Prénorme sur les bétons biosourcés : une étape solide vers la massification

Rédigé par

Stéphanie Santerre - Construction21

Journaliste

1867 Dernière modification le 22/03/2024 - 11:00
Prénorme sur les bétons biosourcés : une étape solide vers la massification

Jeudi 20 mars, la Guilde Sable Vert et ses partenaires ont présenté les résultats du programme NG2B, une prénorme concernant les granulats végétaux dans les mortiers et bétons biosourcés. Un engagement pluridisciplinaire en faveur de la démocratisation de ces solutions durables, amorce d’une norme dédiée.

L’expertise française, le savoir-faire, les solutions techniques sont depuis longtemps au rendez-vous. Pour autant, manquait aux bétons biosourcés un véritable élan normatif pour encadrer leur caractérisation, et ainsi massifier leur développement sur le marché. Pour rompre ce postulat, le programme NG2B (Normalisation des Granulats pour Bétons Biosourcés) – visant à intégrer ces matériaux dans les cadres normatifs – a bouclé une première étape : l’élaboration d’une prénorme, premier référentiel concernant les granulats à particules végétales entrant dans la conception des mortiers et bétons biosourcés.

« Qui dit prénorme - donc future norme - dit professionnalisation dans l’acte de construire mais aussi démocratisation de l’usage des bioressources à l’échelle des territoires, observe Emmanuelle Andreani, architecte de l’agence éponyme. Tendre à la normalisation, c’est rendre conforme donc établir un cadre contractuel et vérifiable, ce qui touche également à l’aspect assurantiel. »

Une carte d’identité des granulats végétaux

Trois ans de travaux et une commission constituée de professionnels ainsi que d’experts de la construction - de l’amont agricole aux bureaux de contrôle, des services de l’État aux fabricants de liants et bétons, des artisans/applicateurs aux maîtres d’œuvre – ont ainsi œuvré sous l’égide d’un comité de pilotage et de trois laboratoires - le Cerema, l’ENTPE et UniLaSalle - constitutifs du conseil scientifique.

Le consortium a donné naissance à une carte d’identité des granulats végétaux, compilant les spécificités susceptibles d’influer les caractéristiques techniques et environnementales des mortiers et bétons biosourcés. Techniques, environnementales ou socio-économiques : les performances et atouts relevés sont nombreux, et surtout légitimes dans un déploiement à grande échelle. Car dans les faits, confirme Emmanuelle Andreani, « il faut parfois déployer énormément de pédagogie pour instaurer confiance et prise de conscience face à des bureaux d’études qui prennent ceintures et bretelles lors d’un programme innovant en termes d’empreinte écologique. »

Salutaire pour les maîtres d’œuvre, la prénorme l’est aussi pour toute une filière souhaitant la professionnalisation dans l’acte de construire et la démocratisation de l’usage des bioressources dans les territoires. Si son ambition consiste à caractériser les différents types de granulats végétaux et représenter un référentiel commun, la carte d’identité doit également servir de base aux différentes formulations que les industriels du bâtiment élaboreront pour leurs mortiers et bétons biosourcés*.

Vers une massification de l’usage des mortiers et bétons biosourcés

« Le protocole fut donc établi autour de la teneur en eau (un marqueur de qualité de la matière première car l’humidité est un paramètre de contrôle du produit brut à la source), de la masse volumique apparente, de la capacité d’absorption en eau liquide et de la répartition granulométrique (essentielle quant à l’usage futur du matériau), détaille Stéphane Hans de l’ENTPE. Il a été établi à partir de l’analyse de trois granulats : la chènevotte, la balle de riz et la moëlle de tournesol. La méthodologie appliquée à ces trois matières premières végétales a ensuite été dupliquée au miscanthus, à la paille de riz, à l’anas de lin, au colza, au bambou ainsi qu’au granulat de bois ».


Entre autres aspects, la carte d’identité a également vocation à servir de base aux différentes formulations que les industriels du bâtiment élaboreront pour leurs mortiers et bétons biosourcés, permettre une stabilisation et un contrôle des approvisionnements. Et au regard des exigences énergétiques et environnementales actuelles, « les mortiers et bétons biosourcés sont pertinents et légitimes, note pour sa part Bernard Boyeux, directeur de BioBuild Concept.  Le recours à des matières premières renouvelables rapidement ou largement disponibles, conjugué à la captation et au stockage de carbone sur de longues périodes, en font des matériaux à forte valeur écologique. D’autant que les ressources végétales mobilisables – chanvre, tournesol, colza, lin, miscanthus, balle de riz, bagasse, etc. – sont nombreuses et abondantes en France. »

Une réponse aux évolutions réglementaires
« Jusqu’à 30 % de gains sur la phase construction » : pour Nicolas Doré de l’ADEME, les avantages environnementaux des matériaux biosourcés ne font pas débat. Dans un secteur du bâtiment qui représente aujourd’hui 43 % des consommations énergétiques annuelles en France, la prénorme s’inscrit ainsi pleinement dans les enjeux climatiques et les objectifs de neutralité carbone. Expérimentale et d’une validité de 5 ans, elle est, à échéance, une brique fondamentale de la constitution de la futur norme, qui devra alors s’inspirer de la NF EN 16575 répondant aux produits biosourcés mais également être en concordance avec la NF EN 12620 répondant aux Granulats pour béton et à la NF EN 14889 correspondant aux Fibres pour béton.

 *La fabrication des mortiers et bétons biosourcés résulte du mélange de trois ingrédients : des granulats végétaux, un liant minéral (chaux, ciment, argile) et de l’eau. En modifiant les proportions de ces ingrédients, ainsi que les méthodes de préparation et de mise oeuvre, ces mélanges affichent - après séchage - des propriétés physiques très différentes, capables de répondre à des fonctions constructives variées.

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