Innover pour des cartes de bruit plus réalistes

1089 Dernière modification le 25/08/2023 - 00:00


Capteurs acoustiques intelligents, modèles numériques de prévision du bruit, méthodes statistiques, systèmes d’information géographique, questionnaires d’enquête… L’évaluation des environnements sonores en milieu urbain n’est pas qu’une affaire d’acousticien.

Cet article du Cerema paru dans TechniCités fait le point sur les innovations pour faciliter la réalisation des cartes de bruit.

Le bruit constitue une pollution majeure, notamment en milieu urbain, avec un impact important sur la santé et sur le plan économique. Une récente étude publiée par Bruitparif montre par exemple que le bruit serait responsable d’une perte de près d’une "année de vie en bonne santé" pour les habitants de l’Île-de-France. Sur ce même territoire, le coût de la lutte contre le bruit représenterait près de 42 milliards d’euros, chaque année, pour moitié en raison du bruit des transports.

Des cartes pour évaluer le bruit dans l'environnement et envisager les actions à mener 

Lutter contre le bruit est donc un enjeu fondamental, auquel les pouvoirs publics s’efforcent de répondre depuis de nombreuses années. En Europe, la directive 2002/49/CE relative à l’évaluation et à la gestion du bruit dans l’environnement définit aujourd’hui un des principaux cadres réglementaires en imposant aux États membres la réalisation de cartes associées au bruit aux abords des grandes infrastructures de transport et industrielles, ainsi qu’au sein des grandes agglomérations.

Plus globalement, la production de telles cartes, quel que soit le contexte, constitue le principal outil pour l’évaluation du bruit dans l’environnement et l’élaboration de plans d’action pour la réduction du bruit ou la définition de zones calmes. Les connaissances scientifiques les plus récentes montrent toutefois que ces cartes, produites avec des logiciels spécifiques, manquent de réalisme. Il leur est reproché notamment d’être restreintes à un nombre limité de sources sonores et de ne pas représenter la dynamique temporelle du bruit, en décalage avec le mode de perception des environnements sonores par les habitants : la présence de voix humaines et de chants d’oiseaux ou le passage rapide d’un véhicule bruyant sont par exemple des cas qui ne sont pas observables sur ces cartes, alors qu’ils contribuent à des perceptions spécifiques.

À l’inverse, la réalisation de mesures acoustiques dans le cadre d’observatoires du bruit, tels que ceux proposés par exemple par Bruitparif en Île-de-France ou par Acoucité pour la métropole de Lyon, sont plus réalistes : "l’image" des environnements sonores est plus fidèle à la réalité, mais la construction d’une carte à l’échelle d’une ville est limitée par le nombre de capteurs considérés, principalement en raison du coût élevé de chaque point de mesure.

Ce constat a motivé le besoin de proposer de nouveaux outils pour l’évaluation de la qualité des environnements sonores et a donné naissance au projet de recherche CENSE, qui s’est déroulé de 2017 à 2021, financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR), piloté par l’université Gustave-Eiffel en collaboration avec plusieurs partenaires académiques et du monde socio-économique, et soutenu par la ville de Lorient (Morbihan). Le projet CENSE s’est clairement positionné sur un axe innovant, visant à produire des cartes des environnements sonores, alliant de nouvelles techniques de modélisation, de mesures et de représentations cartographiques.

L’essentiel
Les cartes de bruit actuelles manquent de réalisme.
Le projet CENSE vise la production de cartes des environnements sonores, alliant de nouvelles techniques de modélisation, de mesures et de représentations cartographiques.
La méthodologie permet de produire une carte du bruit routier dans n’importe quelle ville française à partir de données libres d’accès.

Modélisation, codes open source et données ouvertes 

La production de cartes de bruit consiste traditionnellement à coupler des modèles de sources de bruit à un modèle de propagation acoustique, afin d’évaluer, pour une position donnée du territoire, le niveau sonore moyen pour un scénario particulier (trafic routier moyen annuel par exemple). Dans le cadre du projet CENSE, la première originalité a été d’intégrer directement la méthode de calcul spécifiée par la directive européenne (méthode CNOSSOS-EU) au sein d’un système d’information géographique (SIG) Open Source.

L’utilisation de cet outil, appelé Noise-Modelling, facilite le couplage entre les données d’entrée géolocalisées et la production de cartes d’environnements sonores. La "donnée d’entrée" (topographie, bâtiment, flux de trafic, occupation des sols, nature des revêtements…) est clairement l’enjeu de la méthodologie, puisque de sa qualité dépend celle des cartes de bruit produites. Le projet s’est donc efforcé d’évaluer la sensibilité des paramètres de sortie du modèle aux paramètres d’entrée.

Il a ainsi été montré que les débits moyens des flux de trafic routier à proximité des points de calcul, la distribution de ces points sur le territoire, ou encore les "effets de bord" des bâtiments, sont parmi les paramètres les plus importants pour la qualité des résultats. Ils nécessitent donc d’être considérés avec la plus grande attention. Plus globalement, la disponibilité même de la donnée est un enjeu majeur. Les spécialistes considèrent d’ailleurs que la recherche de la donnée d’entrée et sa fiabilisation représentent près de 80 % du temps de production des cartes de bruit. Pour répondre à cette problématique, le projet s’est focalisé sur le développement d’une chaîne complète de modélisation, permettant d’alimenter le modèle de cartographie du bruit, avec des données libres issues notamment des bases de données OpenStreetMap et Geoclimate.

La méthodologie permet ainsi de produire des cartes de bruit de manière automatisée, en s’adaptant à la nature et à la qualité des données disponibles sur le territoire, y compris les plus incomplètes. Sur cette base méthodologique, il est ainsi possible de produire une carte du bruit routier dans n’importe quelle ville française à partir de données libres d’accès.

Une réglementation pour prévenir et réduire le bruit environnemental
La loi Bruit de 1992 et ses textes d’application définissent le cadre principal réglementant le bruit environnemental en France. Ses principales dispositions visent à instaurer des mesures préventives (études d’impact d’infrastructures nouvelles ou modifiées, classement sonore de voies de transports terrestres contraignant l’isolation acoustique de logements neufs…), réglementer des activités bruyantes, imposer des normes applicables aux transports terrestres, instaurer des aides financières pour la protection de riverains de transports aériens, simplifier les constats d’infractions ou renforcer certaines mesures judiciaires et administratives (zones à isolation renforcée…).

La réglementation prévoit également l’identification et la résorption des bâtiments très exposés au bruit de transport terrestre ("points noirs" bruit). Du côté européen, depuis 2002, la directive européenne 2002/49/CE impose aux États membres de réaliser tous les cinq ans les cartes de bruit des principales infrastructures de transports et industries, d’informer les populations sur leur exposition au bruit, et de mettre en place des plans de réduction du bruit et de préservation de zones calmes (...)

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