[Opinion] Mais qu’est-ce qui coince encore à l’aéroport de Nantes-Atlantique ?

Rédigé par

Thierry Gaillard

768 Dernière modification le 07/07/2023 - 10:45
[Opinion] Mais qu’est-ce qui coince encore à l’aéroport de Nantes-Atlantique ?


Mi-janvier 2018, le gouvernement d’Édouard Philippe annonçait l’abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes. Depuis, l’agglomération nantaise est toujours dans l’attente de la rénovation de son aéroport. En cause principalement : l’immobilisme de l’État et des gouvernements successifs.

« Je constate aujourd’hui que les conditions ne sont pas réunies pour mener à bien le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, regrettait Édouard Philippe⁽¹⁾ début 2018. (...) Notre-Dame-des-Landes, aujourd’hui, c’est l’aéroport de la division. Le projet de Notre-Dame-des-Landes sera donc abandonné. » Depuis, l’eau n’a pas coulé sous les ponts : cinq ans sont passés et la région nantaise attend toujours de savoir quels seront les contours de l’aéroport Nantes-Atlantique.

Une « inaction absolument intolérable »

Début juin, la Première ministre Élisabeth Borne a tenté de reprendre la main en annonçant – contrainte et forcée – qu’elle présentera bientôt un calendrier pour les travaux. Lors d’une sortie publique à Laval, elle s’est faite alpaguer par Christelle Morançais⁽²⁾, présidente (LR) du conseil régional des Pays de la Loire. Cette dernière n’en était pas à son coup d’essai, ayant déjà dénoncé avec force « l’inaction de l’État » sur ce dossier et le non-respect des engagements pris via le « Contrat d’avenir » signé en 2019, un an après l’abandon de Notre-Dame-des-Landes : « J’ai indiqué à Élisabeth Borne que l’inaction de l’État dans ce dossier était absolument intolérable. Le territoire est durablement affaibli par l’abandon de Notre-Dame-des-Landes et ne peut pas supporter plus longtemps d’être méprisé s’agissant d’un enjeu aussi déterminant pour son avenir. Pourquoi l’État refuse-t-il d’attribuer la nouvelle concession ? Pourquoi n’a-t-il pas exigé la mise en œuvre des premiers travaux de rénovation ? »
À ces questions, la présidente de région attend de vraies réponses. D’où qu’elles puissent venir, de l’hôtel Matignon ou de l’Élysée, le dossier étant sur la table de hauts fonctionnaires comme Jean-Marie Caillaud, le conseiller territoires du président de la République Emmanuel Macron, ou plus probablement Hugo Bevort, son homologue auprès d’Elisabeth Borne. Mais voilà, le temps presse.

Pour les élus locaux, quel que soit l’interlocuteur, c’est la question de la continuité des politiques publiques qui est en cause. Le précédent gouvernement – celui d’Édouard Philippe donc – avait promis de lancer une nouvelle concession et d’entamer, avec le concessionnaire actuel Vinci Airports, les fameux travaux de modernisation réclamés par la région. Jusque-là, l’attentisme du gouvernement Borne n’a évidemment pas arrangé les choses entre Nantes et Paris.

Retards sur retards

Si le sujet n’a plus fait la Une des journaux nationaux depuis les images chaotiques de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, la presse régionale, elle, traite le sujet depuis longtemps. Et surtout ses errements qui, ces 18 derniers mois, ont mis à cran les élus locaux et les associations de riverains, mais aussi les entreprises de travaux publics toujours dans les starting-blocks pour poser leur candidature.

En janvier 2022, Ouest-France faisait ses titres sur ces travaux « qui patinent » justement, citant
Paolo Ferreira⁽³⁾, président du Collectif des citoyens exposés au trafic aérien (Coceta) : « La raison officielle de ce retard, c’est la crise Covid qui a plombé le trafic. Mais on peut imaginer sans peine que les entreprises qui candidatent à la gestion de Nantes Atlantique s’inquiètent du fossé existant entre les investissements demandés et les incertitudes qui pèsent sur la date du retour à l’équilibre de cette opération. » Autant de paramètres restant encore dans le flou.

Six mois plus tard, l’hebdomadaire régional Le Courrier du Pays de Retz relayait les propos d’un officiel de la Direction générale de l'aviation civile⁽⁴⁾ (DGAC), évoquant des travaux secondaires, bien loin des enjeux réels : « De premiers travaux ont déjà été réalisés par le concessionnaire actuel : nouveau parking, modernisation du système de tri bagages, fluidification des postes d’inspection et de filtrage et du passage de contrôle à la frontière… Le réaménagement [futur] concerne l’aérogare et les parkings pour améliorer le niveau de service de l’aéroport, ainsi que la réfection et l’allongement de la piste pour protéger les riverains des nuisances sonores. Le planning stabilisé de ces travaux dépendra de l’offre qui sera retenue, et sera donc présenté lorsque le futur concessionnaire aura été désigné. La signature du contrat de concession est prévue au premier semestre 2023. » Officiellement donc, le dossier aurait déjà dû être bouclé.

Une indécision coupable

Mais tout le monde n’est pas d’accord sur la nature des travaux majeurs à effectuer. Début avril enfin, c’est au tour de la députée de Loire-Atlantique Sophie Errante⁽⁵⁾ (Renaissance) de monter au front dans les colonnes de Ouest-France. Parmi les dossiers chauds, l’extension de la piste principale destinée à limiter les nuisances sonores pour les riverains, qui ne convainc pas tout le monde : « Si les responsables politiques et la DGAC confirment l’option de l’extension, ils me perdent. J’ai prévenu Élisabeth Borne, qui connaît bien le dossier. Il n’y a plus de raison de tergiverser. Toutes les données sont entre les mains de la DGAC puisque la négociation avec les candidats à la gestion de l’aéroport de Nantes Atlantique est achevée, selon les informations dont je dispose. Le meilleur calendrier à tenir, désormais, c’est de désigner le lauréat du contrat de concession avant la fin du mois de juin. » C’est-à-dire demain. À Nantes, on attend donc – impatiemment – de la Première ministre une décision claire et nette, comme on attendrait la fumée blanche le jour de l’élection d’un nouveau pape.

Mais aucune ligne n’a bougé après ce coup de semonce. Fin mai, Christelle Morançais, la présidente de région, a donc remis un coup de pression à l’État – et donc au gouvernement – pour faire avancer le dossier, en publiant un communiqué officiel⁽⁶⁾ n’arrondissant aucun angle : « Maintenant, il faut que ça bouge ! Malgré les nombreux échanges avec le gouvernement, et la qualité d’écoute du ministre des Transports, l’impression qui domine, c’est que l’État ne sait pas où il va. Des années ont été perdues en pures conjectures ! » À Paris et à Matignon, silence radio.

Des rumeurs circulent cependant au sujet d’une éventuelle reprise de la société directement par l’État, sous forme de régie comme c’est le cas, par exemple, pour la Société du Grand Paris, avec les risques de dérives financières que cela suppose. Cependant, sans mentionner la complexité technique d’un projet qui serait géré par l’administration et non par des experts du secteur aérien, les montants d’investissement en argent public seraient certainement très lourds. Au surplus, l’État aurait demandé à la Région de mettre la main à la poche - pour 150 millions d’euros - alors que jusqu’ici, l’État n’a fait que la sourde oreille face aux demandes des collectivités locales. Bien qu’improbable, ce scenario n’en fait pas moins partie des hypothèses évoquées par l’Etat, dans une affaire qui va, à n’en pas douter, continuer à alimenter les débats.

 


[1] https://www.lemonde.fr/planete/article/2018/01/17/le-gouvernement-annonce-l-abandon-du-projet-d-aeroport-a-notre-dame-des-landes_5243002_3244.html

[2] https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/aeroport-de-nantes-atlantique-elisabeth-borne-sengage-a-fournir-un-calendrier-des-travaux-6faa6954-00a6-11ee-9c72-8895ed7c2106

[3] https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/aeroport-de-nantes-le-choix-du-concessionnaire-repousse-le-reamenagement-en-plein-brouillard-f010e396-7e2c-11ec-92fb-6689e2d2ee1b

[4] https://actu.fr/pays-de-la-loire/saint-aignan-grandlieu_44150/aeroport-de-nantes-atlantique-le-futur-contrat-de-concession-doit-etre-signe-en-2023_52182540.html

[5] https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/aeroport-de-nantes-le-projet-dextension-de-la-piste-est-une-ineptie-selon-la-deputee-errante-eaffba3e-b432-11ed-8127-8d65520e914f

[6] https://www.paysdelaloire.fr/sites/default/files/2023-05/CP_230523_CM_Aeroport-Il-faut-que-ca-bouge.pdf

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