Comment agir face au RGA sous l’effet du changement climatique ?

Rédigé par

Lamine IGHIL AMEUR

Chercheur en mécanique des sols

362 Dernière modification le 13/03/2024 - 11:34
Comment agir face au RGA sous l’effet du changement climatique ?

DOSSIER C21 - En 2022, la France a connu pour la sixième fois en dix ans une importante sécheresse. Avec un coût estimé à plus de 3,5 milliards d’euros, le phénomène a battu tous les records depuis 1989. Le Cerema se mobilise pour sensibiliser les acteurs concernés, diagnostiquer localement l’exposition au phénomène de RGA et développer des solutions pour prévenir le risque, l’apparition ou l’aggravation des dommages consécutifs.

Le changement climatique bouleverse les cycles météorologiques de sécheresses et de précipitations auxquels les sols non saturés sont habitués. La récurrence et l’intensité de ces sollicitations hydriques, marquée en particulier post-2015, affectent les propriétés hydromécaniques de ces sols et induisent une dessiccation plus complexe. Cette dernière est influencée par divers facteurs, synthétisés en quatre familles par Tang et al. (2021)¹ : les propriétés intrinsèques, les contraintes limites, les facteurs environnementaux et les traitements du sol. La figure 1 illustre les interactions entre ces divers facteurs d’influence et les sols.

La dessiccation et la fissuration des sols argileux dépendent fortement des conditions de l’environnement proche, telles que la température et l’humidité de l’air ainsi que les cycles de séchage-humidification. Dans les conditions de terrain, le sol est soumis à des conditions saisonnières pluvieuses et ensoleillées, et subit des cycles de séchage-humidification périodiques. Les effets du retrait et du gonflement au cours de ces cycles sur les propriétés hydromécaniques du sol sont importants à caractériser en particulier dans le contexte du changement climatique. La relation entre cycles de séchage-humidification et comportement des sols à la fissuration par dessiccation dans ces conditions requière davantage de recherche expérimentale pour lever un certain nombre de verrous scientifiques. 

Qu’est-ce que le RGA ?
Le retrait-gonflement des sols argileux (RGA) est un phénomène naturel qui se produit dans les sols contenant des fractions argileuses sensibles aux variations de leur teneur en eau en fonction des conditions météorologiques de sécheresse ou de précipitations (Ighil Ameur, 2022)². Cela concerne plus de 52 % des sols métropolitains en exposition moyenne ou forte au RGA (Géorisques, 2024)³. Ce phénomène irréversible dépend de la nature minéralogique du sol argileux (typologie des argiles) et de l’environnement proche dans lequel il se produit. Pour comprendre comment se traduisent les processus de retrait et de gonflement d’un sol argileux, la figure 2 montre l’évolution de l’état d’un élément de sol idéalisé soumis à un cycle complet de sécheresse-précipitations. 

Un élément de sol saturé idéalisé soumis à un chemin de séchage enregistre à la fois une déformation volumique dans le sens du retrait et une perte de masse lié l’évaporation de l’eau présente dans le sol. Cette première phase dite de « retrait » est caractérisée par le rapprochement des grains solides (feuillets qui composent l’argile) et se poursuit jusqu’à la limite de retrait notée wSL, à partir de laquelle le séchage se poursuit via l’évaporation. Ensuite, sur un chemin d’humidification par infiltration d’eau, le sol subit le phénomène de gonflement en deux phases⁴. 


Évolution du phénomène sous changement climatique
Le phénomène de RGA prend incontestablement une nouvelle dimension, en France mais aussi ailleurs dans le monde, par : 

  • Son évolution dans un contexte de changement climatique favorisant l’expansion géographique des zones exposées, y compris celles épargnées jusque-là ;
  • L’aggravation de ses conséquences sur le bâti avec un coût de la sinistralité croissant et une cinétique accélérée ; 
  • Un impact sociologique et psychologique fort sur les personnes qui vivent la sinistralité sécheresse au quotidien. 

L’évolution du phénomène de RGA peut se manifester à travers une dessiccation des sols argileux de plus en plus profonde (Ighil Ameur, 2023)⁵, pouvant atteindre trois mètres de profondeur et des propriétés hydromécaniques des sols argileux altérées en raison de sollicitations hydriques déréglées entre des sécheresses de plus en plus fréquentes, intenses et longues et des périodes de précipitations aléatoires, ponctuelles et parfois intenses. L’impact du changement climatique pourrait également s’illustrer par une sensibilité au RGA étendue aux sols argileux plastiques voire peu plastiques.

Conséquences du phénomène sur le bâti
L’analyse des effets du phénomène de RGA sur les maisons doit prendre en compte l’ensemble des éléments impliqués : la structure de l’ouvrage, le sol de fondation, la météorologie locale et tout particulièrement l’environnement proche dans lequel le bâtiment est implanté à savoir : la végétation, la gestion des eaux, l’évapotranspiration, etc.⁶. Les maisons individuelles construites le plus souvent sur des fondations superficielles sont les plus vulnérables au phénomène de RGA et les déformations volumiques induites du sol de fondation.

C’est aussi le cas pour les maisons présentant des fondations différentes pouvant correspondre à des phases de construction différentes : création d’une terrasse ou d’une extension. Il s’agit d’abord des saisonnalités avec une survenance devenue très variable qui provoquent la dessiccation et le retrait des couches superficielles du sol jusqu’à deux mètres de profondeur pendant la période de sécheresse, puis s’ensuit une saturation marquée par le gonflement des sols argileux pendant la période de précipitations. De plus, la présence de la végétation à proximité des fondations accentue la succion du sol par l’action racinaire pouvant atteindre cinq mètres de profondeur. Par ailleurs, une mauvaise gestion des eaux autour de la maison peut être préjudiciable, où une infiltration indésirable au droit des fondations peut provoquer la plastification du sol et leur enfoncement. Ainsi, ces variations de teneur en eau dans le sol peuvent altérer ses propriétés hydromécaniques et entraîner la fissuration voire la rupture de la structure qu’il supporte. 

Des solutions de prévention et d’adaptation 
De 2015 à 2020, le Cerema a installé le dispositif expérimental MACH « MAison Confortée par Humidification », sur une maison sinistrée par la sécheresse, située dans la commune de Mer (41). Une instrumentation in situ a été mise en place dont l’implantation des sondes de succion dans le sol est l’élément principal, permettant d’opérer l’humidification ciblée et contrôlée du sol de fondation durant les périodes de sécheresse.

Des fissuromètres posés sur quelques fissures existantes ont permis d’analyser l’apport de la réhumidification du sol de fondation dans la stabilisation de leur ouverture pendant la sécheresse. Les résultats observés durant les quatre sécheresses intenses de 2017 à 2020 sont satisfaisants tant en termes de stabilisation d’ouverture des fissures existantes que d’absence d’apparition de nouvelles fissures sur les façades confortées⁷. Cette solution est à la fois écologique, peu coûteuse et durable. À titre indicatif, le procédé expérimental MACH a été mis en place pour un coût total de 15 k€ HT, soit un coût nettement inférieur à celui d’un confortement en sous-œuvre traditionnel. 

Le procédé MACH a été doublement primé à l’occasion de la première édition des Trophées Bâtiments Résilients initiés par la Mission Risques Naturels (MRN) en 2020 et aux Green Solutions Awards 2020-21 de Construction21. Les travaux de recherche et développement se poursuivent aujourd’hui à travers de nouveaux déploiements, MACH+ et MACH Series en partenariat avec le groupe Covéa, menés en parallèle à horizon 2026.⁸

L’objectif de ces travaux est de développer de nouvelles solutions d’adaptation écologiques, pérennes et accessibles économiquement à tous. La solution MACH+ intelligente, durable et facile à poser, conviendrait à la fois en prévention sécheresse pour les nouvelles constructions et les maisons existantes exposées au RGA sans dommages mais aussi en stabilisation pour les maisons existantes exposées et fissurées. Concernant la ressource en eau de la solution MACH+, des travaux sont en cours pour développer un filtre écologique, constitué de matériaux recyclés, afin de réutiliser les eaux usées domestiques localement pour réhumidifier le sol de fondation pendant la sécheresse.

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