ZAN, logement et réindustrialisation : l’impossible équation ?  

Rédigé par

Stéphanie Santerre - Construction21

Journaliste

719 Dernière modification le 06/02/2024 - 11:48
ZAN, logement et réindustrialisation : l’impossible équation ?  

S’il est adopté par une majorité de Français pour des raisons écologiques évidentes, l’objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN) n’est pas sans faire douter les territoires de sa pertinence face aux ambitions de réindustrialisation et notamment du développement des filières vertes. Dans son dernier baromètre, Arthur Loyd en révèle les contradictions tenaces. 


Il vise à préserver la biodiversité, réduire l’ampleur des risques naturels ou encore à assurer une meilleure gestion du foncier d’ores et déjà artificialisé (reconversion des friches), et pourtant, le ZAN n’est pas sans soulever résistances et contradictions chez certains élus des territoires, d'aucuns le percevant comme un frein à la réindustrialisation du pays et à l’attractivité des bassins d’emplois et résidentiels. Selon le cabinet Arthur Loyd, qui publie son 7ᵉ baromètre sur l’attractivité & résilience des métropoles et la transition des territoires, il conduirait également à une augmentation du coût de l’immobilier, du coût de la vie de ses habitants et des dépenses immobilières pour les entreprises.

Des hectares ou jamais 
En l’état, le rythme d’artificialisation des sols entre 2021 et 2030 devra être divisé par deux par rapport à la période 2011-2020, signifiant qu’aucune surface ne pourra être artificialisée sans qu’une autre n’ait été renaturée. En conséquence, quelque 113 000 hectares devraient manquer en France métropolitaine entre 2021 et 2030, chiffre l’étude, pour permettre le développement des territoires. Selon Arthur Loyd, la reconquête de friches, la transformation de bâtiments obsolètes et le recyclage urbain, bien qu’à privilégier pour la transition environnementale, ne suffiront probablement pas à court et moyen terme à compenser le manque à artificialiser, tant ils sont longs et complexes à mettre en œuvre. « Une situation qui devrait aboutir à une tension immobilière plus forte (immobilier résidentiel ou professionnel) et entraîner une augmentation du coût de l’immobilier sur le long terme. Par conséquent, l’Objectif ZAN devrait dégrader le pouvoir d’achat des ménages et obérer la compétitivité des entreprises. » 

Territoires verts vs filières vertes ? 
Parmi les bassins d’emplois hexagonaux, le Grand-Ouest, le bassin toulousain ou encore le couloir rhodanien – « symboles du phénomène de littoralisation de la société française » - font figure de grands perdants du ZAN, ralentis dans leur élan industriel et ainsi leurs besoins fonciers. A l’inverse, six territoires, localisés pour la majorité d’entre eux en Grand-Est, en Hauts-de-France et en Corse, disposent paradoxalement d’un solde d’artificialisation positif par rapport à leurs besoins théoriques (ces derniers n’ayant connu qu’un faible niveau d’artificialisation entre 2011 et 2020, et bénéficiant de la mise en place de la garantie rurale). 

« L’Objectif ZAN favorise les territoires déjà artificialisés, en particulier les grandes métropoles, qui auront la possibilité de reconquérir les espaces urbains sous-exploités », nuance encore Arthur Loyd, qui pose également la question de l’impact du ZAN sur le développement des filières vertes porté par l’ensemble des territoires, à l’image des gigafactories de batteries et leur écosystème (logements, établissements scolaires, de santé, commerces, infrastructures de transport…).

« L'installation de ces usines requiert d'importantes disponibilités foncières, notent les experts, qui estiment que la sobriété foncière aurait « des effets insidieux sur l'aménagement du territoire en favorisant les initiés au détriment des nouveaux arrivants. » 

Entre bon sens et aspirations profondes 
Le ZAN, qui s’inscrit, par son ADN même, dans une démarche de transition écologique portée par la loi Climat et résilience, pourrait-il nuire à la souveraineté industrielle et plus spécifiquement à la l'industrialisation verte ? Le dynamisme économique en la matière fait en effet réfléchir : au cours de 2023, la transition climatique témoigne d’un record de montants investis dans les filières de transition climatique avec 12,8 milliards d’euros engagés au 1er semestre, et 22 à 24 milliards d’euros attendus sur ce segment pour l’ensemble de l’année écoulée - filières des batteries & véhicules électriques et du solaire en tête, rapporte Loyd. 

Véritable avancée ou balle dans le pied…, c’est bien cette équation qu’il faudra trancher, à l’échelle des territoires mais aussi du mode de vie des Français. Le souhait des citoyens, qui plébiscitent largement le ZAN tout en déclarant privilégier une maison individuelle et un jardin…, continue ainsi à révéler de profondes contradictions au sein de la société, relaie un sondage Ipsos. Dans la même veine, si une majorité de Français souhaite des villes moins denses et plus d’étalement urbain, ils ne sont naturellement pas prêts à subir la pénurie et la hausse des prix du logement…, et in fine, à renoncer à un environnement agréable. 

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