Grand Paris Express, vers le grand match de la ligne 15

Rédigé par

Nicolas Legrand

4743 Dernière modification le 16/11/2022 - 10:00
Grand Paris Express, vers le grand match de la ligne 15

 

Les prochains marchés attribués par la Société du Grand Paris pour la construction de la ligne 15 du futur métro le seront en conception-réalisation : les études et les travaux seront confiées à une même entreprise. Une nouvelle règle du jeu très exigeante pour les acteurs du BTP. 

200 kilomètres de tunnels, 68 gares, 4 nouvelles lignes de métro… « Le Grand Paris Express est le plus grand projet dinfrastructure en Europe et nous sommes à mi-chemin de sa construction », explique Jean-François Monteils, président du directoire de la Société du Grand Paris (SGP). « Les chantiers tournent à plein régime. Les deux tiers du projet sont aujourdhui en travaux. Et entre 2024 et 2030, le nouveau métro du Grand Paris sera mis en service progressivement ».

Ce projet pharaonique dune extrême complexité constitue un véritable laboratoire pour les entreprises de BTP, appelées à relever les défis posés par la SGP, établissement public aux exigences particulièrement élevées, notamment en matière sociétale et environnementale, mais aussi sur les prix et les délais. Conception numérique, sécurité, insertion professionnelle, atténuation des nuisances (bruit, poussières, etc.), revalorisation des millions de tonnes de déblais excavés par les tunneliers, réduction des émissions de CO2… La SGP se veut exemplaire sur tous ces plans et intègre ces attentes dans ses appels doffre. Les entreprises du BTP sont donc amenées à innover tous azimuts.

Des exigences sociétales et environnementales élevées

La SGP a même revu à la hausse ses ambitions environnementales et annoncé son intention de réduire de 25 % les émissions de gaz à effet de serre liées à la construction du GPE. Pour cela, « nous agissons sur plusieurs facteurs et poussons linnovation et lexpérimentation sur nos chantiers », explique Bernard Cathelain, membre du directoire de la SGP. Parmi les leviers : travailler sur les bétons, « qui représentent un tiers des émissions » et les aciers « dont les émissions sont plus importantes encore (39 %) ».

Ainsi, les premiers rails posés sur les lignes 16 et 17 du GPE sont 100 % bas carbone, conçus à partir de ferrailles recyclées. Une première, signée par le groupement mené par Eiffage, qui sera étendu aux autres tronçons. La SGP fait aussi le pari du béton bas carbone, 40 % moins émissif que le béton traditionnel. Son utilisation est désormais imposée dans les marchés de conception-réalisation de la ligne 15, attribués en 2023.

Innovation aussi en matière d’économie circulaire, puisque la SGP veut revaloriser 70 % des 45 millions de tonnes de déblais générés par ce chantier titanesque. L’objectif est même fixé entre 75 % et 85 % de revalorisation sur les marchés de la ligne 15.

Innovation encore en matière de transition énergétique, avec l’utilisation de camions électriques ou roulant au gaz, ou le transport par voie fluviale ou ferroviaire de 15 % des terres excavées… La sobriété énergétique devra aussi être au rendez-vous. Le GPE s’appuiera sur « les technologies les plus avancées » pour limiter les consommations d’énergie dans le métro, les gares et les écoquartiers qui fleuriront autour.

La révolution de la conception-réalisation

Innovation également en matière dingénierie contractuelle, puisque les marchés qui seront attribués en 2023 seront réalisés en conception-réalisation. Il sagit de quatre méga-lots, de plus dun milliard deuros chacun, concernant la ligne 15 Ouest, entre Pont de Sèvres et Saint-Denis, et la ligne 15 Est, entre Champigny-sur-Marne et le Stade de France. Pour cette nouvelle salve dappels doffres, la SGP va donc confier la conception des travaux à ceux qui les réaliseront.

Ce changement des règles du jeu marque un véritable tournant en matière de commande publique. En choisissant de donner la conception aux constructeurs, la SGP élargit leur champ daction, avec le transfert des risques afférents. Lobjectif n°1 est de « mieux maîtriser les risques, les coûts et les délais », comme lexplique Bernard Cathelain. « Nous attendrons des entreprises quelles proposent des solutions innovantes ». Ce type de marchés « globaux » permet de réduire le nombre dinterlocuteurs et dinterfaces entre les acteurs, et donc de raccourcir les cycles décisionnels. Elle permet également doptimiser les plannings par une implication plus en amont des constructeurs, mais aussi doptimiser les coûts grâce à une évaluation précoce et plus précise des risques.

Les entreprises du BTP attributaires seront donc responsables de l’ingénierie, de l’innovation sur les chantiers, de la gestion du budget et du planning des travaux. De son côté, la SGP pourra se recentrer sur sa mission première de maître d’ouvrage : le pilotage global des projets et le dialogue avec les parties prenantes (transporteur, usagers, élus, riverains), ce dialogue permanent étant essentiel à la réussite des chantiers. Une nouvelle répartition des rôles qui doit permettre d’optimiser la relation des entreprises avec leur client, même si ces nouveaux outils cherchent encore leur point d’équilibre dans la répartition des risques et des responsabilités, notamment face aux aléas, inévitablement nombreux sur un projet aussi complexe.

Ce modèle « permet au client de se reposer sur l’entreprise pour l’optimisation du projet », analyse Guillaume Sauvé, président d’Eiffage Génie Civil. « En matière de coût, l’entreprise est libre de ses solutions techniques. En matière de gestion de projet, c’est à l’entreprise « menante » du groupement qu’incombe la coordination et l’interface technique entre tous les lots, avec tous les contributeurs ».

Interdisciplinarité, intégration et co-activité

Ces contrats sadressent donc à des entreprises aux compétences interdisciplinaires, ayant de préférence une expérience préalable en la matière. Cest le cas des majors françaises (Bouygues, Eiffage, Vinci), mais aussi de certains groupements européens de PME, comme celui composé des sociétés Demathieu Bard, NGE, Impresa Pizzarotti et Implenia, qui a remporté le lot 17-1 de la ligne 17. Vinci Construction, de son côté, a ainsi mobilisé ses filiales au sein dun groupement (Vinci Construction Grands Projets, Dodin Campenon Bernard, Vinci Construction France, Botte Fondations), ainsi que ses partenaires Razel-Bec, et SEFI pour les fondations.

De son côté, Eiffage, qui regroupe les métiers du génie civil, du métal, de la route et du rail, a remporté le méga-lot de la ligne 16, qui incluait pour la première fois génie civil, ferroviaire et énergie. Lentreprise met laccent sur cette interdisciplinarité, qui permet de développer une approche de « co-activité maîtrisée », consistant à optimiser lintervention des différents corps de métier dès la phase de planification, en ladaptant ensuite de manière pragmatique. « Le seul moyen de compresser le temps est de travailler par fenêtre : il ne faut pas attendre de finir tout le génie civil avant de passer à la phase ultérieure, il faut travailler par tronçons intelligents », explique ainsi Imed Ben Fredj, qui dirige les supports opérationnels chez Eiffage Génie Civil.

Lentreprise Demathieu Bard a aussi une expérience de la « co-réa ». Elle a déjà bâti, dans le cadre de cette nouvelle procédure contractuelle, le collège Marie Curie de Fontoy en Moselle et la nouvelle gare SNCF de Nantes. « Notre forte contribution au chantier du GPE, nous permet de démontrer notre capacité à nouer des partenariats avec des sociétés européennes denvergure pour répondre à des projets de grande échelle », expliquent également les dirigeants de Demathieu Bard, René Simon et Franck Becherel.

Autre atout sur ce type de marché, en pilotant à la fois la conception et la réalisation, Eiffage semploie également à « proposer des variantes » aux projets envisagés initialement, des méthodes innovantes visant notamment à diminuer les coûts, raccourcir les délais ou réduire les émissions de CO2. Et en misant sur un équilibre entre conception centralisée et exécution décentralisée, lentreprise sassure également de rester dans le cadre (délais et budget), tout en permettant au « terrain » de prendre toutes les initiatives utiles pour faire face aux aléas.

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