[Dossier RE2020] 21# La production locale de biométhane au service des bâtiments bas-carbone

Rédigé par

Ludovic GUTIERREZ

Responsable Grands comptes

7085 Dernière modification le 29/06/2020 - 12:30
[Dossier RE2020] 21# La production locale de biométhane au service des bâtiments bas-carbone

La RE2020, la future réglementation environnementale qui succédera à la RT2012, devrait entrer en vigueur à compter de mi-2021 dans la construction neuve. Elle est actuellement en cours d’élaboration par les pouvoirs publics pour une publication des textes prévue fin 2020. Parmi les évolutions notables par rapport à la RT 2012, elle devrait inclure des exigences sur les émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment et favoriser un recours généralisé à la chaleur renouvelable. Ces nouvelles exigences structurantes auront vraisemblablement un impact significatif sur le choix des matériaux de construction, des équipements et des énergies. Cet article apporte des clés sur le rôle que peut y jouer le biométhane, ENR en pleine dynamique de croissance.

La production de biométhane ouvre de nouvelles perspectives pour la RE 2020

La RT 2012, et plus généralement les réglementations thermiques successives dans les bâtiments neufs depuis plus de 40 ans ont conduit à une baisse significative des consommations énergétiques du secteur. Cette baisse des consommations s’est naturellement traduite par une baisse des émissions de gaz à effet de serre (GES). Ainsi, un logement neuf chauffé au gaz naturel émet aujourd’hui unitairement près de 3 fois moins de GES qu’un logement du parc existant.

Cette baisse des consommations devrait se poursuivre avec la future RE2020, associée probablement à une généralisation du recours aux énergies renouvelables. Cela permettra d’introduire progressivement des exigences sur les émissions de GES pour, d’une part, tenir compte du caractère émergent -et parfois source de débats- d’une comptabilisation Carbone au périmètre du cycle de vie, et d’autre part pour préserver la mixité énergétique indispensable pour limiter les risques à moyen/long terme sur la sécurité d’approvisionnement et sur les coûts d’infrastructure.

Ces énergies renouvelables sont aujourd’hui multiples et multi-énergies : solaire thermique, photovoltaïque, chauffe-eau thermodynamique, PAC électriques, PAC gaz, PAC hybride, réseaux de chaleur, biomasse, etc.

Le verdissement progressif du réseau de gaz permet d’envisager d’ajouter à cette liste une énergie renouvelable supplémentaire capable de contribuer à la décarbonation des usages thermiques des bâtiments et à l’accroissement des ENR. Pour cela, GRDF propose un mécanisme innovant qui permet de :

  • valoriser les performances environnementales du biométhane dans la RE 2020
  • contribuer au financement de production supplémentaire nécessaire.

La troisième révolution gazière est en marche

La dynamique de développement de la filière biométhane, très forte actuellement (plus de 1 100 projets inscrits dans le Registre des capacité Biométhane pour une capacité totale d’injection réservée de 25 TWh/an), permet d’envisager de tendre vers 30% de gaz renouvelable dès 2030, au-delà de l’objectif de 10% prévu par la Loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte. L’enjeu pour la filière étant de couvrir l’intégralité de la demande de gaz en France par du gaz renouvelable à l’horizon 2050. A court terme, cela nécessite des sources de financement complémentaires au budget prévu par l’Etat.

Le biométhane, une énergie renouvelable adaptée à la décarbonation du bâtiment

Le biogaz est un gaz 100% renouvelable produit localement à partir de résidus agricoles, d’effluents d’élevage et de déchets des territoires. Après épuration, il atteint le même niveau de qualité que le gaz naturel et peut donc être injecté dans les réseaux. On l’appelle alors biométhane.

Le biométhane est une ENR adaptée aux usages thermiques des bâtiments vertueux :

  • Le biométhane émet 10 fois moins de gaz à effet de serre que le gaz naturel (23 gCO2eq /kWh[1]) soit un niveau comparable à celui des autres ENR.
  • La production, continue sur l’année, bénéficie des capacités de stockage des infrastructures gazières, permettant d’assurer la concomitance entre les besoins et la disponibilité, sans investissement complémentaire sur le réseau.

Comment valoriser le biométhane dans les usages bâtiments : propositions de GRDF

Cette énergie renouvelable est produite dans des méthaniseurs répartis sur le territoire national, souvent en zones rurales, et acheminée jusqu’aux lieux de consommation à travers les réseaux gaz. Contrairement aux équipements ENR installés dans les bâtiments (PV, solaire thermique, PAC, systèmes hybrides, biomasse, …) la source d’énergie renouvelable qui devra alimenter la chaudière gaz est distante. A l’instar des réseaux de chaleur vertueux, il s’agira bien de chaleur renouvelable produite à partir d’une ENR déportée et reliée au bâtiment par des réseaux. Ces caractéristiques relativement inhabituelles nécessitent un mécanisme innovant pour apporter une solution à la maîtrise d’ouvrage.

La problématique particulière dans le cas du biométhane est donc bien de le « flécher » vers les bâtiments neufs et de garantir son additionnalité.

Pour répondre à cette double problématique, GRDF propose donc une solution venant compléter de façon innovante la gamme de solutions disponibles pour construire des bâtiments bas carbone. Il s’agit, dans le cadre de la RE 2020, de permettre à la maîtrise d’ouvrage de financer le développement de nouveaux volumes de gaz renouvelable proportionnels à la consommation des bâtiments neufs alimentés en gaz. Outre le respect de toutes les futures exigences en termes de performance d’enveloppe et d’équipements thermiques, l’investissement complémentaire porterait sur le préfinancement de quinze ans de consommations normatives de biométhane, calculées d’après l’étude thermique, et versé avant la livraison du bâtiment. Le contrôle de la conformité réglementaire peut ainsi être réalisé à la livraison du bâtiment. Le pourcentage de la consommation couverte par le biométhane peut être fixé de sorte à respecter les exigences d’énergie/chaleur renouvelable de la RE 2020, voire être plus ambitieux que celui fixé pour les ENR locales afin de justifier le recours à une ENR déportée et semi-centralisée. Le bénéfice environnemental pour la construction neuve serait ainsi conséquent, avec une mise en œuvre simple pour la maîtrise d’ouvrage quel que soit le type de bâtiment qui disposerait ainsi d’une option supplémentaire, et un coût nul pour l’Etat. Ce mécanisme se rapproche assez sensiblement de celui des réseaux de chaleur urbains de par la nature déportée de sa source d’énergie renouvelable et de sa mise en œuvre au niveau des bâtiments.

La somme serait versée à la puissance publique, par exemple à la région, pour financer des contrats d’achat de biométhane aux producteurs locaux, en substitution du tarif d’achat financé par l’Etat. Le gaz renouvelable additionnel ainsi produit à proximité grâce à la construction neuve d’un territoire serait fléché vers la consommation de ces nouveaux bâtiments du territoire dans une logique d’économie circulaire, contribuant ainsi à sa décarbonation. L’additionnalité est garantie d’une part par le fait que le financement apporté par la construction de bâtiments permet de faire émerger des moyens de production qui n’auraient pas pu être financés par le budget de l’Etat et d’autre part par le retrait du marché des garanties d’origine créées avec cette nouvelle production de biométhane qui permet d’assurer qu’elle est dédiée à l’unique consommation des bâtiments neufs.

Cette solution viendrait s’ajouter à la liste des solutions d’ENR déjà disponibles pour la maîtrise d’ouvrage dans les bâtiments alimentés en gaz. Pour un montant d’investissement équivalent à celui de l’installation d’un équipement ENR sur site, on peut atteindre un taux de 30% à 50% de chaleur renouvelable.

Ce mécanisme alternatif présente de réels bénéfices pour les professionnels du bâtiment du fait de sa simplicité de mise en œuvre et d’exploitation. Il garantit par ailleurs un taux d’ENR nativement élevé, et ce dans la durée puisque l’intérêt d’une production semi-centralisée réside dans le fait qu’elle est maintenue en fonctionnement nominal tout au long de sa durée de vie.

Par ailleurs, c’est un atout pour les Régions et les collectivités locales à de multiples titres : développement d’une agriculture durable et pérenne économiquement, création d’emplois non-délocalisables directs, traitement et valorisation des déchets, moindre recours au engrais minéraux d’origine fossile via le digestat. Cette production participe par ailleurs activement à l’accroissement de l’autonomie énergétique du pays, à la résilience énergétique et s’appuie sur une filière industrielle durable française tant pour l’équipement que pour les producteurs qui sont pour l’essentiel des agriculteurs et des collectivités territoriales valorisant énergétiquement leurs déchets, créatrice de valeur locale, ce qui prend tout son sens pour préparer l’avenir.

Conclusion

Pour répondre aux exigences de la future RE2020, GRDF propose donc une solution venant compléter de façon innovante la gamme de solutions disponibles pour construire des bâtiments bas carbone. Il permet de réguler de manière moderne dans une logique d’objectifs de résultats. Ce mécanisme complémentaire, adapté à tous types et configurations de bâtiments, répond à la fois aux objectifs ambitieux de performance environnementale des bâtiments neufs et au financement de nouveaux moyens de production de biométhane, source de développement économique sur le territoire national.

Un article signé Frédéric Aguilé et Stéphanie Cadrieu, Direction Développement de GRDF


[1] Source - Cycle de vie du Biométhane : Etude ENEA/Quantis 2017. - Valeur 23,4g CO2eq/kWh PCI.

 

Consulter l'article précédent :  #20 Impact carbone des matériaux : l'acier peut-il faire aussi bien que le bois ?


           

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Ce dossier est composé de contributions des membres de la Fédération CINOV, des adhérents Construction21 et de leurs partenaires. En animant ce dossier, la Fédération CINOV concoure ainsi aux échanges et à la réflexion sur la future réglementation environnementale. Le contenu des articles sont néanmoins publiés sous la seule responsabilité de leurs auteurs.

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