Plongée dans le mode de vie danois

Rédigé par

Stéphanie Santerre - Construction21

Journaliste

480 Dernière modification le 26/01/2024 - 00:00
Plongée dans le mode de vie danois

Parmi les pays les plus vivables et heureux au monde, le Danemark cultive un art de vivre, cet indéfinissable "hygge" qui lui est propre. Lieux de nature proches, équipements, mobilités douces, recyclage... Immersion.

Comment définir la recette du hygge, ce terme si danois qu’on ne lui connaît pas de vraie traduction latine ? Qu’est-ce qui fait pédaler ses habitants, entre îles et mer, villes et plaines, sur la voie collective d’un monde plus durable ? Slow life, ambitions vertes, bien-vivre… C’est peut-être un peu cela, le « bonheur» à la danoise, qui hisse depuis des années le pays sur le podium des peuples « les plus heureux de la planète ».

En 2002 déjà, Copenhague mettait sur la table une enveloppe de 26 milliards d’euros pour devenir la « première ville intelligente » autour des piliers de la mobilité, la production et la consommation d’énergie ou la gestion des services municipaux. Des enjeux qui ont porté leurs fruits : en quelques années sont sortis de terre éco-quartiers, façades végétalisées, bâtiments hybrides, stations de recyclage et même des éclairages adaptés à la danse du soleil, qui s’il chauffe rarement en hiver, sait se « compenser » de bien des manières.

Au cœur de la transformation des villes, les habitants, via une adhésion massive à des comportements plus vertueux, cultivent ce souffle durable qui se répand des canaux colorés aux grandes artères, sans oublier les campagnes et les cailloux insulaires tels que Bornholm, Samsø et Læsø…, cités en modèles de vie écologique. Au Danemark, les plages ne sont jamais très loin du bureau… Même le port de la capitale, à l’instar de ceux d’Aarhus, Odense ou Aalborg, sont si propres que l’on peut s’y baigner.

Petite reine en son royaume

S’il fallait une référence à l’international, au côté des défis du pays en matière d’énergies vertes, la mobilité tiendrait naturellement le haut du pavé. Quelque 400 kilomètres de pistes cyclables empruntées quotidiennement par plus du tiers des habitants rien qu’à Copenhague,  des « city-bikes » en libre-service, des parkings à vélos tels des parterres de fleurs tapissant les rues...

La « capitale mondiale du vélo » – plus de 50 % des Copenhagois vont au travail à vélo tous les jours – rayonne d’initiatives en faveur de la petite reine. En agglomération, des circuits urbains privilégiant la mobilité douce, à mesure qu’aujourd’hui, plus de 75 % des déplacements se font à vélo, à pied ou en transport en commun. Une émission de 7 grammes de CO2 /km en métro contre 130 grammes pour une voiture…, la petite sirène respire. Et les Danois aussi : dans cette ville du « quart d’heure » – élue Capitale verte de l’Europe en 2014 –, la plupart des habitants réside à moins de quinze minutes d’un poumon vert, quand ceux des périphéries profitent d’équipements multimodaux favorisant  l’accessibilité de tous. Au Danemark, la nature bourgeonne dans les consciences dès l’enfance : 20 % des classes de maternelles proposent d’enseigner au milieu des bois, sensibilisant les jeunes pousses, été comme hiver, aux sciences de l’environnement. « Une proximité heureuse », dit-on, qui contribue sans doute au bonheur typiquement scandinave.

C’est pas Versailles ici !

Pays phare en matière de mobilité douce, celle-ci s’accompagne d’actions « lumineuses » pour la rendre toujours plus rassurante. À l’échelle de la capitale, un système d’éclairage public intelligent, piloté par une entreprise française, Citelum, consiste en des luminaires LED dont l’intensité augmente sur les routes en période nocturne pour rendre piétons et cyclistes plus visibles.

La solution a aussi ses avantages économiques, et aurait permis de faire baisser la facture énergétique de 77 % sur la partie rénovée. Comme l'explique le site internet Green et Vert, Copenhague et son partenaire français ont en outre déployé une plateforme «qui permet d’ajuster, à distance et en temps réel, les niveaux d’éclairage des différents quartiers en fonction des besoins identifiés, du trafic routier ou du mode de vie des habitants. » Une solution évolutive qui permettra aussi à la ville d’intégrer facilement tous les services connectés d’une « smart city », qui peuvent se greffer sur le réseau d’éclairage public : bornes de recharge de véhicules électriques, systèmes de stationnement intelligent, signalisation lumineuse tricolore, caméras de vidéoprotection, bornes wifi, capteurs de bruit ou de pollution... In fine, la capitale a choisi d'adapter l'éclairage à chaque usage pour augmenter la visibilité, améliorer la sécurité des usagers de la voirie..., mais également pour minimiser la pollution lumineuse, avec une attention toute particulière portée au respect de la vie nocturne et de la biodiversité dans les zones qualifiées de vulnérables et de conservation.

À cœur et à tri

Par quoi passe également le vert, sinon par la consigne… de ne pas être souillé. Au Danemark, maintes solutions en faveur du traitement des déchets en font l’un des fleurons en la matière, voire de l’anti-matière, sauf lorsqu’il s’agit d’alimenter les usines dédiées à la production d’électricité (voir encadré Copenhill, p. 11). À la disposition des ménages, pas moins de sept poubelles de tri : bouteilles, verre, papier, carton… tout y passe. Le pays impose même une consigne entre 13 et 40 centimes, selon la matière et le volume, depuis 2002. Il enregistre ainsi 90 % de collecte d’emballages ! Même sur les routes, le détritus est malvenu : pour encourager piétons et cyclistes, des petites poubelles s’inclinent sur leur passage pour leur faciliter la tâche. Pour autant, le Danemark n’est pas le roi du « zero waste ».

Comme l’indique Eurostat, le Danois produit 844 kg de déchets ménagers par an, loin devant le Français (548 kg) et le Roumain (280 kg). De quoi écorner l’image green du héros ? Pas tout à fait. Si elle témoigne d’un certain niveau de vie, cette production ne retourne pas à l’envoyeur mais au pourvoyeur, la combustion des ordures récupérées comptant en effet pour une part importante de la chaleur des foyers. Selon State of Green, partenaire du gouvernement danois, plus de 12 % des habitations sont ainsi chauffées grâce aux déchets.

Certaines communautés montrent toutefois qu’un monde sans déchet n’est pas une utopie, à l’image de l’île danoise de Bornholm, qui espère bien, d’ici à 2032, exploiter le moindre rebus, du plastique à l’organique, comme ressource. Simplification de la collecte, recyclage, circularité, réemploi… l’innovation technologique pour atteindre cet objectif sera de la partie pour convertir l’indésiré en désirable.

Branché sur le canal durable, le Danemark s’adresse même aux kayaks : depuis 2017, on rame pour le plaisir, tout en profitant d’un tour gratuit dans les eaux du centreville en échange du ramassage d’intrus flottants. La tête et les jambes : ou quand chacun est invité à faire corps avec un plus grand respect de l’environnement.



 

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