Le carbone en temps réel | Rencontre avec Florent FONTAINE, VIZCAB

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NOVA BUILD

L'écoconstruction est notre avenir

2101 Dernière modification le 01/03/2022 - 10:51
Le carbone en temps réel | Rencontre avec Florent FONTAINE, VIZCAB

Notre conviction, c'est qu'une partie des tâches réalisées par les bureaux d’études consiste à collecter de l’information, et nous leur proposons de réduire ce temps de collecte en leur fournissant des outils d’aide à la décision fiables, rapides et visuels.

Florent FONTAINE, VIZCAB

Bonjour Florent FONTAINE. Comment allez-vous dans cette période de crise sanitaire, doublée d’incertitudes économiques, sans oublier la crise climatique qui s’accentue ?

Je vais bien, merci beaucoup. J’ai l’impression qu’on a passé la phase critique du Covid, avec de nombreux enjeux en ce moment, comme celui de l’arrivée de la RE2020 qui est attendue depuis longtemps. Nous sommes enthousiastes devant le défi qui est posé à la filière. Cela va permettre de développer un écosystème bas carbone, et je crois que cela donne l'opportunité à la France d’être un des leaders en Europe sur la construction bas carbone.

Pouvez-vous vous présenter, vos 3 points forts personnels et professionnels ?

Je suis passionné et enthousiaste notamment sur les questions environnementales, avec une capacité à engager et embarquer avec moi des personnes.

J’ai aussi une bonne écoute et une certaine empathie. Je m’efforce de me mettre à la place de mon interlocuteur. Je crois que je le fais naturellement.

On peut retenir aussi ma capacité d’adaptation et d’apprentissage. Je suis un « surfeur », j'ai déjà vécu dans plusieurs univers professionnels différents. J’ai travaillé 4 ans en Allemagne, j’ai aussi vécu en Hollande et au Portugal. Arriver dans un nouveau contexte, pour moi, c’est quelque chose de fascinant.

Pouvez-vous nous raconter comment avez-vous intégré VIZCAB ?

Je suis de nationalité belge, fier et heureux nantais depuis 2 ans et demi. J'ai un bagage d’ingénieur en construction spécialisé en calcul des structures, avec un parcours académique en Belgique et Allemagne, puis des expériences professionnelles en bureau d’étude et dans des entreprises de construction, notamment de 2019 à 2021 au sein du groupe VINCI. Mes dernières expériences étaient dans un rôle plutôt commercial. 

J’ai eu l’opportunité au sein du groupe VINCI de lancer un projet d'intrapreneuriat porté par LEONARD, l’incubateur du groupe, en 2021. L’objectif de ce projet devait être la création d’une business-unit autour de la problématique de la récolte des données environnementales et du choix des matériaux de construction. Cela passait par l'élaboration d'une base de données de matériaux.

Ce projet m'a amené à rencontrer Guillaume LAFONT, cofondateur de VIZCAB et à rejoindre l’entreprise à la fin 2021.

Pouvez-vous présenter VIZCAB ?

Notre cœur de métier est de fournir des solutions digitales permettant de mesurer et piloter l’empreinte carbone des bâtiments, de la phase amont jusqu'à la fin du chantier.

VIZCAB a été co-créé en 2015 par Guillaume LAFONT et Thomas JUSSELME avec une volonté de créer une startup se positionnant sur l’enjeu de la décarbonation des bâtiments.  L'approche consiste à associer les sciences de la donnée et celles du digital en mettant à disposition des outils accessibles à tous.

L'équipe actuelle est composée de 25 personnes, majoritairement basées à Lyon, notre siège social.

Quel est votre rôle, votre contribution au sein de VIZCAB ?

J’ai plusieurs casquettes. Mon premier rôle est d’accompagner les clients grand compte dans le déploiement de nos solutions. Je développe aussi les relations avec les structures sectorielles, les associations du bâtiment durable, les écoles, ce qui sort du cadre de nos clients et qui joue un rôle dans l'écosystème bas carbone.

Et au sein de VIZCAB, mon rôle est de faire l’interface entre les clients et les équipes produits en transmettant des retours de terrain.

Quelle sont les cibles ou les marchés de VIZCAB ? Quelle est sa place sur son marché ?

Nous touchons différents types de cibles. Nous nous adressons en premier lieu aux concepteurs et constructeurs, aux Bureaux d'études techniques ou thermiques, mais aussi aux constructeurs et gestionnaires, à tous ceux qui doivent calculer l’ACV de leur bâtiment, de l’amont à l’aval. VIZCAB leur permet de vérifier l’atteinte des cibles carbone qu'ils se sont données.

La 2e cible sont les décideurs de l’ACV, les promoteurs, les bailleurs sociaux, les architectes qui détiennent une grande partie de l’impact par leurs choix ou prescription.

La 3e cible sont les fabricants qui génèrent de la donnés environnementale par les FDES (Fiche de Données Environnementales et Sanitaires). Nous ne nous substituons pas à l’ingénierie de produit qui est la leur, nous leur offrons une vision globale qui permet aux praticiens de se concentrer sur leur processus de décision.

Notre conviction, c'est qu'une partie des tâches réalisées par les bureaux d’études consiste à collecter de l’information, et nous leur proposons de réduire ce temps de collecte en leur fournissant des outils d’aide à la décision fiables, rapides et visuels.

Qu’est-ce qui vous différencie de vos concurrents ? Quel est le point fort de votre structure ?

Nous avons deux produits : VIZCAB Explo qui est un produit d’aide à la décision dans les phases amont et qui permet de comparer des variantes des projets, et VIZCAB Eval qui est un outil de calcul d’ACV qui permet de certifier les projets selon les différentes réglementations RE2020 et E+C- mais également les labels et certifications.

Nous sommes positionnés depuis 6 ans comme spécialiste de l’ACV. C’est un marché très concurrentiel qui a connu deux phases. Il y a eu la phase où l’ACV n’était pas réglementaire, avec un marché faiblement soutenu et constitué de Bureaux d'études environnementaux pour les projets certifiés ou labélisés. Depuis E+C- et la RE2020, on assiste à l'arrivée d’une série de nouveaux acteurs. L’écosystème est assez concurrentiel.

Le logiciel VIZCAB a l’intérêt d’évaluer précisément et à une phase très précoce du projet, le PRG, c'est à dire, le Potentiel de Réchauffement Global qui s’exprime en kg de CO2 émis pendant toutes les étapes de la vie du bâtiment. Cet atout permet ainsi de choisir en phase conception, les matériaux par rapport au besoin de performance. Plus l’estimation des émissions de Gaz à effets de Serre est précoce, plus l’opportunité d’adapter le projet pour les réduire est forte.

Les produits VIZCAB couvrent toute la chaîne de valeur, de l’amont à l’aval. Nous avons aussi un très haut niveau de service et grâce à nos partenaires, nous avons des moyens financiers à la hauteur de nos ambitions.

Quelles sont les 2-3 réalisations dont vous êtes le plus fier ces 5 dernières années ?

VIZCAB a accompagné pour le compte de Pichet LEGENDRE, la définition de la stratégie bas carbone pour l’Ecoquartier Fluvial de L’Île-Saint-Denis (dans le cadre de France 2024). C’est un projet opérationnel porté par les architectes Chartier Dalix, Petitdidier Prioux et EGA Erik Giudice. Ce type de projets nous permet de rester en compréhension des attentes des acteurs de terrain.

Et de façon plus globale, VIZCAB a réussi à modéliser près de 2 millions de mètres carrés qui ont été étudiés sur nos plateformes. Cela équivaut à 300 0000 tonnes de CO2 évitées.

Quelle place accordez-vous à l’innovation et à la R&D ?

Dans une Startup comme la nôtre, l’innovation est centrale. 30% de nos budgets sont alloués à l’innovation. Toute l’équipe fait de la R&D, même dans les départements commerciaux qui consacrent une partie de leur temps à observer ce qui se passe sur le terrain et à analyser les attentes.

Notre équipe R&D travaille en ce moment sur un indicateur de performance environnementale de macro-composants (éléments constructifs) à partir des données de la base INIES qui sortira en 2022. Cela permettra d’aller plus vite.

Votre structure intègre-t-elle une démarche d’atténuation, d’adaptation, de transformation, face aux dérèglements climatiques ?

Le carbone est notre cœur de métier.

VIZCAB est partie prenante de la réponse au défi du dérèglement climatique. Nous souhaitons aller plus loin que les aspects réglementaires, et accompagner nos clients qui veulent s'engager sur des projets ambitieux, c’est pour cela que l’on essaie de faire le plus d’interopérabilité possible avec les labels et les certifications.

Selon vous, comment cette question climatique peut-elle devenir une culture dans la construction ?

C'est le sens de l'histoire. La construction émet 39% des GES dont 2/3 pour les usages et 1/3 pour les matériaux. Avec la modification du mix-énergique, la proportion des matériaux va devenir plus importante, et donc, il nous faut anticiper cela, et s’y atteler dès maintenant si l'on souhaite atteindre les objectifs de la Stratégie Nationale Bas Carbone.

Le marché n’est pas encore complètement prêt. La RE2020 cadre cela, et à partir de 2025-2028 les changements d’habitudes seront inévitables.

Nous nous inscrivons dans ce processus en fournissant les produits qui permettent d'être les plus vertueux possibles.

Pourriez-vous nous faire part d’engagements que vous avez pris personnellement, ou en tant que dirigeant d’entreprise, en faveur des questions climatiques ?

Je constate avec plaisir que VIZCAB est une entreprise très libre sur le télétravail, et qui promeut les transports décarbonés, et les mobilités douces.

Je suis impliqué à titre personnel sur de nombreuses actions collectives sur la question climatique depuis 2018. J’ai commencé mon engagement dans Avenir Climatique. Cette association a pour objectif de former ses membres à sensibiliser le public. Puis j’ai participé à la création d’Émission Impossible, ONG belge qui vise à sensibiliser les citoyens et à leur donner les moyens de réduire leur impact carbone. J’ai donné de nombreuses conférences dans ce cadre sur la trajectoire bas carbone.

J’ai aussi été formé pour animer la Fresque du Climat.

Depuis 2021 je donne des cours sur l’empreinte carbone à l’ICAM de Nantes.

A titre personnel, j’ai renoncé à posséder une voiture car j’ai la chance de pouvoir m’en passer, je me déplace en train vers notre siège social à Lyon, et je prends rarement l’avion. Pour autant, je reste convaincu que ce sont les actions collectives qui ont le plus d’impact, c’est aussi une des raisons pour lesquelles j’ai poussé la porte de NOVABUILD. Et en plus, le collectif apporte de la joie et du bonheur à faire.

Quelle vision portez-vous sur l’avenir du bâtiment, de la ville, des aménagements ? Quelles tendances voyez-vous émerger ?

Dans les imaginaires qu’on nous propose, il y a un qui est très techno-centré, avec lequel on est assez à l’aise à VIZCAB, avec les caméras, les capteurs, l'efficacité des systèmes, la smart city, la maîtrise numérisée de nos ouvrages pour optimiser leur fonctionnement et leur l’impact carbone.

Et d’autre part, on sent émerger un imaginaire basé sur la sobriété, avec des déplacements les plus simples possibles, à pied ou à vélo, avec un axe sur la rénovation plutôt que la construction neuve, avec des centre villes sans voiture, un univers visant la sobriété et la simplicité.

Je ne sais pas lequel va s'imposer, probablement un peu des deux. Ce que je ressens, c’est qu’il y a du bon à prendre dans les deux univers, même si à titre personnel je suis plus à l'aise avec la sobriété et la convivialité qui va avec. Je crois à une ville qui permette aux groupes de la société de se parler et de se côtoyer, un peu comme on le vit à Nantes.

Une question justement sur votre territoire. Quel est votre port d’attache ? Est-ce que vous pouvez décrire votre relation à ce territoire ? Ce qu’il vous apporte ? Ce que vous lui apportez ?

Mon territoire est archipelisé. J’ai 3 territoires.

Mon port d’attache c’est Nantes, c’est là où je vis. Je l’adore. J’apprécie l’énergie de la ville avec ses initiatives culturelles. Nantes me donne cette énergie. J’ai besoin de voir les gens, j'ai du mal avec le distanciel. Pour moi, il faut faire des choses en local. Je donne des cours à l’ICAM à titre quasi bénévole, j’ai rejoint le groupe nantais dès Shifteurs, j'ai lié les contacts locaux.

J’ai aussi un territoire professionnel à Lyon avec mes collègues.

Et enfin, j’ai un territoire d’origine, les Ardennes belges qui m’aident à me ressourcer auprès de mes proches et amis, quelques fois par an.

Auprès de qui ou de quoi allez-vous puisez votre énergie quand vous en avez besoin ?

Je suis un fan de concerts et de musique. Je vais régulièrement au Stéréolux ou à Pannonica qui vient de réouvrir.

Le sport est pour moi aussi une source d’énergie infinie. Je fais du vélo, du jogging et de l'escalade. A Nantes, on retrouve la nature en pleine ville et ces sports sont facilement accessibles, notamment dans les vallées de l’Erdre et du Cens.

Pouvez-vous évoquer pour nous votre plus bel accomplissement professionnel ?

Étant donné que j’essaie d’être en mouvement en permanence, il n’y a pas un moment qui ressort fortement. Mais pour quand même répondre à votre question, je dirais que c'est d’avoir su continuer à évoluer dans mes différents postes en approfondissant mes connaissances et ma sensibilité aux enjeux de l’environnement.

Et le pas-de-côté que vous n’avez pas encore fait, et que vous aimeriez faire ?

Je me pose régulièrement cette question. Celui que je pourrais faire serait de me lancer dans une activité créative, liée à la musique ou au chant par exemple, ce qui constituerait une vraie prise de risque. L’autre piste serait de revenir à mes premières amours, à la science, de faire une thèse sur une thématique liée à l’environnement, en y englobant les enjeux liés à l’anthropocène.

Vous êtes membre de Novabuild, quels bénéfices en retirez-vous, en attendez-vous ?

Personnellement je souhaite continuer à apprendre du secteur de la construction durable et du bâtiment bas carbone, c'est ce que vous allez m'apporter. Je viendrai à la fresque de la construction que vous organisez.

Je souhaite aussi faire connaître nos solutions et les rendre visibles en participant à des ateliers. Je peux donner à NOVABUILD autant que j'attends recevoir de vous et des autres adhérents.

Dans ce sens, j'interviens dans le webinaire du 4 mars prochain sur les outils pour faciliter la mise en œuvre de la RE2020. C’est l’occasion de lier l’utile à l’agréable.

Pouvez-vous raconter une belle rencontre que vous avez faite avec Novabuild ?

Je pense à la rencontre avec Romain MARTEN, chef de projets bas carbone et résilience de NOVABUILD.  Nous avons échangé sur les enjeux bas carbone, sur nos visions respectives, et il m’a convaincu de vous rejoindre. J’ai compris que vous n’étiez pas dans une démarche marketing, ce qui me va bien.

Je vous remercie d’avoir bien voulu répondre à nos questions.

 

Propos recueillis par Pierre-Yves Legrand, directeur de Novabuild, le 23 février 2022

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