Démonstrateur de la ville durable : Neyron
Au cœur de la rue Neyron, dans un quartier collinaire de centre-ville, le projet « Neyron, refaire quartier autour d’une centralité populaire », porté par l'EPA Saint-Etienne, est lauréat de la deuxième vague de l'AMI « Démonstrateurs de la Ville Durable » ayant pour objectif de favoriser l’émergence de l’innovation dans l’aménagement de la ville.
Opération soutenue par l’État dans le cadre du dispositif « Démonstrateurs de la ville durable » de France 2030, opéré par la Banque des territoires.
Secteur identifié dès la création de l’EPA en 2007, l’îlot Neyron est une ancienne friche industrielle acquise et démolie par l’Établissement Public Foncier EPORA et l’EPA Saint-Étienne. Il hérite de nombreuses problématiques liées à son passé industriel et minier : mauvaise qualité géotechnique, pollutions diverses, habitat dégradé, image dévalorisée... Pourtant, il détient toutes les ressources pour imaginer des manières alternatives de refaire la ville à partir de l’existant : proximité avec l’ÉcoQuartier d’affaires de Châteaucreux et l’hypercentre, forte dynamique habitante et associative.
Il est donc emblématique des problématiques rencontrées généralement en renouvellement urbain, à Saint-Étienne ou ailleurs, mais aussi de l’action de l’EPA Saint-Étienne.
En 2021, l’EPA Saint-Étienne finalise l’ensemble des études techniques et les scénarios d’aménagement, en cohérence avec le projet social du quartier. Il s’agit d’offrir des services à la population, en s’appuyant sur les acteurs locaux et sur la halle existante, de proposer une offre de logements neufs pour répondre aux enjeux de maintien des familles et de vieillissement de la population et d’offrir un espace public majeur pour ce secteur qui en manque cruellement
Cependant, les études techniques sont très défavorables : les fortes contraintes géotechniques et minières rendant le bilan économique de constructions neuves très fragile.
C’est dans ce contexte que le programme des « démonstrateurs de la ville durable » a été pour nous une opportunité majeure de penser le projet urbain « hors des sentiers battus », en allant chercher des acteurs extérieurs pour répondre à ces problématiques techniques sans entamer, et même en poussant plus loin, les ambitions environnementales et sociales du projet urbain.
Une méthode : Inventer un trajet urbain par les strates de la ville
S’inscrivant dans cette philosophie et s’inspirant de l’approche de Marcel Roncayolo, le démonstrateur Neyron aborde le projet urbain dans une approche systémique avec une représentation par « strates » de la ville, englobant toutes les composantes urbaines et s’appuyant sur des solutions « lowtech » (simplicité, abordabilité, réplicabilité). Pour chaque strate, des enjeux d’innovations technique, méthodologique ou sociale ont été définis :
- Strate « Sous-sol » : comment bâtir l’urbain sur un sous-sol dégradé ? Construit sur remblais (jusqu’à 20m), l’îlot présente une très mauvaise qualité géotechnique, impactant la capacité même à y construire dans une économie de projet raisonnable. La recherche de solutions de fondations optimisées est donc un prérequis à la réalisation du projet.
- Strate « Sol » : Comment régénérer un sol fertile en milieu fortement anthropisé ? La qualité médiocre des sols en place, tant sanitaire (pollutions) qu’agronomique (fertilité) amène à aborder autrement la prise en compte de cette ressource et du risque associé.
- Strate « Rez-de-ville » : comment éveiller un rez-de-ville populaire ? Alliant les rez-de-chaussée et les espaces publics, l’objectif est ici de faire émerger, en lien étroit avec les acteurs de la société urbaine locale, un rez-de-ville animé qui prenne soin des habitants. Ici, des innovations méthodologiques et sociales seront mobilisées pour aboutir à une programmation adaptée au contexte, autour des notions d’économie sociale et solidaire et d’implication des habitants dans leur cadre de vie.
- Strate « Bâtiment » : comment (ré)générer un habitat alternatif et abordable ? Pour lutter contre la dégradation avancée du bâti et les conséquences sur la vie quotidienne des résidents du quartier, le démonstrateur entend proposer un habitat alternatif dans ses modes constructifs et sa qualité d’usage en restant abordable, visant à renouer avec la notion de HQEU (haute qualité environnementale et d’usage).
- Strate « Gouvernance et Évaluation » : une strate transversale qui vise à composer une gouvernance inclusive du projet urbain associant la société urbaine locale (élus, associations, habitants, etc.) sur un modèle innovant de coalition d’acteurs.
La présentation en strates permet de hiérarchiser les problématiques tout en conservant une approche globale dans l’intérêt d’un projet cohérent. Pour chacune des strates, une ou plusieurs thématiques de réflexion et de recherche sont abordées, et elles peuvent être regroupées en « interstrates » correspondant à trois types d’innovation : sociale, technique et méthodologique (process).
L’enjeu social est au cœur du projet de démonstrateur avec la volonté de faire émerger, en lien étroit avec les acteurs de la société urbaine locale, un véritable « rez-de-ville » actif et populaire, une centralité qui corresponde aux besoins des habitants actuels et futurs.
Le secteur Neyron/Ferdinand bénéficie d’un tissu associatif et d’habitants impliqués qui, depuis de longues années, œuvrent à l’activation de la rue Neyron. Dès 2018, l’EPASE s’est intégré au projet social piloté par la Ville dans le cadre de la politique de la Ville. Il a contribué à l’émergence de la « P’tite Campagne », un lieu d’expérimentation et d’urbanisme transitoire porté par l’Amicale Laïque du Crêt De Roc et par un collectif d’habitants. Depuis 4 ans, ce lieu offre un espace de convivialité et de pause pour les habitants. Pour nous aménageur, ce lieu est une source d’inspiration et d’expérimentation. Pendant la période d’incubation et après, il s’agira aussi de mettre à disposition d’associations et d’habitants des aménagements provisoires, pour les inviter à s’approprier les lieux, favoriser le bien-être, et ainsi contribuer à faire émerger un véritable cœur social et solidaire au quartier.
Sur le terrain
Après un premier travail à la création d’une vision commune de l’approche « Rez-de-Ville » du Démonstrateur Neyron, Cité et Services, Ronalpia et le CIRIDD ont élaboré une stratégie d’action pour définir la programmation du cœur social et solidaire de Neyron.
Dans le cadre de la démarche de design de services, il s’agit :
• d’« écouter les usagers », en explorant et analysant les besoins, perceptions, désirs et avis de ces derniers (résidents , visiteurs, salariés, partenaires et prestataires…), afin de proposer des solutions adaptées, dans une approche collaborative ;
• de proposer un cadre inclusif, participatif et itératif afin de partager une vision collective et co-construire des solutions ;
L’objectif principal est de rendre les usagers finaux acteurs et sensibles aux solutions déployées, pour ensuite améliorer leurs pratiques envers le service et favoriser son appropriation et l’adhésion des publics.
Le travail d’incubation inclut un diagnostic des usages réalisé par Cité Services, et la conception d’une offre de services « cibles » pour le rez-de-ville, qui servira de cahier des charges à la recherche de porteurs de projets par Ronalpia (création de projets ex-nihilo ou accélération de projets existants) susceptibles de répondre au besoin dans une démarche de preuve de concept ou d’extension d’activités. Les échanges avec les porteurs de projet identifiés et intéressés permettront de finaliser les prescriptions en matière de programmation des « rez-de-ville ».
Ronalpia aura ensuite en charge de trouver les porteurs de projets répondant au besoin de quartier, soit en faisant à son réseau, soit en créant des vocations dans le quartier.
Ronalpia animera des ateliers d’accompagnement à la création de projets ESS.
Les innovations techniques recherchées concernent les strates sous-sol, sol et bâtiment et doivent permettre la réalisation d’aménagements et de constructions ambitieux sur le plan environnemental et social dans le contexte complexe du site Neyron.
Sur le terrain
Sous-sol : répondre aux contraintes géotechniques de construction
Partenariat : ENISE (Centrale Lyon)
L’objectif de cette action est d’identifier des procédés de fondation et/ou de construction existants ou nouveaux, compatibles avec les contraintes géotechniques et économiques spécifiques de Neyron. L’innovation recherchée visera essentiellement à optimiser les coûts des systèmes de fondation, tout en étant attentif à la performance environnementale (bilan carbone, économie des ressources…).
Dans le cadre de cette action, l’ENISE réalise un état de l'art technique et réglementaire des systèmes de fondations utilisables en milieu complexe. En articulation avec la strate bâtiment, des solutions, innovantes par leur process de mise en œuvre, par l’utilisation de nouveaux matériaux, par une hybridation des deux, etc. seront recherchées. Des simulations numériques pourront être réalisées pour évaluer les conditions d’un déploiement sécurisé.
Sol : concevoir des aménagements contribuant à l’îlot de fraîcheur en s’appuyant sur des matériaux innovants
Partenaires : HIC, CEREMA
Holcim Innovation Center développe actuellement un revêtement de sol innovant, à base de béton mais dont les propriétés physiques auraient un pouvoir rafraîchissant, pouvant ainsi contribuer à lutter contre l’effet de l’îlot de chaleur urbain.
La phase d’incubation (et plus particulièrement l’été 2024) sera l’occasion de tester in situ ce nouveau matériau qui sera installé sur la friche. Le CEREMA se chargera de l’analyse terrain et scientifique pour évaluer en conditions réelles les effets rafraîchissants de ce matériau.
Sol : Faire évoluer les pratiques actuelles de dépollution en tenant compte de la biodisponibilité des éléments dans le sol
Partenaire : Ecole des Mines de Saint-Étienne (en collobaration avec TESORA, AMO Sites et Sols Pollués d’EPORA qui suit pour le compte de l’EPASE les opérations de dépollutions à mener sur le site Neyron)
Les pratiques actuelles de dépollution évaluent le risque lié à la présence d’éléments métalliques dans le sol en fonction de leur teneur totale. Or les éléments, en fonction de leur nature intrinsèque et de la composition du sol, sont plus ou moins mobiles : on parle de biodisponibilité. Or si un élément est peu mobile, alors le risque qu’il représente diminue. Ce constat est un levier fort pour faire évoluer les pratiques actuelles de dépollution qui surestiment, a priori, le risque et donc les volumes traités par les actions de dépollution.
Les enjeux traités dans le cadre de cette action sont ainsi de diminuer l’impact global de la dépollution : à la fois carbone (transport répété par camions des terres excavées « polluées » et des apports de terre végétale comme coupure des voies de transfert), environnemental (traitement des terres en filières et prélèvement de terres agricoles), et financier.
La méthodologie développée dans le cadre de l’incubation, si elle s’avère concluante, sera applicable à l’ilôt Neyron, et potentiellement transférable sur d’autres sites. L’ensemble de cette action nécessitera de travailler avec l’AMO Sites et Sols Pollués supervisant la dépollution opérationnelle de la friche et avec les instances institutionnelles (DREAL, ADEME, ARS…) afin de s’assurer de la possible mise en œuvre de la méthodologie proposée.
Sol : Envisager l’agriculture urbaine en pleine terre sur l’Ilot Neyron ?
Partenaire : Ecole des Mines de Saint-Étienne
L’ilot Neyron, comme la plupart des friches industrielles, présente un sol fortement anthropisé, où des années d’occupation par des bâtiments, la circulation d’engins lourds ou la venue des remblais divers ont abouti à un sol compacté qui n’accueille plus les qualités d’un sol fertile. L’ilot Neyron a été fléché comme site expérimental pour la régénération d’un sol fertile, c’est-à-dire d’un sol vivant présentant les qualités agronomiques permettant la mise en place de cultures.
Cette régénération est envisagée par le biais du compostage des déchets organiques ménagers. Cependant, avant d’envisager la mise en place d’agriculture urbaine, il convient de purger le risque lié à la pollution Des analyses sur des cultures potagères expérimentales de produits comestibles issus de la friche permettront de vérifier leur contamination éventuelle et d’évaluer in fine les possibilités de consommation.
Bâtiment : Des matériaux composites au secours du bâti ancien
Partenaire : ENISE
L’ENISE travaille sur le développement de matériaux composites de nouvelle génération, à des fins de stabilisation et rénovation de façades, voire en renforcement de structure : les TRC (Textile ReinforcedConcrete). Ce travail de recherche préalable, en lien avec des industriels, a permis de développer des matériaux composites dont l’un des avantages est environnemental (matériaux géosourcés, textiles naturels, bilan carbone). Ces matériaux sont maintenant en cours de développement et nécessitent des expérimentations en conditions réelles. Des tests in situ pourraient être mis en œuvre sur la halle Freyssinet ou la façade Charvin.
Bâtiment : Réinventer le logement « HQEU »
Partenaires : FIBOIS, Atelier des Vergers
L’interprofession Fibois 42 mène une action sur la formalisation d’une « méthodologie de projet biosourcé » visant à identifier et objectiver à la fois les modes constructifs les plus pertinents au regard du ratio coût / efficacité et les capacités en matière de ressource locale bois et biosourcés (ressource forestière, produits, acteurs locaux et savoir-faire spécifiques…). L’objectif de cette action est de formaliser une documentation à destination des concepteurs pour encourager une méthodologie de projet cohérente avec les spécificités de la construction bois et fournir une aide à la décision sur les modes constructifs, matériaux et produits à privilégier. Cette méthodologie de projet a vocation à s’appliquer sur l’îlot Neyron mais également à d’autres projets dans une perspective de réplicabilité sur le territoire ou, à terme, dans d’autres territoires.
En complémentarité avec cette réflexion sur les modes constructifs bas carbone, l’Atelier des Vergers porte une réflexion pour faire émerger des concepts réplicables sur le logement de demain, autour de des qualités d’usages du logement et des nouvelles manières d’habiter. Cette réflexion semi-théorique de conception tiendra néanmoins compte des contraintes du site d’étude et du marché stéphanois du logement.
L’enjeu est de concilier une recherche d’équilibre entre qualité environnementale, qualité d’usage et abordabilité (notion de Haute Qualité Environnementale et d’Usage ou HQEU.
Le programme Démonstrateurs Ville Durable implique un schéma organisationnel très différent des méthodes d’aménagement classique, et Neyron embarque un nombre particulièrement important d’acteurs et partenaires au regard de l’ampleur des problématiques traitées.
La participation des habitants et forces vives et leur implication dans le projet est également primordiale dans la démarche, avec l’ambition d’impliquer le public dans la conception et la mise en œuvre du projet.
Médiation et co-construction
Partenaire : Cité Services
La co-construction du projet avec l’ensemble des acteurs locaux est l’un des enjeux majeurs du démonstrateur. L’ambition est ici d’aller vers une co-construction soutenue pour définir précisément la programmation, en particulier celle de l’ensemble des usages du rez-de-ville.
Un cycle de concertation s’est tenu à l’hiver 2023-24, reprenant le processus porté par la Ville de Saint-Étienne (réunions plénières d’ouverture et de clôture, une balade urbaine et et un cycle d’ateliers thématiques). L’objectif de ce cycle de concertation a été de mobiliser les participants sur 4 questions majeures pour le projet urbain et s’inscrivant dans les questionnements auxquelles doit répondre le démonstrateur Ville Durable :
- Quelle identité pour le quartier ?
- Quel habitat pour demain ?
- Quelle activation pour le rez-de-ville ?
- Quelles fonctions, quels usages pour les espaces publics du quartier ?
En complément de ce cycle de concertation, des dispositifs de communication interactive sont mis en place sur site et de manière dématérialisée.
Évaluation et réplicabilité
Partenaires : Tribu - CIRIDD
Le volet évaluation est fondamental car il objectivera l’apport des solutions expérimentées en vue d’une réplicabilité optimale permettant, dès la première réplication, de s’affranchir des études nécessaires à la validation des solutions retenues. Une évaluation globale et multifactorielle du démonstrateur est réalisée par TRIBU. Une attention particulière sera portée à l’évaluation des points suivants :
- L’évaluation de l’efficacité globale du démonstrateur en matière de performance environnementale
- L’évaluation des impacts socio-économiques du démonstrateur
L’intérêt des démonstrateurs de la ville durable réside également dans leur propension à essaimer, sur le territoire national, les solutions innovantes expérimentées localement. Ainsi, l’ambition de réplicabilité s’attache à partager des façons innovantes de penser et de faire la ville durable dans une démarche d’appropriation critique et non d’affiliation automatique.
Partant de ce principe, le CIRIDD propose un cadre stratégique de réflexion autour de la réplicabilité du démonstrateur Neyron. Ce cadre stratégique décompose la réplication de solutions (techniques ou méthodologiques) développées sur le démonstrateur stéphanois, en trois temps :
- La réverbération : premiers essais à l’intérieur du périmètre d’étude sur l’îlot Neyron ou à proximité.
- La résonnance : une fois la phase opérationnelle bien avancée, les solutions innovantes testées et confirmées sur le secteur Neyron pourront être éprouvées sur d’autres quartiers d’intervention de l’EPA, voire à l’échelle métropolitaine par d’autres acteurs publics. Ce temps servira notamment à rationaliser les coûts liés à l’innovation et démontrer une véritable opérationnalité des solutions développées à partir du démonstrateur.
- La transmission : au terme de la phase opérationnelle, les solutions en matière de durabilité urbaine, éprouvées localement, seront partagées plus largement par exemple sous forme de livrables (guide méthodologique ou document de restitution des opérations) pour faciliter la réplication à l’échelle nationale. L’engagement de l’EPA au sein du réseau des démonstrateurs de la ville durable sera un gage de réussite du démonstrateur.
Qui sommes-nous ?
L’EPA s’est entouré de nombreux partenaires dans le cadre d’un consortium : Fibois, Ecole des Mines, Enise, Ronalpia, CIRIDD, Cité service, Atelier des Vergers, Cerema, Holcim, Tribu. Ensemble, nous proposons de répondre à une ambition forte autour des nombreuses problématiques auxquelles doit répondre le démonstrateur :
- Comment construire un habitat de qualité répondant aux enjeux de qualité d’usages et qualité environnementale à un prix abordable dans ce contexte technique contraint ?
- Comment apporter des services à la population sans développer des services publics ?
- Comment regénérer un sol fertile sans passer par une dépollution massive et des apports de terre végétale ?
- Comment impliquer les habitants sur le temps long des projets urbains et associer les forces vives du quartier au processus d’élaboration du projet ?
