Pour faire les écoles de demain : rénover ou construire autrement

Rédigé par

Amandine Martinet - Construction21

Journaliste

2708 Dernière modification le 22/01/2024 - 10:18
Pour faire les écoles de demain : rénover ou construire autrement


Parce que les établissements scolaires représentent un fort enjeu tant au niveau du bien-être des plus jeunes qu’à celui de la décarbonation du parc tertiaire, le Cerema leur a consacré une publication. Un dossier que nous découvrons avec Noémie Simand, chargée de projets Usage du Bâtiment au Cerema, qui a copiloté ce projet [au côté d’Emmanuelle Colleter, chef de projet Qualité d'Usage des Bâtiments]. 
 


Quel état des lieux faites-vous des performances énergétiques des établissements scolaires aujourd’hui en France ? 

Noémie Simand : Nous avons peu d’éléments chiffrés sur ce sujet. Cependant, le rapport Demarcq de mars 2020 sur la rénovation énergétique des établissements scolaires indique que ces bâtis représentent près de 30% de la consommation énergétique des bâtiments communaux. On comprend alors que l’enjeu du renouveau de ce patrimoine est particulièrement important, non seulement du point de vue du changement climatique, mais aussi vis-à-vis du poids qu’il représente dans la facture énergétique des collectivités. 

Il existe notamment dans les écoles un sérieux problème d’adaptation aux chaleurs estivales, d’autant plus que les vagues de chaud sont désormais plus longues et ne se cantonnent plus aux deux mois de fermeture des établissements. 

Finalement, la structure des écoles a assez peu évolué dans sa conception depuis plusieurs décennies, tandis que les pédagogies, elles, ne sont plus les mêmes. Il y a donc un véritable travail sur les usages à effectuer. 

Quel impact cet état des écoles a-t-il sur les élèves ?

NS : L’état du bâti a un véritable impact sur le bien-être des élèves, tant physique que psychologique, cognitif et social. Par exemple, sur la qualité de l’air, il est démontré que le taux de CO2 dû à une mauvaise aération peut diminuer la capacité de concentration des élèves s’il dépasse un certain seuil. Une trop forte température dans les salles de classe est également un facteur impactant les capacités des élèves, notamment des plus jeunes (classes maternelles). 

Sur le pan psychologique, le bâti agit notamment sur la question de l’inclusion : l’aménagement des abords et des cours des écoles a été conçu jusqu’alors pour être bien entretenu et bien surveillé, mais sans forcément prioriser le bien-être des élèves. L’idée est de renverser cette tendance et sortir d’un modèle très minéral en faisant entrer la biodiversité, en ouvrant les fenêtres sur l’extérieur, en favorisant les liens sociaux grâce un mobilier repensé… 

Quelles actions sont d’ores et déjà menées pour opérer une transition du bâti scolaire ? 

On sent que depuis quelques années, l’école, ce bâtiment symbolique d’une commune, fédère les acteurs autour de sa nécessaire rénovation. 

NS : Le plan école a été lancé en 2023 pour rénover 40 000 établissements en 10 ans, avec le soutien de l’État et de ses opérateurs, dont le Cerema. Un centre de ressources partagées, en cours de finalisation, à destination des élus et des techniciens est élaboré en coordination avec le ministère de l’Éducation nationale. Sur la sobriété énergétique, on peut citer les concours ACTEE CUBE.Ecoles et ACTEE CUBE.S, qui ont déjà accompagné plus de mille établissements sur le territoire (230 écoles pour CUBE.Ecoles et environ 900 collèges et lycées pour CUBE.S)

On sent ainsi que depuis quelques années, l’école, ce bâtiment symbolique d’une commune, fédère les acteurs autour de sa nécessaire rénovation. 

Comment s’organise le dossier du Cerema sur les écoles de demain ? 

NS : Le dossier « Ecoles de demain. Rénover ou construire autrement » est une publication d’ampleur qui s’organise en 7 grands chapitres, correspondant à 7 sujets qui nous sont apparus comme étant des enjeux essentiels pour faire les écoles d’aujourd’hui et de demain. Pour le produire, un travail de bibliographie important a été mené en amont. Nous avons également effectué des entretiens avec différents types d’acteurs de la construction et de l’éducation nationale, et illustré nos propos par des exemples concrets sur le territoire, qui nous ont semblé atypiques et innovants. 

Ainsi, ce dossier a mobilisé de nombreuses compétences du Cerema, sur la question du bâtiment et de ses usages – l’humain et pas seulement la technique –, mais aussi de vastes sujets tels que la biodiversité, la mobilité et l’aménagement public… 

À quel public s’adresse cette publication, et comment avez-vous souhaité la diffuser ? 

NS : Le dossier est accessible à tous en ligne gratuitement, en format PDF, mais il est également possible de l’obtenir en version papier en passant commande. 
Nous souhaitions nous adresser en priorité aux collectivités, mais aussi aux structures les accompagnant et l’ensemble des professionnels de la construction au sens plus large. Pour autant, il ne s’agit pas d’un contenu trop technique : nous souhaitions montrer le champ des actions possibles pour les écoles, avec des exemples de projets inspirants, dans tout type de contexte (urbain, périurbain et rural). 

Enfin, pour aller plus loin et prolonger l’impact de notre dossier, nous avons créé une communauté dédiée aux écoles de demain sur la plateforme collaborative « Expertises territoires ». Elle est ouverte à tous et permet d’échanger et partager les projets innovants existants. 

Pouvez-vous nous donner quelques leviers qui feront pour vous les écoles de demain, citées dans le dossier ?

NS : Ce qu’il faut retenir, c’est que la question énergétique ne doit pas être abordée seule. Si une collectivité envisage d’effectuer des travaux sur une école, elle doit réfléchir au fonctionnement global de l’établissement. C’est l’un des messages principaux de notre publication. 

Notre dossier porte également sur la conviction du Cerema qu’un projet ne peut être mis en œuvre sans y associer ses futurs utilisateurs – c’est ainsi que le premier chapitre traite de la question de la gouvernance et de la participation. Autre idée majeure : une école doit s’ancrer dans son contexte territorial, en prenant en compte les ressources et contraintes qu’il comporte. 

Notre dossier porte sur la conviction du Cerema qu’un projet ne peut être mis en œuvre sans y associer ses futurs utilisateurs

Sur le sujet du confort d’été, très important ces dernières années, il est possible de prendre des mesures rapidement, mais sans obligatoirement investir immédiatement de grosses sommes : dans un premier temps, poser des films solaires ou des brasseurs d’air, par exemple, est déjà un acte bénéfique. 

Avez-vous des exemples d’établissements vertueux sur le territoire qui peuvent d’ores et déjà montrer la voie ?

NS : Sur le volet santé, à Lyon, l’école Eugénie Brazier a imposé un objectif pour le renouvellement de l’air de 30 mètres cubes par heure, ce qui est bien au-delà de la réglementation en vigueur. 

Sur l’aspect participatif, l’école du Blé en Herbe à Trébédan en Bretagne a souhaité reconnecter l’établissement avec la vie du village, projet au départ social et pédagogique, qui a abouti à la rénovation et l’extension du bâti. Des investissements – complétés par ceux de partenaires tels que la Fondation de France ou le CAUE – qui ont permis de repenser l’aménagement de sorte que les espaces soient redynamisés et ouverts sur l’extérieur : par exemple, la bibliothèque et la cantine sont accessibles aux habitants du village durant le week-end. On remarque ainsi que la question de la mutualisation et de l’intensification de l’usage des espaces est prégnante pour les établissements scolaires. 

Autre exemple, plus urbain, l’école de la ville de Trévoux dans l’Ain a été conçue avec de fortes ambitions environnementales – niveau de performance E3C2, enveloppe extérieure en chaux et terre locale, éco-digesteur pour gérer les déchets de cantine, cour végétalisée… 

Enfin, à l’école de Monoblet, dans le Gard, une dynamique territoriale importante a été générée grâce à l’association des artisans locaux dans le projet de construction. Une potière voisine a ainsi été mobilisée pour créer des vasques de lavabos, en faisant participer les élèves pour créer une décoration « maison » en mosaïques.  

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