Usages de l’agriculture urbaine

Rédigé par

Pierre DARMET

3076 Dernière modification le 23/01/2019 - 15:30
Usages de l’agriculture urbaine

Cultiver des paysages comestibles, de la symbolique à l’expérience du vivant

Parmi les différentes fonctions remplies par l’agriculture urbaine, reconnecter les urbains au vivant est probablement la plus largement reconnue et admise. Vivre des expériences de nature, au cœur des lieux de vie, est la condition sine qua non de la préservation de la biodiversité dans les grands ensembles naturels. C’est même l’objet d’un champ de recherche à part entière, aux confins de l’écologie et des sciences sociales, à l’image des travaux dirigés par Anne-Caroline Prévost au Muséum national d’histoire naturelle et au CNRS.

Dans les agglomérations urbaines, au cœur des centres comme dans le tissu diffus des périphéries, jusqu’à l’habitat pavillonnaire ou collectif des franges rurales, les différentes formes de paysages comestibles constituent un levier privilégié pour des populations déconnectées d’un vécu ou d’une transmission, même orale, de pratiques agricoles. La production de fruits et légumes résulte d’un équilibre entre les éléments vivants, le continuum eau, sol, plante, atmosphère, cher aux agronomes, et son environnement. En cela, il s’agit d’une formidable approche du vivant comme système, une manière d’appréhender la multiplicité et la complexité des interactions à l’œuvre.

La production végétale et l’élevage animal requièrent également l’indispensable intervention humaine. Il s’agit pour le végétal de le guider jusqu’au stade ultime de son développement : la plante croit, se développe, fleurit ; sa fleur est fécondée, pollinisée - par exemple par un insecte - et donne naissance à un fruit. L’expérience ultime consiste à goûter ce dernier. C’est aussi l’apprentissage de l’humilité - de la même racine que l’humus - face aux aléas, l’expérience de la vie mais aussi de la mort, de la réussite mais aussi des échecs, malgré une maîtrise apparente de tous les paramètres. Cultiver un potager, c’est littéralement récolter le fruit d’un travail conjoint avec son environnement. C’est aussi une manière d’appréhender l’histoire de l’agriculture. Les variétés cultivées, qu’elles soient dites anciennes ou modernes, sont issues de longs siècles de travaux, initiés par les découvertes botaniques, comme la famille des solanacées en Amérique du Sud (tomates, pommes de terre notamment), d’acclimatation, de sélection et d’hybridation : l’horticulture. Cette dimension replace ce patrimoine cultivé aux côtés des espèces indigènes plutôt que de les opposer.


Concrètement, les opportunités de vivre ces « expériences potagères » sont diverses :

Voir croître et consommer des productions proches de chez soi, comme Les Fermes de Gally le proposent à la Ferme urbaine de Saint-Denis, ou en adhérant à une AMAP

Cueillir soi-même ces productions, comme nous le proposons aux Portes du parc de Versailles à la cueillette de Gally, membre du réseau Chapeau de paille, qui fédère une trentaine d’exploitations ouvertes en France

Louer un potager dans un espace dévolu à cet usage, par exemple un foncier délaissé, comme le font une centaine de familles sur l’ancienne friche polluée Les Fermes en ville, que nous animons à l’ouest de Paris, ou en adhérant à une association de jardins familiaux ou partagés

Cultiver un potager au sein d’un îlot bâti, au cœur d’une copropriété ou d’un co-living, dans une entreprise ou un espace de co-working, mais aussi dans une école, tout comme dans un lieu de soin ou un établissement pour personnes âgées

Pratiquer la culture de plantes condimentaires ou aromatiques chez soi, en famille, dans une balconnière ou même à l’intérieur, avec un système incluant un éclairage LED adapté.

 

Quel que soit le lieu, l’espace disponible, le contexte social, une composante est la clé de succès de tout rapprochement avec les paysages comestibles : la médiation. L’apprentissage des gestes requiert une transmission, que le jardinier, qu’il soit agriculteur urbain ou jardinier-animateur, incarne. La vocation sociale des paysages comestibles, de lien entre les citoyens, est ici clairement affirmée. « Le végétal, c’est vivant, c’est vital. Ça fait du bien, ça crée du lien ». C’est ainsi que Les Jardins de Gally, jardiniers urbains, ont l’habitude de résumer la vocation de leur métier.


Les paysages comestibles, en offrant au plus grand nombre, grâce à leur diversité, une large palette d’interactions avec le vivant, en donnant à chacun accès à l’expérience des systèmes, des aléas, en donnant du concret aux valeurs d’humilité et de solidarité, en opposant le temps long à l’immédiateté, contribuent à rapprocher les citadins de l’agriculture, quelles que soient sa localisation et sa forme. Là réside bien l’une des principales vertus de l’agriculture urbaine.

 

Article signé Pierre Darmet, Les Jardins de Gally, Directeur Marketing et Développement commercial

crédit photo:  Stella de Smit sur Unsplash

Partager :