Tour Insee à Malakoff : une démolition qui soulève l’indignation

Rédigé par

Amandine Martinet - Construction21

Journaliste

4673 Dernière modification le 20/03/2024 - 14:28
Tour Insee à Malakoff : une démolition qui soulève l’indignation

Nombre d’acteurs se battent contre la décision de l’État de supprimer un édifice emblématique de la ville de Malakoff, proche de Paris. Entretien avec l’une d’entre eux, Sarah Tartarin, vice-présidente de l’association IN C’ Malakoff – dédiée à cette cause –, avec en toile de fond une question résolument d’actualité : supprimer pour reconstruire, ou conserver pour réhabiliter ?
 

Quelque 50 mètres de haut pour 32 500 mètres carrés voués à disparaître très prochainement : tel est le destin – sans appel ? – de l’ancien siège de l’Insee dans les Hauts-de-Seine. Depuis plusieurs mois, le bruit court dans les médias de l’opposition d’élus, scientifiques et autres habitants, face au projet de démolition de la Tour Insee, ordonnée par le ministère des Affaires sociales. 

Nouveau rebondissement le 25 septembre dernier alors que la ville avait déposé un référé-suspension pour demander l’arrêt immédiat du chantier en cours : le tribunal de Cergy le rejette, les opérations peuvent donc se poursuivre. Au grand dam de ceux qui ne comptent pas baisser les bras. Parmi eux, Sarah Tartarin, qui revient sur cette polémique sur fond d’erreur écologique. 

Une étude édifiante 

La lutte commence réellement il y a deux ans lorsque l’Etat fait part de sa volonté de détruire ce bâtiment…, pour y reconstruire un immeuble de bureaux de la même surface. Une aberration pour Sarah Tartarin qui souligne les nombreuses qualités fonctionnelles, architecturales et patrimoniales de l’édifice existant… et déjà doté, en fait, de l’usage recherché post-démolition. 

Par ailleurs, la vice-présidente de l’association IN C’ Malakoff relate qu'une étude de 60 pages sur ledit bâtiment, commanditée par le gouvernement, a été livrée il y a tout juste un an. Cette dernière ne comporte aucun argument bienfondé démontrant qu’il n’est pas possible de réhabiliter la tour. Au contraire, elle propose trois scénarii de rénovation, tous moins chers (110 millions d’euros vs 176 millions) et moins carbonés que celui de la démolition-reconstruction. L’étude en question ajoute que les émissions carbone de la destruction de l’immeuble nécessiteraient d’attendre pas moins de 800 ans pour être compensées


Une prise de hauteur de l'État nécessaire 

Sarah Tartarin argue par ailleurs que le projet futur ne correspond pas au PLU actuel de la ville de Malakoff – qui limite la hauteur des bâtiments à 50 mètres, contre 65 mètres pour la future tour. On rappelle également que le prochain PLU dit « bioclimatique » de la capitale prévoit de privilégier les réhabilitations plutôt que les démolitions. Autant d’éléments qui démontrent, selon notre interlocutrice, que « l’État ne montre pas l’exemple » au travers de cette opération. 

Le problème ? Une association ne peut attaquer un permis de construire que si elle est créée au moins un an avant son dépôt. Mais IN C’ Malakoff lutte, défend ses idées au sein du conseil municipal de Malakoff, et obtient de la mairie qu’elle s’oppose publiquement au projet de démolition. Même chose pour la mairie du 14e arrondissement de Paris – qui fait face à la tour – et la mairie centrale de Paris, qui chacune ont émis le vœu d’arrêt du projet. L’ordre des architectes a également pris position publiquement sur le sujet. Un consensus semble donc se créer autour du maintien de l’édifice, cristallisé par une pétition citoyenne qui a recueilli pas moins de 19 000 signatures. 

David contre Goliath ? 

Quel est donc l’axe de défense du ministère des Affaires publiques, seul acteur qui semble encore persuadé de la nécessité de démolir et reconstruire l’ensemble ? Ce dernier affirme que s’il y a réhabilitation, le chantier serait ralenti de deux ans, durant lesquels le ministère devrait louer les bureaux actuellement utilisés par les salariés de la tour, pour un montant de 66 millions d’euros… Une somme qui correspond justement à l’écart de tarif entre démolition et réhabilitation. Autre argument : le bâtiment reconstruit serait plus performant énergétiquement que la structure réhabilitée – seulement, les chiffres avancés en ce sens ne sont pas remis en perspective en fonction des émissions carbone et autres désagréments en tout genre suscités par une telle opération lourde de démolition. 

Dernier événement en date ? Une « enquête publique préalable environnementale » de modification de PLU de plusieurs milliers de pages a été déposée il y a quelques semaines en mairie de Malakoff, à destination des citoyens. Ces derniers ont jusqu’au 6 décembre pour parcourir ce document et rédiger un avis argumenté quant à la démolition de la Tour Insee. Un non-sens, pour la vice-présidente de IN C’ Malakoff, compte tenu des délais de démolition – annoncée courant novembre par les autorités.

L’issue de la situation semble aujourd’hui relativement inéluctable. L’association n’a pas trouvé de soutien auprès des autres ministères contactés, et les mairies, pourtant engagées à leur côté, n’ont pas de réelle gouvernance et pouvoir décisionnaire sur ce projet. La politique du « c’est trop tard » semble donc s’imposer… Inéluctablement ? 

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