Rénovation et décarbonation, la nécessaire association

Rédigé par

Amandine Martinet - Construction21

Journaliste

499 Dernière modification le 05/04/2024 - 12:00
Rénovation et décarbonation, la nécessaire association

Retour sur la conférence « Rénovation énergétique et décarbonation : accompagner le changement » organisée par le CCCA-BTP et ses partenaires lors de la première journée du salon BIM World, mercredi 3 avril à Paris. 

Décarboner, oui, rénover aussi. Mais plus encore que cela, ces deux termes se doivent d'être intrinsèquement liés, et c'est tout l'enjeu qu'ont voulu mettre au jour les différents intervenants conviés par le CCCA-BTP au BIM World. Aussi, comme l'a affirmé Franck Le Nuellec [Directeur Marketing de la structure] en guise d'introduction, « la rénovation est une façon d’entrer dans cette nouvelle ère de l’adaptation et d’atteindre la stratégie bas carbone de la France ». Dit simplement, on ne peut rénover sans décarboner, et on ne peut décarboner sans rénover. 

Mais comment engager un mouvement réel et massif du secteur du BTP dans cette voie ? De nombreuses pistes ont été évoquées au cours de la séquence. 
 

Adapter les compétences

La question de la formation est sans doute l'une de celles qui est revenue le plus souvent ce mercredi 3 avril à 17h. Face au double défi de la rénovation et de la décarbonation, les métiers changent et la connexion entre les parties prenantes évolue.

Quand Franck Le Nuellec parle de trois entités devant s'associer pour porter les efforts de la transition — l'usager, le professionnel et les acteurs publics —, Jean-Luc Buchou, Délégué Général de Cercle Promodul/INEF4, y ajoute les industriels. Ces derniers, comme les autres, doivent donc être formés à travailler autrement et main dans la main, conscients du fait que la compétence et la mise en œuvre qualitative de leur production serait la clé permettant d’aller vers un bâtiment durable.

Quelles sont les compétences requises en question ? Elles sont nombreuses. Gérard Sénior, président de Qualibat, insiste particulièrement sur la réversibilité des bâtiments en citant notamment l'architecte Lucien Kroll : « L’avenir est impossible à prévoir : faisons du parfaitement transformable techniquement et socialement ». Mais se posent également la question d'un meilleur financement et d'une meilleure clarté sur les aides financières existantes, la massification de la pratique du réemploi grâce à la traçabilité et l'analyse du cycle de vie des produits...

Pour acquérir ces savoir-faire propres à la transition du secteur, de nombreux supports, outils et autres initiatives existent et ont été présenté lors de la conférence. Un guide Qualitel dédié à la révsersibilité, le dispositif Rénoboost par le CCCA-BTP, la plateforme digitale Métabuilding pour stimuler l'innovation des TPE/PME au niveau européen, l'outil pédagogique HQE Pour Tous de l'alliance HQE-GBC, ou encore le projet Réno Carbone du Cercle Promodul à paraître dans quelques jours, permettant d'évaluer l’impact carbone des travaux de rénovation et de l’économie carbone réalisée dans le temps par rapport aux objectifs de stratégie nationale bas carbone. Autant d'exemples qui démontrent, comme l'a affirmé Franck Le Nuellec ce 3 avril, qu'il n’y a pas une idée, mais DES idées pour répondre aux enjeux de décarbonation dans le BTP.

Dans tout cela, la formation a donc bien évidemment un grand rôle à jouer, et cette dernière se doit de s'adapter aux besoins et aux usages de demain. Aujourd'hui, on compte 1 millions d’apprentis sur le territoire, dont 105 000 sur le secteur du BTP... alors que les besoins de main d'œuvre ont été évalués à 200 000 professionnels au minimum, rien que pour la rénovation énergétique des bâtiments ! Il est donc nécessaire d'utiliser aussi les forces vives actuelles et les faire monter en compétence, processus minutieux et prenant du temps. L'outil Decarbon+, élaboré par l'alliance HQE-GBC en partenariat avec le CCCA-BTP, vise justement à acculturer les apprenants et leurs formateurs sur les enjeux de décarbonation dans les projets de rénovation. 

La puissance du collectif

Si les initiatives individuelles sont belles, elles ne prennent véritablement de l'impact que lorsqu'elles valorisées par le plus grand nombre — c'est-à-dire lorsqu'elles sont réplicables et répliquées.  Arnaud Gouilly Fortin, Directeur de la Formation et de l'Innovation du BTP CFA Grand Est, applique cette règle au quotidien dans son établissement, véritable terrain d'expérimentation pour  développer des pratiques plus vertueuses dans le secteur du bâtiment. 

Ce qui est intéressant, c’est le partage de valeurs communes.

Nathalie Rolling-Lerch, Responsable de projets RSE au CCCA-BTP, abonde en ce sens en affirmant lors de son intervention au BIM World qu'il n'existait pas de démarche RSE sans prôner l’intelligence collective et les discussions entre les différents acteurs concernés, pouvant aboutir à un langage commun. 

Embarquer les acteurs dans une vision collective et vertueuse, c'est aussi ce qu'il s'est passé le 8 mars dernier, en clôture du Forum mondial sur les bâtiments et le climat à Paris. La signature de la déclaration de Chaillot par les représentants de 70 pays autour du monde a marqué un pas important pour accélérer la mise en œuvre de l'Accord de Paris. Parmi les axes décidés, aller vers une uniformisation des réglementations environnementales entre les pays signataires pour une meilleure homogénéité, mettre en place un cadre financier adapté, adopter des labels et autres certifications, promouvoir la production, le développement et l’utilisation de matériaux de construction faibles en carbone, mais aussi... renforcer les compétences et la formation sur les besoins de demain (ce qui renvoie directement à la partie précédente). 

Aller au-delà des frontières

C'est en tout cas ce qu'a fait Stéphanie Merger, aujourd'hui Directrice Adjointe du Mastère Spécialisé® Immobilier et Bâtiment Durables, Transitions Carbone et Numérique à l'École des Ponts ParisTech, hier exploratrice du monde. Et pas qu'un peu ! 15 mois de voyage, 3 continents pour 12 pays étudiés et 18 visités,   80 experts rencontrés (architectes, techniciens, chercheurs…), 40 initiatives explorées... L'idée étant de faire une pause, prendre du recul et effectuer un pas de côté pour (se) rendre compte des différentes pratiques existantes dans le secteur du bâtiment tout autour du monde. A découlé de cette formidable expérience une thèse : « Stratégie Zéro Carbone dans le secteur immobilier et du bâtiment : Comment accélérer la transition d'ici 2050 ? », dans laquelle on retrouve d'inspirants exemples nous poussant à aller hors les murs. 

Ainsi, si l'Europe est bel et bien un moteur dans la transition écologique mondiale du secteur du BTP — notamment par le biais d'avancées notoires en matière de réglementation, entre la RE française ou encore la taxonomie verte —, des disparités existent entre ses membres. Quand les Pays-Bas s'illustrent en matière d'économie circulaire et de réemploi, l'Italie brille par la résilience de ses bâtis, poussée par les conditions climatiques extrêmes que le pays rencontre. 

Mais sous d'autres prismes, certaines régions du monde n'ont rien à envier à l'UE. Stéphanie Merger évoque notamment l'Afrique, continent en avance sur les autres en matière de sobriété et d'empreinte carbone. Au Japon ou en Corée, les spécificités en termes de superficie et de population ont mené à une réflexion très poussée sur les questions de densification et d'intensification des usages. 

Enfin, l'exemple particulier de Singapour — destination de la prochaine LEx organisée en juillet 2024 par le WinLab', incubateur du CCCA-BTP — a été souligné lors de la conférence. Y règne une logique de logement unique, ces derniers étant fournis aux habitants à 80% par le gouvernement via un système proche d'une office HLM. Aussi, le foncier et l'habitable sont dissociés, ce qui facilite la rénovation des biens. L'idée serait de s'approcher d'un modèle déjà existant du bail réel solidaire (BRS) en France, plébiscité par Stéphanie Merger. Une piste de plus pour aller vers une rénovation décarbonée !

Lire aussi : Connaître le BTP hors de nos frontières : une LEx à Copenhague donne l’exemple

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