« Augmenter les volumes, mais pas au détriment de la qualité des installations »

Rédigé par

Amandine Martinet - Construction21

Journaliste

411 Dernière modification le 02/04/2024 - 14:13
« Augmenter les volumes, mais pas au détriment de la qualité des installations »

Ingénieur de formation, André Joffre est président de Qualit’EnR et œuvre également au sein de la direction d’Enerplan, le syndicat des professionnels de l’énergie solaire. Fervent défenseur des énergies renouvelables, il travaille dans ce secteur depuis pas moins de 40 ans. Label RGE, MaPrimeRénov’, EnR, en France… Point d’étape dans cette interview. 

Les aides à la rénovation énergétique ne cessent d’évoluer en France. Dans le bon sens selon vous ? 

André Joffre : D’après ses récentes décisions, le gouvernement semble considérer que les rénovations globales seraient finalement assez difficiles à mettre en œuvre pour les particuliers ; les dispositifs d’aides s’ouvrent donc à nouveau aux gestes simples. De mon avis, la meilleure solution reste toujours bel et bien la rénovation globale, mais il faut être réaliste et comprendre que certains ménages ne peuvent se le permettre à date.

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Ce qui pose surtout un problème, c’est la coordination entre les différents métiers du BTP et entre les chantiers ; les professionnels ne sont pas experts dans tous les domaines, il est donc nécessaire de mieux coopérer pour mener à bien les travaux nécessaires dans un bâti. Ce n’est malheureusement pas monnaie courante, mais il serait recommandable que l’artisan ayant la plus grosse partie des travaux à faire puisse assurer la coordination des autres. C’est en cela que le rôle de l’Accompagnateur Rénov est important : ce dispositif repose sur une bonne idée de départ, mais il doit se développer davantage. Sans cet accompagnement, tout un pan de la population non averti ne se lancera jamais dans la rénovation de son logement. 

Quel état des lieux faites-vous de la qualification RGE à ce jour ? 

AJ : Concernant la simplification de l’accès à la qualification RGE décidée par le gouvernement, nous en voyons peu l’intérêt : avoir recours au RGE est un moindre sacrifice au vu des bénéfices apportés. Il est essentiel que les acteurs soient bien formés pour être spécialiste dans leur domaine et dans les faits. Quel que soit le métier concerné, il n’est jamais de trop d’effectuer une formation de quelques jours pour évaluer ses compétences ; preuve en est, le taux de réussite à la certification RGE n’est pas de 100% !

Le RGE est aussi nécessaire pour protéger le secteur de la prolifération des éco-délinquants qui profitent du système d’aides existant en proposant des prestations de piètre qualité à des prix élevés. 

Quelles actions restent à mener contre ces fraudes ? 

AJ : Chez Qualit’EnR, nous sommes très vigilants sur ce sujet. Nous savons qu’environ 1% de nos artisans certifiés RGE sont des éco-délinquants. Il faut être conscient que dès lors que les règles de la qualification sont respectées, nous ne pouvons pas nous refuser à la délivrer. En revanche, nous sommes très regardants et effectuons un suivi assidu des activités de chacun, notamment lors des audits. Des signalements nous sont aussi remontés, de la part des particuliers ou des agences de l’environnement par exemple, ce qui nous permet de réagir rapidement. 

Le bon réflexe est de vérifier en ligne la qualification de l’entreprise qui effectue les travaux, ce qui est très simple à faire (sur le site de France Rénov par exemple). Nous conseillons également de demander des devis à plusieurs entreprises proches de chez soi pour comparer les prix, et ne pas hésiter à faire fonctionner le bouche à oreille. Bien entendu, il ne faut jamais répondre à des démarchages téléphoniques, pratique d’ailleurs interdite aujourd’hui. 
Plus largement, la lutte contre les fraudes mériterait qu’on lui accorde plus de moyens, mais ceux de l’Etat restent limités. Une piste intéressante serait aussi de couper les crédits accordés aux éco-délinquants par certaines entreprises spécialisées. Certaines condamnations récentes ont d’ailleurs concerné non seulement l’entreprise frauduleuse, mais aussi le financeur. 

Quelles énergies renouvelables ont le vent en poupe en France, lesquelles sont en difficultés ? 

AJ : Sur les énergies renouvelables, la France a fait beaucoup de progrès, notamment grâce aux aides financières qui se sont développées. Certains secteurs sont notamment en forte progression, tels que le photovoltaïque, résultante notamment des tensions sur le marché de l’électricité – malgré l’efficacité des boucliers tarifaires décidés par le gouvernement. En parallèle, le prix des installations solaires n’ont cessé de baisser : les prix ont été divisés par 10 en 10 ans ! Si bien que le prix de l’électricité produite par son propre toit devient moins chère que celle que l’on achète au réseau. C’est un phénomène qui ne va pas se tarir, je suis donc très confiant pour l’avenir. 

Cette belle envolée du solaire se traduit d’ailleurs également par une forte augmentation du nombre d’électriciens souhaitant se former aux techniques de l’installation photovoltaïque et thermique. 

Le bois énergie, en revanche, est plutôt en peine, après plusieurs années d’embellie. C’est directement lié à la baisse des aides qui y sont allouées et à l’augmentation des prix des combustibles – à savoir que les tarifs du bois s’indexent généralement sur ceux des combustibles qu’il remplace ; ici, le pétrole ou le gaz. Cependant, les bases du marché du bois sont solides et cette ressource renouvelable a beaucoup d’avenir. 

Comment aider encore plus l’essor des EnR en France ? 

AJ : CEE, MaPrimeRénov’… La lisibilité des aides financière pourrait être largement améliorée. Selon notre dernier Baromètre Qualit’EnR, les deux tiers des Français ne sont même pas au courant des dispositifs existants. Nous pourrions par exemple nous inspirer du modèle des Etats-Unis, où il existe une aide financière unique. De l’extrême complexité à l’extrême simplicité ! Dans tous les cas, un gros travail d’information doit être mené. 

Pour conclure, nous sommes dans une période où nous sommes conscients qu’il faut simplifier pour augmenter les volumes, mais ne surtout pas le faire au détriment de la qualité des installations. 

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