Le bâtiment et la ville font leur révolution numérique

Rédigé par

Emmanuel FRANCOIS

3472 Dernière modification le 23/10/2018 - 09:00
Le bâtiment et la ville font leur révolution numérique

Notre monde change. Il change beaucoup et vite. Le numérique bouscule nos repères et impacte notre société à tous les niveaux, redessinant progressivement de nouveaux modèles. Cela touche notamment les fonctions et services qui structurent notre société, à commencer par le travail mais également la santé, l’enseignement, la formation, le commerce, la mobilité, la sécurité, le logement, la culture, les loisirs, la gestion de l’énergie, de l’eau, des déchets, la production industrielle, la production agricole, le transport…Tous les secteurs sont concernés. Face à cette mutation, nous nous interrogeons sur notre devenir et comment sera fait demain.  

Mutations majeures liées à internet

Cette révolution que nous vivons est avant tout la résultante de 2 mutations majeures liées à internet.

  • Le passage d’un mode centralisé à un mode décentralisé (inhérent à internet) voir distribué (type neuronal à l’instar de la blockchain). A la clé, la remise en cause des modèles d’organisations pyramidales ou verticales au profit de modèles transversaux. Facebook avec ses 2 Mds d’abonnés en est sans doute la meilleure illustration.
  • Le passage de modèles organisés autour de la propriété, à des modèles tournés vers l’usage (économie fonctionnelle). A la clé l’émergence d’une économie de services. Les modèles type Airbnb ou WeWork en sont de bons exemples. C’est ce que nous appelons la plateformisation de l’économie.
  • Ecosystème vertueux qui se met en place autour du bâtiment et de la ville. Photo : SBA

Les conséquences de ces mutations sont multiples.

La transversalité induit la remise en cause des approches en silos avec un floutage progressif des frontières entre les différents métiers. On constate une évolution en faveur d’une approche globale, facilitée par l’essor combiné du Big Data avec l’Intelligence Artificielle.  

La plateformisation de l’économie quant à elle, conduit à un déplacement de la valeur de l’objet vers l’usage que l’on en fait. L’objet devient avant tout un support qui accueille des services, alimentés par les données que ces services fabriquent en continu. Cette évolution est majeure : elle amène nécessairement tous les acteurs à se repositionner sur la chaîne de valeur. Une partie de la valeur qu’ils tiraient de l’objet s’est déplacée vers le service, qui n’est plus forcément liée à ce seul objet mais plus souvent à plusieurs.

A titre d’exemple, le promoteur immobilier pourra remonter dans la chaîne de valeur et proposer des services au-delà de la fourniture simple d’un bâtiment. Avec une approche plus globale qui fait du bâtiment un objet « support de services », il peut investir la sphère de la mobilité, des services à la personne, du pilotage énergétique, du confort, du partage d’espace, etc….

De même, le constructeur automobile va être tenté de proposer des services autour de la mobilité et d’étendre ses compétences autour par exemple, de la gestion de l’énergie grâce aux Smart Grid et au développement des véhicules électriques.

Nous entrons dans une nouvelle ère économique régie par le service. Le modèle économique de la téléphonie mobile est en train, de fait, de s’étendre à l’ensemble de notre économie. C’est une mutation majeure que nous devons tous considérer et qui s’accélère. Par ailleurs, du fait de la transversalité, nul n’est épargné et la solution ne peut qu’être globale avec une prise en compte de tous les acteurs concernés.

Quel impact sur le bâtiment et la ville ?

Tout d’abord, avec les changements d’usages inspirés par la génération Millénial combinés aux défis économiques, l’accès à la propriété recule au profit de l’usage. Plutôt bénéficier d’un service de mobilité partout et à toute heure que s’encombrer d’un véhicule. Plutôt bénéficier d’un service autour d’espaces plutôt que s’engager et ou s’endetter pour des m2 fixes et non évolutifs…

Des projets émergent qui vont progressivement offrir à l’usager des services à la carte. Différents espaces, qu’il s’agisse de logement, de travail, de divertissement, de restauration, de formation, de culture, de santé… seront associés à des services complémentaires, tels que la mobilité, l’énergie, le traitement des déchets, l’eau, etc. Par ailleurs, du fait de la mutation des services et activités sous l’impact du numérique, les espaces jusqu’alors dédiés le plus souvent à un service ou une activité, vont devoir évoluer pour être multi-usages. C’est une évolution majeure qui va impacter tout l’univers de l’immobilier. L’objectif final : une meilleure utilisation des m2 et la possibilité de rapprocher tous ces services et activités de l’usager. 

Avec le numérique, le Bâtiment et la Ville deviennent une plateforme de services. Leur attractivité et donc leur valorisation, dépendront de plus en plus de leur taux de services et du rendement de ceux-ci par rapport à l’investissement initial dit Smart.

Cette évolution entraîne l’émergence d’un nouveau métier porteur de ces services : l’opérateur de services. Cet acteur fédère à l’échelle d’un bâtiment, d’un quartier ou d’un territoire, un grand nombre de services autour du bâtiment et de la ville, en s’appuyant sur une plateforme de services, elle-même fédératrice de différentes offres de services spécialisées.  Cet acteur qui peut être public, privé ou le résultat d’une combinaison public, privé et usager, va jouer un rôle clé. Il porte le projet dans sa globalité et par-là permet d’opérer la transversalité, génératrice entre autres d’économies conséquentes justifiant son rôle. Il est par ailleurs, le tiers de confiance et garant de la sécurité et de la confidentialité des données traitées. Là également, l’enjeu est de taille : il en va de notre avenir, de notre liberté individuelle, de notre gouvernance. Plus le champ d’action sera étendu, plus l’enjeu sera fort. Les acteurs de la Tech (GAFA, BATX, etc.) ont bien identifié cette opportunité et ils se rodent actuellement sur des projets pilotes, tels que celui de Quayside à Toronto, pour établir des modèles pouvant être étendus par la suite à grande échelle.

Il est important de bien prendre la dimension de ces enjeux. Cela nous concerne tous. Le numérique est une réelle opportunité pour répondre aux enjeux de société actuels pourvu qu’il soit utilisé à bon escient en plaçant l’usager au centre du processus de décision, à la fois consommateur et acteur, responsable et souverain de ses données individuelles. . C’est à ces enjeux que s’attèle la SBA en regroupant tous les acteurs de la chaîne de valeur avec la volonté d’initier des écosystèmes vertueux autour de référentiels, tels que Ready2Services ou Ready2Grids, véritables gages de confiance.

Article signé Emmanuel François, président de Smart Buildings Alliance for Smart Cities

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