[Entretien] Former des jeunes artisans au bâtiment durable via l’apprentissage – retour d’expérience

1606 Dernière modification le 15/12/2021 - 09:00
[Entretien] Former des jeunes artisans au bâtiment durable via l’apprentissage – retour d’expérience

Les jeunes générations affirment de plus en plus vouloir se tourner vers des métiers qui ont du sens et s’inscrivent dans les enjeux environnementaux et climatiques actuels. Pour Alex Blaszczyk, Chargé de mission Energie Environnement chez Les Compagnons du Devoir et du Tour de France, les métiers du bâtiment répondent complètement à ces exigences et permettent un épanouissement professionnel, notamment grâce à l’apprentissage.

 

Quels sont les enjeux autour de la formation en apprentissage aujourd’hui ?

Alex Blaszczyk : Je vois quatre enjeux clefs que doit relever la formation en apprentissage aujourd’hui :

  • Préparer à l’avenir et aux mutations sur les méthodes et systèmes constructifs. En effet, les différentes réglementations à venir vont induire de nombreuses mutations dans le secteur. La formation doit permettre de préparer dès aujourd’hui les apprentis à ces évolutions.
  • Sensibiliser au manque de ressource et à l’augmentation du coût de l’énergie. Ce sont deux éléments que les jeunes en formation doivent avoir bien en tête dans l’exercice de leur métier, ce sont des questions qu’ils rencontreront au quotidien.
  • Apporter le bon geste professionnel. Dans le bâtiment, les gestes effectués auront un impact sur plusieurs années. Il faut donc bien donner un sens à ces gestes et que les apprentis comprennent tout ce qu’ils impliquent.
  • Permettre aux apprentis d’être épanouis dans leur métier. Les formations doivent assurer un bon accompagnement des jeunes et proposer des métiers qui sont du sens.

Prendre en compte ces enjeux devrait permettre aux formations du BTP d’attirer plus de jeunes et de répondre aux impératifs de la transition dans le bâtiment.

 

Quels freins et leviers identifiez-vous pour faire évoluer les formations dans le bâtiment ?

Alex Blaszczyk : Le bâtiment propose des parcours de formation longs et évolutifs. C’est un véritable levier pour traiter et former à toutes les possibilités qu’offrent le bâtiment aujourd’hui, tout en attirant plus de jeunes.

En revanche, la durée de la formation initiale (deux ans) permet difficilement d’intégrer toutes les connaissances nécessaires à l’exercice du métier. Les apprentis ont besoin de savoirs précis sur le passé, mais aussi l’avenir. Il existe plusieurs solutions pour y remédier : remettre à jour le contenu des parcours, rénover les parcours de formation existants, mais aussi proposer à chaque salarié la possibilité de perfectionner leurs techniques de travail tout au long de leur métier.


Quelles sont les attentes des apprentis et des entreprises sur les formations tournées vers le développement durable ?

Alex Blaszczyk : Il y a un fort intérêt de la part des apprentis sur ce sujet, c’est certain. Ils sont conscients des enjeux environnementaux et climatiques actuels et manifestent leur envie d’avoir des métiers qui y répondent. Je suis d’ailleurs souvent impressionné par les connaissances des jeunes sur ces enjeux avant même qu’ils entrent en formation. 

Les entreprises sont également en demande d’apprentis formés sur le sujet. La conjoncture actuelle, à savoir une relance très importante couplée à un manque de main d’œuvre, limite le temps pour se former sur le sujet du bâtiment durable, même si l’envie est bien présente. Cependant, de plus en plus de marchés de construction intègrent des clauses de développement durable, ce qui pousse les entreprises à s’informer et se former sur le sujet.

Au-delà des apprentis et des entreprises, il est également important de prendre en compte les maitres d’ouvrages, qui commandent les chantiers. Ces derniers vont plutôt suivre l’argument économique plutôt qu’environnemental pour leurs travaux, ils vont se tourner vers des solutions à bas coûts plutôt que d’avoir des produits plus durables mais plus cher. Il faut réussir à toucher ces personnes.


Le CCCA-BTP lance les Trophées de l’Innovation de l’apprentissage BTP. Que pensez-vous du concours ?

Alex Blaszczyk : L’innovation doit être au cœur de la formation professionnelle. Ce concours va permettre de collecter les bonnes pratiques pour aller vers une mutualisation des connaissances, poussant ainsi l’innovation vers l’avant. De plus, un des critères centraux des trophées est la réplicabilité des projets candidats : c’est exactement ce dont nous avons besoin pour voir plus loin. Travailler dans une démarche collaborative est absolument essentiel. Enfin, le côté concours apporte un aspect motivant et ludique pour tous les candidats. 


Dans le cadre du Campus des métiers Ecoconstruction et Efficacité Energétique, le pôle Fibres Energivie a lancé un Tiers-lieu du bâtiment durable. En tant qu’apprenti, qu’auriez-vous attendu de ce lieu ? 

Alex Blaszczyk : J’ai été intéressé par les sujets durables (éco-matériaux, rénovation des bâtiments, performance énergétique, etc.) très tôt dans mon parcours. Si j’avais pu avoir accès à un lieu comme celui-ci durant ma formation, j’aurais pu aller plus vite et plus loin dans mes connaissances. De plus, ce lieu m’aurait permis de comprendre et mesurer l’importance de la coopération entre les différents métiers pour atteindre de bonnes performances. Par exemple, les fenêtres sont un point central pour les ponts thermiques. Or, leur pose et leur entretien concernent quatre à cinq corps d’état aujourd’hui ! Les professions doivent dialoguer entre elles afin de limiter le manque de coordination. De tels lieux le permettent.

Le Tiers Lieu est un espace de co-conception créative au service de la neutralité carbone, dont la mission est de faire émerger de nouvelles manières de faire, de nouvelles méthodes et de nouveaux outils, le tout dans une optique de bascule vers la numérisation de la filière. C’est un lieu privilégié pour des Workshop, des formations, pour échanger et transmettre des savoir-faire, pour étudier l’usager, pour créer des partenariats hybrides dans la construction responsable et durable, etc.

 

Un mot pour les apprentis ?

Alex Blaszczyk : Le bâtiment est un secteur qui va beaucoup évoluer dans les années à venir. Il propose des métiers où il est possible de faire beaucoup pour l’environnement et le climat. C’est un secteur propice à l’épanouissement professionnel, qui permet de donner du sens à son métier. Soyez fiers d’en faire partie !


 

Propos recueillis par Construction21, la rédaction.

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