Stocker l’électricité, le grand défi de la transition énergétique

Rédigé par

Leonard / Matthieu Lerondeau

Head of Communications & Communities, Leonard

1851 Dernière modification le 09/11/2023 - 10:00
Stocker l’électricité, le grand défi de la transition énergétique

Intermittentes, les énergies renouvelables prennent une place grandissante dans les mix énergétiques. Dans leur sillage, les besoins en stockage d'électricité se multiplient également et donnent lieu à une course à la capacité ainsi qu’à l’innovation technologique.


L’électrification du mix énergétique est à la fois un besoin et une réalité. Réalisée à partir d’énergies décarbonées, elle permet en particulier de réduire notre dépendance aux énergies fossiles. Selon le scénario Net Zero Emissions by 2050 de l’AIE, l’électricité doit ainsi passer d’une part d’environ 20 % de l’énergie finale consommée en 2022, à une part de 27% d’ici 2030. Cette croissance des volumes s’accompagne à la fois de nouveaux usages (automobiles en particulier) et de nouveaux modes de production (décarbonés). Or, ces derniers impliquent une grande variabilité, à la fois des besoins et des sources de production.

En France en 2019, la puissance éolienne a oscillé entre 46,7 GW et 0,4 GW et la puissance photovoltaïque 1,3 GW et 33,6 GW ! Dans ce contexte, notre capacité à stocker l’énergie conditionne en partie la réussite de la transition énergétique. On parle aujourd’hui Long duration energy storage (LDES) pour désigner un secteur en plein essor. En témoigne la création d’un LDES Council pendant la COP 26, dont l’ambition est de multiplier par au moins 8 la capacité de stockage tout en faisant baisser les coûts de 60 %… 

Un angle mort de la transition ?
Si les ambitions affichées par le LDES Council peuvent sembler extrêmes, il convient de rappeler que le secteur est encore peu développé. Il n’existe pas aujourd’hui de business model bien défini pour les solutions de stockage et seule la solution de transfert d’énergie par pompage (STEP) peut être considérée comme mature, avec des rendements techniques de l’ordre de 80 %. On note néanmoins un fort volontarisme de la part des États : 910 millions de dollars ont été investis en 2021, contre 130 en 2018. La Chine est particulièrement active et compte pour plus de 60% des nouveaux investissements dans les STEP. Toutes technologies confondues, la super-puissance asiatique totalisait une capacité de stockage de 8.7GW à la fin de l’année 2022 – soit une augmentation de 110% par rapport à l’année précédente – avec l’objectif d’atteindre 50GW d’ici 2025 ! 

Une offre technologique hétéroclite 
Le paysage technologique du stockage d’électricité compte plusieurs dizaines de solutions différentes, qui peuvent être réunies en grandes familles. Les solutions mécaniques s’appuient sur l’énergie cinétique et potentielle, qui peut être restituée lorsque c’est nécessaire. Les STEP appartiennent à cette famille et constituent aujourd’hui une large majorité de la capacité à l’échelle mondiale. Elles fonctionnent comme des centrales hydroélectriques classiques en heures pleines, et utilisent des solutions de pompage pour réacheminer l’eau de l’aval vers l’amont en heures creuses.

Les solutions électrochimiques désignent toutes les formes de batteries : lithium-ion, lithium-fer-phosphate, sodium-soufre, plomb-acide, nickel-cadmium, flux redox, etc… Elles se développent aujourd’hui à grande vitesse, mais doivent encore lever un certain nombre de barrières comme la vitesse de dégradation, ou la dépendance aux matériaux critiques. Les solutions chimiques consistent principalement à valoriser le power to gas (P2G) en stockant une électricité potentielle sous forme gazeuse (hydrogène ou méthane). Enfin, les solutions thermiques s’appuient principalement sur les principes de chaleur sensible et latente en valorisant la capacité des matériaux à absorber et restituer la chaleur.  

Le boom des batteries
Face à la maturité des solutions hydrauliques, les batteries tentent de rattraper leur retard. Portées par la vague d’innovation liée au développement des véhicules électriques, elles s’imposent aujourd’hui comme des alternatives crédibles. La première piste passe par les véhicules eux-mêmes avec le développement du V2G, qui utilise les batteries automobiles comme vecteur de stockage pour le réseau. Une étude de l’université de Leiden estime que cette solution pourrait couvrir la totalité des besoins de stockage de court terme d’ici 2030… En parallèle, les batteries fixes destinées à un stockage de long terme se développent également. En Belgique, la plus grande centrale européenne de ce type a récemment été inaugurée. Elle s’appuie sur le technologie Megapack de Tesla et peut délivrer jusqu’à 50MW de puissance. 

Les promesses de l’hydrogène  
L’hydrogène constitue un vecteur propre pour stocker l’excédent de production renouvelable. Un des enjeux principaux réside aujourd’hui dans le stockage de ce gaz particulièrement peu dense et volatil. La solution du stockage géologique en cavité saline est prometteuse et mobilise les industriels comme Geostock, filiale de VINCI, qui utilise le sous sol comme réservoir ! D’autres s’appuient sur la propriété de certains métaux à absorber le fameux gaz pour faciliter son stockage. Une équipe de chercheurs du CNRS a récemment remporté le prix de l’inventeur européen de l’année remis par l’Office européen des brevets pour son système de stockage à base de magnésium…

Un foisonnement de solutions 
Au-delà des solutions dominantes du marché, le foisonnement d’innovations laisse imaginer des développements inattendus pour le stockage d’électricité. Le stockage gravitaire (au-delà des solutions hydroélectriques) est peut-être un des plus surprenants : il consiste à laisser tomber un poids important et à récupérer l’énergie produite dans le processus. L’entreprise Suisse Energy Vault développe déjà en Chine une centrale fondée sur ce principe d’une capacité de 25 MW. La solution de batteries thermiques au sable offre également de belles promesses en se passant de matériaux onéreux. A Kankaanpää en Finlande, l’entreprise Polar Night Energy a déployé la première version commerciale de la solution avec un dispositif d’une capacité de 8MWh.

Enfin, la technologie de stockage par volant d’inertie n’est pas vraiment nouvelle – c’est même l’une des plus anciennes – mais elle pourrait retrouver des couleurs face à l’ampleur de la demande. Cette dernière consiste à emmagasiner de l’énergie grâce à la rotation d’un objet lourd pour la restituer à l’aide d’un générateur. Energiestro, récent lauréat du concours EDF Pulse, met à profit le béton fibré pour optimiser le dispositif. La startup Revterra, promet quant à elle de dépasser la limite du temps de stockage inhérente aux volants d’inertie grâce à l’utilisation de nouveaux matériaux ou à la suspension du rotor… 

Des technologies les plus anciennes aux plus futuristes, des solutions individuelles aux grandes centrales, le secteur du stockage d’électricité est en train de se structurer à grande vitesse. Une nécessité face aux enjeux de la transition énergétique.


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