Rénovation : un bouquet de solutions douces liées au bâti

424 Dernière modification le 13/03/2024 - 11:35

DOSSIER C21 - Détecter les appartements vulnérables est crucial pour les gestionnaires de bâtiments et les collectivités locales, afin d’anticiper les travaux de rénovation à mener pour minimiser l’inconfort d’été et les risques sanitaires potentiels associés. Des travaux pour satisfaire l’occupant mais aussi pour prendre en compte les coûts énergétiques liés à l’usage de nouveaux systèmes installés. 

Les appartements doivent protéger leurs occupants des températures de plus en plus élevées. À ce jour, le retour des occupants fournit une estimation du niveau de résilience des logements face au climat actuel. Que se passera-t-il dans ces mêmes logements à des horizons plus lointains ? Cette étude vise à mettre en évidence les paramètres clés du bâtiment impactant l’inconfort d’été ressenti selon les climats actuels et ceux de 2050. La deuxième étape évalue les systèmes ou bouquets de solutions pouvant répondre à la problématique de l’inconfort d’été. 

Identifier les logements déficients 
La méthode repose sur plusieurs étapes en vue d’identifier in fine les paramètres les plus impactants du confort intérieur. La première vise à créer un échantillon de bâtiments représentatif du parc français afin de calculer le confort thermique estival à l’aide de simulations thermiques dynamiques (grâce aux données de la Base de données nationale des bâtiments en partie enrichie par la base de données DPE).
L’indicateur DH, développé pour la RE2020 et basé sur la norme européenne de confort adaptatif, est retenu pour étudier la vulnérabilité des logements aux fortes chaleurs. Les logements issus de l’échantillonnage ont été modélisés afin de simuler leur confort estival depuis le cœur de calcul réglementaire. Différents horizons climatiques ont été étudiés, présent et 2050, ainsi que trois villes : Nîmes, Nantes et Paris. Le niveau d’inconfort calculé a permis de classer les logements en différents groupes, et d’identifier les paramètres les plus impactants.

Paramètres liés au bâti - Trois phénomènes physiques influent sur le confort en été, et cette étude a permis d’étudier les paramètres les plus impactants liés à ces phénomènes :

  • Minimiser les gains solaires : l’usage efficace de protections solaires extérieures est crucial pour réguler la température intérieure. La présence de masques urbains, un taux de vitrage faible en façade permettent, au second ordre, de maitriser également la température intérieure.
  • Évacuation de la chaleur via la ventilation naturelle nocturne : les logements traversants facilitent la dissipation nocturne de la chaleur accumulée, aidant à réduire la température avant les journées chaudes. Le ratio d’ouverture des fenêtres est un paramètre complémentaire car il impacte le débit obtenu en rafraichissement nocturne.
  • Inertie thermique : ce facteur influence le confort intérieur, mais perd de son efficacité lors de périodes prolongées de chaleur, car le bâtiment accumule la chaleur sans possibilité de la dissiper la nuit. 

Des différenciations ont été observées entre les bâtiments de logements et les maisons. Les logements situés sous les toits sont particulièrement exposés à la chaleur. Modifier la couleur de la toiture et améliorer son isolation permet d’atténuer cet effet. L’impact de l’isolation des murs est plus important pour les maisons individuelles, car la surface d’échange des parois avec l’extérieur est plus grande que dans le cas des logements collectifs.
 
Impact des climats à l’horizon 2050 - L’inconfort thermique a été calculé pour tous ces logements pour des canicules typiques du climat d’aujourd’hui (fichiers météo règlementaires) et des canicules futures plus sévères.


À Paris et à Nantes, les maisons individuelles et les logements collectifs « normal » (étage intermédiaire du bâtiment) ont un inconfort modéré en canicule actuelle. Les logements « bad », soit les plus défavorables (studio non traversant en dernier étage et sans protections solaires) présentent déjà des niveaux d’inconfort élevés. Dans le cas des maisons, l’inconfort est assez modéré en climat actuel, mais l’inconfort calculé en canicule future est bien plus important.
À Nîmes, dès aujourd’hui, seuls les bâtiments neufs arrivent à résister aux canicules actuelles et aucun des bâtiments ne résiste aux canicules futures sans solutions supplémentaires pour rafraichir le bâtiment.

La rénovation pour le confort estival
Des solutions de confort d’été ont été testées numériquement dans le but de fournir aux concepteurs et gestionnaires de bâtiments des données objectivées pour choisir les meilleures solutions selon leurs besoins et contraintes spécifiques. Les solutions technologiques étudiées peuvent être classées en trois familles :

  • Les solutions en lien avec le bâti, qui modèrent les apports solaires dans le bâtiment : les protections solaires fixes et mobiles, et la gestion optimisée associée, les peintures réfléchissantes, les vitrages à contrôle solaire. La ventilation naturelle, quant à elle, permet l’évacuation pendant les périodes plus fraiches de l’énergie stockée en journée. 
  • Les solutions douces nécessitent de l’énergie électrique et permettent d’abaisser la température intérieure ou ressentie sans maintien d’une consigne : brasseur d’air, rafraichissement évaporatif indirect, puits climatique. 
  • Enfin, les solutions actives permettant le maintien d’une consigne de température : le géocooling, et la climatisation.

Résultats : les solutions liées au bâti et douces, prises individuellement, ont un effet bénéfique sur le confort intérieur des logements, dans les trois villes. Les protections mobiles et leur gestion optimisée comme dans la RE2020 permettent de réduire le nombre d’heures d’inconfort par un facteur 2 comparé à un cas sans protection solaire. Ces solutions sont suffisantes à Nantes et Paris pour maintenir le confort intérieur même en canicule future en 2050 pour un cas d’étude de bâtiment neuf. À Nîmes, elles sont insuffisantes pour les trois villes. 

Les bouquets de solutions : protection mobile, brasseur d’air, rafraichissement évaporatif indirect sont efficaces dans les trois villes pour le climat actuel. Pour le climat 2050 canicule moyenne, ils permettent de maintenir l’indicateur DH en dessous du seuil de 1250 DH. La mise en place des protections mobiles reste indispensable. Le rafraichissement évaporatif indirect est une solution très efficace, lorsque déployée dans toutes les pièces de vie, pour améliorer le confort notamment à Nîmes où l’inconfort est très élevé sans solutions additionnelles. À Nantes et Paris, l’indicateur de confort reste inférieur à 1250 DH, mais au-dessus de 350 DH, ce qui laisse présager des périodes d’inconfort.
La mise en place de protections mobiles permet une réduction de 20 % environ des consommations d’électricité des solutions actives. 

L’étude révèle que la plupart des logements, même ceux présentant certains avantages (positionnement en étages intermédiaires, caractère traversant ou la présence de volets), ne maintiendront pas un confort adéquat lors des canicules futures dans le sud de la France. Le choix et la mise en œuvre de solutions technologiques deviennent alors nécessaires. 

Les protections solaires associées à une gestion optimisée sont absolument nécessaires. Les bouquets de solutions liés au bâti ou douces permettent de maintenir un confort sur une grande partie de l’année à Nantes et Paris, avec des climats actuels et en 2050. Les solutions de rafraichissement, couplées avec des solutions liées au bâti, sont et seront nécessaires à Nîmes dans les années à venir. Cette étude montre enfin l’intérêt d’anticiper des périodes caniculaires et les climats futurs. Des études particulières par logements permettront de sélectionner les bouquets de solutions de rénovation estivale les mieux adaptés. L’analyse se poursuit avec les critères coût et impact carbone. 

Un article signé Anais Machard, ingénieure de recherche & Charles Pele, département Energie Environnement - CSTB 

Retrouvez tous les articles du dossier Adaptation & Résilience du Bâti

Partager :