Rénovation énergétique : au moins 200 000 équivalents temps plein nécessaires d'ici 2030

Rédigé par

Anne-Sophie Tardy - Construction21

Responsable de l'éditorial

768 Dernière modification le 14/11/2023 - 11:00
Rénovation énergétique : au moins 200 000 équivalents temps plein nécessaires d'ici 2030

Selon le diagnostic Build Up Skills 2 porté par l'Ademe et Alliance Villes Emploi (AVE), la rénovation énergétique des logements est le segment du bâtiment qui pourvoirait le plus d’emplois directs d'ici 2030 comparé à la construction et la rénovation du tertiaire.

Le bâtiment va devoir recruter encore plus pour atteindre les objectifs de décarbonation du secteur fixés par les politiques publiques. C'est ce qui ressort du diagnostic publié par Build Up Skills. Coordonné par AVE et l'Ademe, ce document présente en quelques 200 pages les opportunités, les obstacles et les défis pour réduire en France les émissions de gaz à effet de serre de 55 % d'ici 2030 par rapport au niveau de 1990 (Fit for 55) et se placer dans la trajectoire de neutralité carbone et d'un parc bâti rénové au niveau Bâtiment Basse Consommation ou équivalent à 2050.

Réalisé grâce à un processus de co-construction en groupes de travail participatifs, au sein desquels ont entre autres planché les équipes de Pouget Consultants, In numeri ou encore Transitions DD, le diagnostic réunit l'état des lieux basé sur la période 2012-2021 et fournit une estimation des besoins en emplois (équivalents temps plein) et métiers pour 2022-2030.

Build Up Skills 2 (BUS2) a mis en perspective sa modélisation avec les travaux menés par négaWatt en 2022 et France Stratégie en 2023. Si les trois scénarios sont relativement convergents pour la rénovation énergétique avec un besoin supplémentaire d’emplois estimé entre 170 000 et 250 000 par rapport à aujourd’hui, la majorité étant destinée à répondre à la demande de rénovation énergétique des logements, les hypothèses divergent sur la construction neuve.

Chute des emplois dans la construction neuve

Le scénario BUS2, basé sur le scénario 2 de l’Ademe, projette une importante diminution de la construction neuve dès 2023, au profit de l’exploitation du parc existant, en particulier en mettant l’accent sur la réhabilitation des logements vacants et des résidences secondaires. L'investissement dans la construction de logements neufs diminuerait considérablement, passant en moyenne de 35 milliards d'euros par an entre 2012 et 2021 à 10,6 milliards d'euros par an entre 2021 et 2030, s’accompagnant d’une diminution globale de 182 200 équivalents temps plein (ETP directs) en moyenne entre 2022 et 2030 sur les 259 200 ETP en moyenne sur la période 2012-2021.

"En prenant en compte les nouveaux modes constructifs (menant à des chantiers plus chers et plus intenses en main d’œuvre), la baisse du besoin en emplois sur la période prospective (2022-2030) serait plutôt de 179 700 ETP", peut-on lire dans le diagnostic. A noter également que selon le rapport, les rénovations énergétiques Bâtiment Basse Consommation, quasiment inexistantes entre 2012 et 2021, représenteraient l’essentiel des rénovations à réaliser à partir de 2022 (911 000 rénovations). En parallèle, près de 270 000 rénovations énergétiques non-BBC seraient réalisées.

Comme après tout diagnostic, vient le protocole de guérison. Dans leurs conclusions, les experts ont identifié quatre axes de travail afin d'établir la feuille de route pour parvenir aux objectif du Fit For 55. Le premier, soutenir la demande de rénovation performante, met en avant le juste équilibre à trouver.

"En plus des aspects énergie et carbone qui restent pour l’instant les principaux points de législation autour de la rénovation, celle se voulant globale et performante se doit de prendre en compte l’adaptation au changement climatique, l’économie circulaire et l’émergence des matériaux biosourcés. Cette massification de la rénovation performante ne doit cependant pas se faire au détriment de la richesse patrimoniale et architecturale française. La rénovation des bâtiments doit également pouvoir apporter une réponse aux enjeux de mise aux normes et de dégradation de l’habitat, avec un reste à charge limité pour les ménages aux revenus modestes, dans une optique de justice sociale", détaillent les experts.

Des professionnels à former sur les nouveaux enjeux environnementaux

Autres leviers pour décarboner le secteur du bâtiment, favoriser le recrutement et le maintien des actifs dans le secteur et développer la formation. "Si la formation autour des enjeux énergétiques a, notamment au travers du dispositif RGE, fait l’objet d’une structuration depuis une dizaine d’années, celle sur les nouveaux enjeux environnementaux est en construction et reste aujourd’hui embryonnaire", estime le diagnostic avant de souligner la pertinence des initiatives locales d’accompagnement des travailleurs directement sur les chantiers ou sur leur environnement de travail. "L’un des enjeux est de favoriser ce genre de démarches afin de faciliter leur duplication puis leur massification."

Selon le rapport, les collectivités auront évidemment leur rôle à jouer. "La prise de responsabilité des territoires sur ces enjeux de formation devra être associée à une montée en compétences des élus et des services techniques des collectivités." Les experts préconisent également de pérenniser au niveau national des actions locales qui auraient fait leurs preuves et recommandent également une préparation du pilotage de la feuille de route afin d'être opérationnel dès avril 2024. Une chose est sûre, l'an prochain, encore, on parlera plus que jamais rénovation énergétique.

Le rapport est disponible gratuitement en téléchargement.

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