Surélévation des bâtiments : créer des surfaces sans aucune artificialisation

Rédigé par

Stéphanie Obadia

Directrice de la rédaction

3554 Dernière modification le 19/01/2023 - 11:18
Surélévation des bâtiments : créer des surfaces sans aucune artificialisation

 

La surélévation des bâtiments, une réponse efficace aux besoins de rénovation et de densification des villes ? Entretien avec Géraldine Bouchet-Blancou, directrice Recherche Urbaine et Architecturale chez Upfactor. Et coauteure de l’ouvrage La surélévation des bâtiments avec Didier Mignery, le CEO de l’entreprise.  

En quoi la surélévation peut-être une réponse à la rénovation urbaine ?

Elle est un levier de financement de la rénovation thermique et énergétique des bâtiments, ainsi qu’un déclencheur de travaux. À l’échelle urbaine, sa capacité à massifier la rénovation du parc bâti est limitée au potentiel de foncier aérien exploitable (et effectivement exploité), qui est réduit (la surélévation ne répondra pas seule aux besoins de rénover le bâti) mais pour sa part, il est important d’exploiter ce levier et de systématiquement lier la surélévation aux besoins de rénovation.

La surélévation n’est pas toujours l’option choisie pour la densification urbaine. Est-elle toujours adaptée ?

La surélévation fait partie des outils de densification, au côté d’autres outils dont les qualités permettent de répondre à certains contextes. Chaque contexte a sa solution de densification idéale ! La surélévation s’adapte généralement à la plupart des contextes urbains, mais elle est généralement un outil utilisé dans les secteurs urbains tendus, car le surcoût de projet (lié au risque et aux travaux additionnels que cela représente) nécessite un équilibre financier amorti par un prix de sortie des bien créés qui soit un peu plus haut que la construction neuve. Des évolutions permettraient de réduire le risque.

Quels freins reste-il à lever (notamment techniques, assurantiels, esthétiques…) ? Quelles évolutions prônez-vous ?

Coté juridique, il n’y a pas de problème si le projet est mené dans les règles de l'art et avec une maîtrise d'ouvrage qualifiée dans les opérations en monopropriété. En copropriété, des avancées ont été réalisées comme la simplification des règles de vote par l'abandon du droit de véto des habitants du dernier étage au profit d'un droit de préemption ou encore l'application de vote à une majorité qualifié de l'art. 25 (50 et 1 tantièmes) avec la possibilité d'un vote passerelle si la résolution retient le tiers des votes au premier tour, à la majorité des présents et représentés. Cependant, en cas de densification, la majorité de l'art. 26 est imposée (2/3 des voies). La modification de ce point serait à envisager pour aligner les intérêts de la densification des parcelles déjà construites et les surélévations. 

Coté fiscal, la suppression (renouvelée jusqu’à fin 2024) de la taxe sur la plus-value immobilière dans le cas de la vente des droits à surélever en copropriété facilite la mise en œuvre des projets. Sa pérennisation serait néanmoins une bonne chose. Attention toutefois à l'application de la plus-value dans le cas d'une densification en copropriété (abattement 15K par propriétaire), parfois associée à une surélévation et qui peut contraindre la réalisation globale.

Les règles de stationnement du Code de l'Urbanisme est un point bloquant majeur ? 

Oui, mais il peut tout aussi bien être vite débloqué (car dérogatoire), dès que la volonté politique de la commune soutient la densification par surélévation. Tout comme d’ailleurs le Code de la Construction et de l'Habitat. Certains points peuvent être bloquants comme l'obligation de mise en conformité des parties communes (obligation de création d'un ascenseur ou de locaux poussette/vélo au RDC, etc), la requalification en neuf des surélévations si on dépasse la moitié de la surface de l'existant, ou les normes d'accessibilité et incendie (dont les largeurs des voies de dessertes des bâtiments et les circulations verticales).

Mais là encore, la possibilité de déroger aide généralement à ce que les projets soient menés en cohérence, tout en dépendant, encore une fois, de l'appui politique. 

De même pour le Code Général des Impôts (ex: taux de TVA, bénéfices de MPR, etc.) ?

Les taux de TVA ne sont pas réellement des freins à la mise en œuvre des projets, ou seulement dans de très rares cas. Seule une baisse de la TVA sur la construction neuve en surélévation (de 20 à 5,5%) serait éventuellement utile, mais uniquement dans le cas d'une maîtrise d'ouvrage "directe" par le syndic de copropriété afin de ne pas gonfler les marges des promoteurs... Aussi, concernant les aides à la rénovation (Ma Prime Rénov etc.), ses bénéfices sont cumulables avec la valorisation du droit à surélever, donc il n'y a pas de problème à ce niveau-là. De même pour les bonus Certificats d’Économies d’Énergies (CEE).

Voyez-vous d’autres freins ? 

Deux en particulier. Le premier est l'absence de garantie quant à l'application des règles de hauteur dictées au PLU, qui rendent complexe et incertain tout le processus de projet. Les étages dits "sacrificiels" par les promoteurs leur font augmenter leurs marges, en prévision, et réduisent d'autant le financement des travaux de la copropriété. Le second est la forte réticence des instances patrimoniales, dont il n'est pas toujours possible d'avoir un avis préliminaire au projet.
Cependant, grâce à l’approche "urbaine", ces deux points sont levés parce que la surélévation est envisagée en concertation et très en amont de la mise en œuvre des projets, dans une approche filtrante et cohérente correspondant à la stratégie de développement urbain et de rénovation du bâti déjà en place.

Comment allier surélévation et enjeux environnementaux ? 

La surélévation présente la vertu environnementale de créer des surfaces sans aucune artificialisation. Si le bien créé répond à un besoin d’usage, s’il finance une partie de la rénovation et met en œuvre des matériaux bio/géosourcés, c’est encore mieux !


Propos recueillis par Stéphanie Obadia, Directrice de Construction21

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