[Building Beyond 2020] Compte rendu de la rencontre "Du data scientist à l'architecte : comment se construit une ville des données ?

Rédigé par

Leonard / Matthieu Lerondeau

Head of Communications & Communities, Leonard

1915 Dernière modification le 14/10/2020 - 12:00
[Building Beyond 2020] Compte rendu de la rencontre

L’exploitation des données est régulièrement citée au premier rang des applications des technologies au service de la construction. Au dernier jour des rencontres du festival Building Beyond organisé par Leonard, c’est la ville de la donnée qui a été questionnée, un nouveau territoire de la modélisation des infrastructures et de la collecte de data sur les usages qui s’y déploient. 

Leonard a rassemblé pour cette table ronde des points de vue variés, de la promotion immobilière et du développement des projets dans la ville jusqu’à l’exploitation des différentes infrastructures : Laurent Papiernik, directeur Data & Smart City chez SNCF Gares & Connexions, Stanislas Chaillou, architecte et data scientist chez Spacemaker AI, Diego Harari, directeur innovation et développement durable chez VINCI Immobilier et Marie-Claire Coin, directrice Convergence BIM chez VINCI. 

Pour regarder le replay de la rencontre : 

 

Alors que l’industrie est aujourd’hui confrontée au facteur data, qu’on peine encore à exploiter, comment construire la ville de la donnée de demain ? 

Avant tout, qu’est-ce qu’une ville de la donnée ? Laurent Papiernik la définit comme une ville capable de s’ausculter, se réparer, se sentir et s’organiser. La ville de données est apte à fabriquer facilement et rapidement des services grâce au numérique. Elle est capable de mobiliser en temps réel l’intégralité de ses équipements pour enclencher des opérations de maintenance et de réparation.

Selon Stanislas Chaillou, qui manipule ces données au quotidien, le contexte actuel nous pousse au paramétrisme. Les données pourraient servir à optimiser un jeu de critères afin d’obtenir la meilleure réponse possible à une situation donnée. Concevoir la ville de demain pourrait s’appuyer sur l’intelligence artificielle, couplée à des méthodes de modélisation statistiques afin d’assurer la circulation de ce flux de données et d’informations.

Tous les métiers y trouvent leur intérêt : Diego Harari affirme que l’immobilier aussi s’intéresse aux données et à l’intelligence artificielle. Le numérique aide à développer des leads dans le cadre de la prospection foncière. Pour la commercialisation et les services clients, la transformation digitale est plus ancienne. Aujourd’hui, l’expérience client est personnalisée. L’intelligence artificielle est en mesure de proposer aux clients de la start-up HabX un plan sur mesure.

Oui, le digital a permis à l’industrie de faire un bon vers la ville de demain, mais pas encore vers la ville de la données, selon Marie-Claire Coin. Elle rappelle la signification de l’acronyme du BIM – Building Information Modelling –, qui se concentre sur l’information plutôt que la donnée. Au contraire de la donnée, l’information est fonctionnelle, se qualifie, se structure et représente une réponse à une question spécifique. Le BIM n’est pas encore l’outil adéquat pour construire la ville de la donnée. Selon la directrice Convergence BIM de VINCI, il reste encore un chemin considérable à parcourir avant de pouvoir mobiliser l’intelligence artificielle pour construire la ville de la donnée.  

L’afflux de données sur la ville 

Stanislas Chaillou rappelle les impératifs auxquels il faut répondre pour concevoir la ville : la résolution géométrique, la performance, la correspondance d’une forme à un usage. Il est essentiel de traiter la donnée en pensant à l’ensemble de ces caractéristiques. Dans le cas contraire, nous risquons de continuer en automatisant seulement la conception. De cette manière, seule la forme sera performante et optimisée. L’intelligence artificielle doit au contraire permettre de construire une ville évolutive et adaptative tant dans sa forme, que dans l’utilisation de ses espaces.  

Pour Diego Harari, lintelligence artificielle ouvre très largement le champ des possibles de la conception. Chaque évolution digitale conduit à des changements dusages. Quelques exemples : l’évolution de la notion de propriété avec les voitures et vélos partagés, le e-commerce qui a permis le développement dinfrastructures connectées à forte valeur servicielle.  

Bien qu’envisageable avec l’intelligence artificielle, construire la ville de la donnée de demain reste un processus complexe et requiert une variété de métiers à mobiliser pour y parvenir. Chez SNCF Gares & Connexions, les métiers sont politisés, en lien direct avec les institutions. Ils se recoupent entre architectes, urbanistes, designers, gestionnaires de flux ayant comme compétences l’élaboration et la gestion de bâtiments et infrastructures frugaux avec l’aide du numérique.

Marie-Claire Coin a noté que l’arrivée du digital (et la délivrance continue d’information par et sur l’utilisateur de la ville) amène à un paradoxe : une tendance à considérer l’usage micro de la ville aux dépens de la grande échelle. Le numérique permet de faire des zooms sur des information qui ouvrent de nouvelles perspectives et changent la dimension de la ville. 

L’architecte, le promoteur et le constructeur sont-ils dépassés par les nouveaux acteurs de la tech ? 

De nouveaux acteurs de la tech s’immiscent dans le secteur du BTP. Hier cantonnés à la fourniture de logiciels, ils s’invitent dans les logiques de standardisation et fournissent l’infrastructure de données de la construction modulaire. Katerra développe aujourd’hui ses propres projets et devient un concurrent potentiel des constructeurs. Il reste encore l’opportunité que ces acteurs assistent et participent à l’innovation des acteurs de la construction au lieu de les concurrencer, comme le propose Spacemaker. Stanislas Chaillou l’affirme, l’architecte continuera de faire avancer ses pions car l’intelligence artificielle n’est pas encore suffisamment compétente pour remplacer un humain en charge du projet. Par ailleurs, un spécialiste humain occupe une place de référent que l’IA ne saurait prétendre remplacer pendant encore longtemps. 

Coopérer pour éviter la capture des données par les GAFA

Bien que l’industrie de la construction soit diverse et complexe, les grands acteurs du numérique tentent aussi de s’immiscer sur le plateau de jeu, alerte Stanislas Chaillou, rejoint par Diego Harari. Ils ont les moyens financiers de recruter ceux qui comprennent nos métiers et notre secteur. Mais la ville ne doit pas être réalisée par les GAFA car ils ne disposent pas de l’expertise de l’architecte, du constructeur ou du promoteur. Pour Diego Harari, il est urgent de penser aux assets stratégiques à mettre en place pour éviter un tel scénario et permettre aux acteurs « traditionnels » de se développer. Au promoteur d’améliorer l’expérience qu’il propose afin de se positionner dans la construction de la ville des données.  

Pour Laurent Papiernik, les GAFA ne s’intéressent que de loin au « brick & mortar », qui renoncent encore face à des enjeux complexes et éloignés du numérique. Pour lutter contre leur irruption dans le secteur, il est nécessaire, selon lui, de partager l’ensemble de l’informations sur les flux afin d’améliorer le fonctionnement du système. La ville des données doit être homogène, les espaces urbains doivent coopérer pour créer un continuum numérique urbain. On ne peut promettre une ville de données si chacun agit dans son périmètre. C’est en programmant et en stimulant la ville de données par la coopération que les métiers « traditionnels » de la construction continuent d’avoir leur place.

Finalement, le maître mot de cette troisième édition du Festival Building Beyond c’est : acteurs de la ville de demain, coopérez !

 

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