Le Danemark, une pointure sur les infrastructures

Rédigé par

Stéphanie Obadia

Directrice de la rédaction

612 Dernière modification le 19/01/2024 - 10:39
Le Danemark, une pointure sur les infrastructures

En matière d'infrastructures, le petit royaume voit grand. Tunnel Femern, pont de l'Øresund, vastes projets de dessertes routiers et ferroviaires..., sur terre, sous la mer, des colosses émergent pour accroître l'accessibilité. 

À l’image de l'immense tunnel routier et ferroviaire du Femern, immergé à 40 mètres sous le niveau de la mer, reliant la région danoise du Lolland-Falster à la région allemande du Schleswig-Holstein, d’immenses projets sont lancés au Danemark. « Cet ouvrage de près de 18 kilomètres sera le plus long au monde dans cette catégorie », indique Sébastien Bliaut, directeur du secteur Europe du Nord chez Vinci Construction Grands Projets, en charge de la construction pour les lots tunnel et l’usine. Un projet complexe, long à démarrer – deux ans et demi d’appel d’offres, contrat remporté en 2016 et début du projet en 2021 – et qui a nécessité la construction d’une usine dédiée pour préfabriquer tous les composants nécessaires à la construction du tunnel.

Un procédé technique intéressant pour cet ouvrage a été proposé, puisque contrairement au tunnel sous la Manche qui fut foré, celui-ci repose sur le fond marin. Seront ainsi préfabriqués en usine 89 caissons en béton de 200 mètres de long, immergés dans une tranchée pour être ensuite assemblés à 40 mètres sous la Baltique. « Si cette technique de préfabrication a déjà été employée pour la réalisation du tunnel immergé de l’Øresund, entre le Danemark à la péninsule scandinave, cette fois, l’ampleur du projet est inédite », poursuit-il. Les caissons seront acheminés par catamaran, spécialement conçu pour  supporter leur charge pleine (près de 73 000 tonnes), et leurs dimensions variables. Un véritable défi sur le plan mécanique. Avant d’être immergés, ils devront reposer sur un lit de graviers qui leur servira de fondation. À cette profondeur, l’intervention de plongeurs est exclue; un chariot autoporteur robotisé et piloté à distance assurera donc la mission.

Prouesse sous-marine

Une fois au fond, ils seront recouverts de sédiments et de roches afin de protéger l’intégrité de l’ouvrage. Au total,  quatre tubes séparés (deux voies uniques de chemin de fer et deux fois deux voies de chaussée, selon la configuration de l’Øresund), plus une gaine technique seront intégrés dans le tube, qui atteindra 40 mètres de largeur pour 15 mètres de haut au maximum. Ce tunnel, qui emploie chaque jour 1 500 ouvriers et 500 ingénieurs, aura nécessité un investissement de 500 millions d’euros pour l’usine et 10 milliards pour l’ensemble du projet, financé par le Danemark avec l’aide de l’Union européenne. En 2029, il suffira de dix minutes en voiture ou sept minutes en train pour relier le port danois Rødby à Puttgarden, à la pointe de la presqu’île allemande qui donne son nom au tunnel. Cela évitera un détour de 160 kilomètres par les terres. Ce choix se veut plus respectueux de l’environnement : économie de carburant, d’énergie, de temps et de CO2 ... L’impact sur la faune marine, décrié par de nombreux militants, enjoint toutefois à relativiser, même si « ce projet permettra de créer de nouvelles zones naturelles étendues, défend Henrik Vincentsen, P.-D.G. de Femern A/S, dans Euronews Next. Sur terre, 300 hectares de zones humides côtières  seront créés, et 42 hectares de récifs seront aménagés en mer ». L’usine sera quant à elle conservée par le Danemark pour de nouveaux projets de tunnels. 

Le Danemark a inauguré en mars 2023 le premier cimetière de CO2 au monde, un site de stockage situé à 1,8 km sous la mer du Nord, jugé essentiel  pour freiner le réchauffement climatique.

Au bout du tunnel, le bois

Autre réalisation, plus modeste mais révélatrice des habitudes constructives et architecturales danoises, la gare de Køge, qui relie la ville de Copenhague aux jonctions TGV, connectant le Danemark à l’Allemagne et à l’Europe. Conçu par l’agence d’architecture Cobe et le cabinet Dissing+Weitling, spécialisé dans la construction neuve, la réhabilitation et la mobilité douce, ce hub local de 225 mètres de long est destiné aux piétons. « Il a été pensé pour encourager la mobilité douce et à terme, construire des logements et des bureaux. L’idée étant de penser logistique d’abord afin d’attirer l’activité, indique Jesper B. Henriksen, Partner, Architect MAA. Il s’agit de stimuler l’économie locale, doper la prospérité régionale et d’être une porte d’entrée dynamique vers Copenhague pour plus de 90 000 personnes qui traversent la région quotidiennement ». De prime abord, rien de transcendant à la vue de ce tunnel : un tube de béton et d’acier incurvé avec une coupe oblique à chaque extrémité, percé de deux baies vitrées au nord et au sud. Au sud, la façade sert de brise-soleil, tandis que le côté nord offre une vue panoramique à 180 degrés. Mais il suffit de monter les escalators pour apercevoir tout un aménagement courbe en panneaux de bois.

Et le biosourcé dans tout ça ?

« C’est un peu le reflet de l’architecture danoise : un jeu de contrastes entre le froid de l’acier en extérieur et la chaleur du bois en intérieur »,explique l’architecte du projet Tine Holmboe, architecte et CEO de l’agence, fière de rappeler l’origine et l’héritage de l’agence créée en 1971 par Hans Dissing, Otto Weitling et Arne Jacobsen, qui compte à son actif plusieurs réalisations célèbres comme la mairie de Mainz ou l’ambassade du Danemark à Londres. Souhaitant conserver l’héritage de Arne Jacobsen, les architectes du cabinet affirment concevoir des projets peu énergivores et miser sur la sobriété énergétique. L’emploi de matériaux bois ou biosourcés est toutefois encore timide, concède Tine Holmboe. « Nous essayons de construire de plus en plus en bois et de pousser des projets en ce sens. Mais la question n’est pas forcément évidente puisqu’il faut arbitrer entre la maîtrise d’ouvrage, les coûts et les ambitions. L'industrie au Danemark, même si très intéressée pour explorer de nouvelles façons d'utiliser les matériaux biosourcés, doit encore se structurer. »

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