PLF 2018 : la politique de l’eau mise à mal face à la baisse programmée des fonds des Agences de l’eau / Réaction de Canalisateurs de France

Rédigé par

Patricia Desmerger

Directrice

2759 Dernière modification le 27/09/2017 - 10:48
PLF 2018 : la politique  de l’eau mise  à mal face à la baisse programmée des fonds des Agences de l’eau / Réaction de Canalisateurs de France

L’organisation professionnelle Canalisateurs de France, qui fédère les entreprises de pose et de réhabilitation des réseaux d’eau et d’assainissement, s’alarme à nouveau sur les lourdes conséquences écologiques, sociales et économiques, face aux mesures annoncées par Bercy le 11 septembre d’amputer une nouvelle fois le budget des Agences de l’eau dans son projet de loi de finances (PLF) 2018.

L’histoire se répète...

Après le budget 2014 qui instaurait un prélèvement de 210 millions d’euros, celui de 2015 une ponction de 175 millions d’euros par an programmée sur trois ans, pour 2015, 2016 et 2017, les derniers arbitrages programment une ponction d’une ampleur sans précédent sur le budget des Agences de l’eau.

Bercy prévoirait en effet de poursuivre et de rabaisser le « plafond mordant » sur les redevances, qui réduirait le produit de la redevance sur l’eau dans la mesure où tout ce que les Agences de l’eau percevraient au-delà du plafond reviendrait au budget de l’État.

Le projet prévoirait aussi d’augmenter de 50 millions d’euros le prélèvement des Agences de l’eau pour le financement de l’Agence française de la biodiversité et d’instituer un nouveau prélèvement pour financer l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage. In fine, l'addition pourrait s'élever à 400 millions d'euros, soit 20 % du budget annuel des Agences de l'eau.

... dans un contexte plus problématique

Qui plus est,  les Agences de l’eau, qui rappelons-le sont les principaux pourvoyeurs d’aides dans ce domaine, doivent déjà faire face à de nombreux défis pour contribuer à réduire les pollutions et à protéger les ressources en eau et les milieux aquatiques, parmi lesquels la mise en place de la Gemapi (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) les transferts de compétences prévus par la loi NOTRe …

Le principe efficient de « l’eau paie l’eau » menacé

Rappelons que le modèle de la politique de l’eau en France : « l’eau paie l’eau » est la règle de l’affectation des ressources à laquelle l’État s’est toujours officiellement attaché et qui a prouvé son efficacité.

Les Agences de l’eau, et leurs subventions aux collectivités locales, ont notamment largement contribué ces dernières années à la remise à niveau des stations d’épuration. Remettre en cause cette simple règle écologique, reviendrait à défavoriser les populations qui le sont déjà.

Les aides versées par certaines agences à des collectivités locales, constituent, pour les collectivités qui en bénéficient, une source de financement importante, sans laquelle les investissements d’entretien et de rénovation du patrimoine de l’eau seraient très impactés, alors même qu’il est déjà urgent de les entreprendre.

Il est primordial, dans un souci de planification et de pérennisation des investissements dans le domaine de l’eau (petit cycle et grand cycle) que les ressources financières soient stables.

Si l’eau ne paie plus seulement l’eau, c’est tout l’équilibre d’un système efficient qui s’effondre, à l’heure où il est indispensable de mener une gestion durable et patrimoniale des réseaux d’eau et d’assainissement en France.

Des conséquences économiques, sociales et écologiques

Les conséquences sont aussi économiques et sociales. L’effet levier des aides des Agences de l’eau est significatif sur le financement des projets pour entretenir et rénover les réseaux car ils génèrent des travaux, source d’emplois non délocalisables partout en France.

Les redevances sont versées en partie par les secteurs économiques industriels et agricoles, mais elles le sont avant tout, et à plus de 80 %, par les usagers domestiques. Cela signifie que ce prélèvement, qui devrait servir à améliorer le service de l’eau aux citoyens, devient en partie un impôt.

Les conséquences sont aussi écologiques. Alors que la France est censée atteindre 100 % de bon état des eaux en 2017, la prévision de ce nouveau coup de rabot est en totale antinomie avec la transition écologique dans les territoires appelée de ses vœux par l’État. En particulier, il va contre les volontés ré-affirmées par Monsieur le Ministre Nicolas Hulot en conseil des ministres le 9 août 2017 de soutenir la lutte contre les fuites dans les réseaux. Il conduira inévitablement à réduire les investissements nécessaires pour assurer une gestion durable et patrimoniale des réseaux d’eau et d’assainissement.

À plus long terme et au niveau européen, cette baisse des subventions des Agences de l’eau risque fort, en limitant les moyens financiers, de voir non atteint l’objectif de l’état écologique des eaux à l’horizon 2020 de la Directive européenne Cadre sur l’eau.

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