Une charpente en bois de réemploi et torchis dans un chantier-école parisien

Rédigé par

Amandine Martinet - Construction21

Journaliste

1952 Dernière modification le 05/10/2023 - 10:52
Une charpente en bois de réemploi et torchis dans un chantier-école parisien

Une opération de construction participative et inclusive s'achève dans le 20e arrondissement de la capitale. Il se caractérise par un mix de ressources aussi peu commun que vertueux écologiquement. 

L'atelier Landfabrik s'attache depuis sa création à œuvrer pour des projets novateurs à faible impact environnemental, en mettant des matériaux de construction issus de la nature sur le devant de la scène : une médiathèque chanvre et paille dans le Loir-et-Cher, une légumerie en circuit court en caisson paille et bois des Alpes dans l'Isère... 

Benoît Rougelot est architecte au sein de cette agence engagée. Nous l'avons rencontré sur un chantier qui a cette fois lieu en plein cœur de Paris. Visibles depuis la rue des Couronnes, des allées et venues de plusieurs volontaires venus participer à la construction de la charpente d'un abri extérieur en se reposant essentiellement sur un duo de matériaux biosourcés : du bois issu du réemploi (Douglas) et de la terre crue

Au départ, sur cet espace extérieur entourant un immeuble résidentiel de 9 étages pour 140 logements, nous sommes sur une configuration typique des années 1980 —  dominée par le béton, les parpaings et les enrobés —, que le maître d'ouvrage Paris Habitat a voulu contrer avec un mot d'ordre : la renaturation. Le début du chantier a donc consisté à désimperméabiliser la zone pour lutter contre les îlots de chaleur. 

Pour la suite du projet et la construction de la charpente, Benoît Rougelot nous explique avoir souhaité mener une « pédagogie expérientielle » au côté d'étudiants de Master 2 de l'École d'Architecture de Paris La Villette (ENSAPLV), mais aussi de tout volontaire voulant prêter main forte ou simplement s'intéresser à l'avancée de l'opération. « C'est un gros travail d'équipe. Tout le monde travaille ensemble ! C'est dans la coordination et l'articulation des corps de métiers que l'on trouve les meilleures réponses. » affirme Sophie Popot, architecte ayant participé à l'élaboration du Guide des bonnes pratiques de la construction en terre crue, et l'une des encadrantes du chantier.

L'objectif ? Sensibiliser et impliquer les particuliers sur l'emploi de ressources naturelles dans le secteur du bâtiment. Dans cette logique d'apprentissage, différents tests de techniques constructives ont été menés pour retenir celle du torchis : de la terre crue mélangée — au pied ! — avec du foin, pour obtenir un savant mélange terre - fibre. Ce dernier est ensuite apposé sur une charpente en bois de réemploi bâtie au préalable, permettant ainsi de la protéger (comme cela se fait déjà dans des régions de France telles que la Normandie ou le Nord-Pas-de-Calais). 


À noter également que les ressources employées sur le chantier rue des Couronnes n'ont pas été extraites spécifiquement pour celui-ci, et ne sont pas non plus à leur première vie : la terre crue a été excavée pour les besoins d'une opération ailleurs dans la capitale, et le bois provient du démontage d'autres charpentes. Plutôt que de partir à la déchetterie, ces matériaux ont donc été récupérés et réemployés pour les besoins du projet mené par Landfabrik. Par ailleurs, les fibres végétales non utilisées sur ces travaux seront replantées en pleine terre, toujours dans cette logique de circularité. 

Sophie Popot nous explique que le torchis est une technique très ancienne, inventée au moment de l'apparition de l'agriculture, dont le principe est d'employer des matériaux générés par d'autres activités : « c'est un coproduit s'inscrivant dans une économie vernaculaire, qui n'a pas d'impact environnemental ». C'est cette même notion d'économie vernaculaire qui est répliquée sur l'opération rue des Couronnes. Une innovation et un défi, car ici, le torchis doit répondre aux normes et règles régissant l'élaboration d'une cloison (d'où le choix d'une structure en bois soutenant l'ensemble), tout en faisant avec les ressources disponibles. 

Kenza, étudiante à l'École d'Architecture de Paris La Villette, prépare un mémoire sur la terre crue et sa résilience aux ondes sismiques, au travers de différentes techniques constructives. Le chantier-école rue des Couronnes lui a permis de faire des tests pour avancer sur son travail : « il n'existe pas de technique de construction parfaite. Mais parmi toutes celles que je connais, le torchis est pour moi la plus résistante ».

Enfin, cette opération bien particulière n'emploie aucun appareil électrique : tout est fait manuellement, « comme cela a été fait en France pendant des centaines d'années ! » [Benoît Rougelot]

Débuté le 4 septembre, le « chantier-école » rue des Couronnes touche à sa fin : le mélange en terre - fibres désormais apposé à la structure, les finitions sont en cours pour un achèvement ce vendredi 6 octobre. 

 

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