Les outils pour le pilotage des trajectoires de rénovation du parc

Rédigé par

Nicolas Naville

949 Dernière modification le 18/03/2024 - 11:24
Les outils pour le pilotage des trajectoires de rénovation du parc

Face à l’urgence climatique, la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) prévoit la décarbonation quasi complète du secteur du bâtiment (scopes 1 et 2) d’ici 2050. Dans le même temps, le parc devra être adapté aux évolutions climatiques inévitables.
 

Si 80 % des bâtiments de 2050 existent déjà, on peut également affirmer que la quasi-totalité de ces bâtiments devra connaître des évolutions significatives pour répondre à ces défis, confirmant la nécessaire concentration des efforts sur la rénovation du parc. 

Le chantier de la rénovation du parc mobilise de nombreux acteurs, dont les échelles et les enjeux sont différents : Etat, collectivités territoriales, particuliers et propriétaires de parcs immobiliers, entreprises, industriels, financeurs… Le pilotage de ce chantier s’apparente moins au pilotage d’un avion, avec une tête pensante et des leviers déterministes, qu’à la migration collective d’un essaim d’abeilles, chaque acteur devant contribuer à la dynamique collective, tout en dépendant des autres maillons de la chaîne. 

Le CSTB contribue, par ses travaux, à la mise à disposition d’outils de pilotage favorisant la mobilisation coordonnée des acteurs pour atteindre les objectifs collectifs. 
Ce pilotage concerne d’abord la puissance publique, qui doit mettre en place un cadre adapté, et anticiper les moyens à mobiliser : exigences règlementaires, dispositifs de financement, d’information et d’accompagnement, développement des filières et des compétences…

En complément des dispositifs nationaux, les collectivités sont amenées à jouer à un rôle clé pour la déclinaison territoriale des politiques, en tenant compte des spécificités locales, et en agissant tant du côté de la demande (financements complémentaires, démarche « d’aller-vers » pour susciter le passage à l’acte) que du côté de l’offre (compétences et filières locales, opérations territorialisées). Elles seront ainsi garantes du respect des trajectoire sur leurs territoires, comme illustré par la mise en place récente des COP régionales.

La capitalisation des données constitue l’un des fondements de ce pilotage. La Base de données nationale des bâtiments (BDNB), élaborée par le CSTB sous l’égide de la filière, a vocation à être mobilisée à cette fin en tant que socle public partagé. Le CSTB a ainsi conduit une expérimentation avec l’Anah et le ministère de la Transition écologique sur l’utilisation des données nationales de financement des rénovations en lien avec la BDNB. Ces travaux alimentent les réflexions sur les modalités d’une diffusion plus large de ces données et mettent en évidence l’intérêt d’une granularité descendant à la maille de chaque bâtiment, par opposition aux statistiques territoriales, pour améliorer le pilotage des politiques et mieux suivre leur impact.

Le pilotage des stratégies de rénovation, que ce soit à l’échelle territoriale ou à l’échelle d’un gestionnaire de parc, repose sur les grandes étapes illustrées dans le schéma ci-dessous, depuis la connaissance du parc existant jusqu’à la définition et la mise en œuvre des trajectoires.

Plusieurs types d’outils de modélisation complémentaires interviennent : exploration de scénarios à partir d’options envisagées (ex : « Que se passe-t-il si je remplace toutes les chaudières au fioul ? »), optimisation de trajectoires (« Compte tenu des mes contraintes, quelle est la trajectoire optimale pour atteindre mes objectifs ? ») ou encore modèles prédictifs (« Si je mets à place tel cadre règlementaire et tels types d’incitation, à quel rythme les rénovations vont-elles effectivement se produire, compte tenu des comportements connus des acteurs ? »). 

De tels outils ont, par exemple, été mobilisés pour quantifier les leviers de la Feuille de route décarbonation du cycle de vie du bâtiment ou en appui à la modélisation SNBC (potentiel de décarbonation en fonction des scénarios futurs de déploiement des aides). Ils permettront aux collectivités de décliner de manière plus concrète les objectifs dans leurs stratégies d’action : prioriser les interventions, s’assurer de la faisabilité des trajectoires, expliciter les conditions à mettre en place (moyens, ressources, compétences…). Nos travaux portent, par exemple, sur l’évaluation de l’adéquation future entre offre et demande de rénovation. A l’échelle des gestionnaires de parc, leur utilisation est expérimentée pour la définition de stratégies de rénovation de grands bailleurs sociaux. 

Le CSTB intègre à ces méthodes la dimension multicritère qui doit prévaloir dans les projets de rénovation : adaptation climatique des bâtiments, santé, sécurité, accessibilité, qualité d’usage, coût global... A la clé, il s’agit de faire de ce chantier d’ampleur de la rénovation du parc un levier non seulement de décarbonation, mais aussi d’une amélioration significative de la qualité de vie et du vivre ensemble.

Article co-rédigé par Denise Almeida, Madeleine Devys et Nicolas Naville.

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