les arbres en milieu urbain ne sont pas de simples éléments décoratifs. Ils jouent un rôle fondamental dans la gestion de l'eau en absorbant l'eau de pluie (plusieurs centaines de litres par jour et par individu pour certaines espèces) et s’intègrent comme un des dispositifs de la gestion intégrée des eaux pluviales. À titre d’exemple, l’expérimentation des arbres de pluie dans la métropole de Lyon³ a permis de mesurer que cinq arbres de pluie avaient permis d’infiltrer 24 millimètres tombés en deux heures sur une surface de 600 m² !

De plus, ils sont de véritables ombrières naturelles, aidant à atténuer les effets des îlots de chaleur en créant de véritables coulées vertes au sein des villes. En améliorant la qualité de l'air, ils ont un impact direct sur la santé des citoyens, tout en créant un habitat essentiel pour la faune urbaine. 

En conclusion, les Solutions fondées sur la nature pour l'eau en ville représentent une approche innovante et holistique pour résoudre les défis complexes de gestion de l'eau dans les milieux urbains en pleine expansion. En les adoptant, les villes du monde entier peuvent améliorer la résilience de leurs infrastructures, tout en améliorant la qualité de vie de leurs habitants et en préservant la biodiversité. Ces innovations ne sont pas seulement des réponses techniques, elles incarnent une vision prometteuse pour un avenir urbain plus durable, résilient et équilibré.

Un article signé Clément Daignan, responsable de formation à l’Office international de l’Eau – Thématique Eau et Urbanisme, et Maxime Fouillet, médiateur scientifique « eau et nature » à l’Office international de l’Eau. 


Article suivant : Renaturation urbaine : des concepts aux services écosystémiques établis


Revenir à la page d'accueil du dossier

 

Partager :