La préfabrication, outil indispensable pour le développement des isolants biosourcés

Rédigé par

Julien Brisebourg

1584 Dernière modification le 30/01/2024 - 09:44
La préfabrication, outil indispensable pour le développement des isolants biosourcés

L’isolation biosourcée doit s’intégrer dans les processus de préfabrication, c’est une nécessité pour réduire la sinistralité et les coûts. En posant ces isolants en atelier dans un environnement sec et sain, on s’affranchit de contact direct avec les intempéries sur le chantier et le temps de pose est réduit.

Bouygues Immobilier a obtenu en 2023 la reconnaissance SBTi, validant sa trajectoire carbone à moyen et long terme, avec l’ambition de réduire de 42% ses émissions de gaz à effet de serre sur les activités des scopes 1 et 2 d’ici à 2030 et de 28% sur le scope 3 d’ici 2030. A l’horizon 2050 elle s’engage à réduire ces émissions de 90%, tous scopes confondus. Cette trajectoire s’inscrit dans la continuité de la Réglementation Environnementale 2020, en vigueur depuis janvier 2022. 

Une telle réduction ne sera possible que si l’ensemble des items émetteurs de carbone au sein de la production de Bouygues Immobilier est étudié, que ce soit la compacité du bâtiment, le système énergétique et, bien entendu, les produits et matériaux mis en œuvre.

Dans cette dernière catégorie, notre vision est d’utiliser les meilleures technologies disponibles selon leur efficacité. Chaque industriel ou fournisseur doit apporter de nouvelles solutions locales au service des entreprises et des Maîtres d’Ouvrages.
Les matériaux biosourcés sont par nature faiblement carbonés, car les végétaux stockent du CO2 lors de la pousse. Par conséquent, leur utilisation au sein des bâtiments s’intensifie et devrait encore s’accélérer avec les futurs seuils de la RE 2020 (l’échéance de 2031 notamment).

Pour s’assurer d’une massification de leur utilisation, il y a a minima deux sujets à traiter :

  • leur coût pour en assurer la compétitivité financière face à d’autres matériaux ;
  • la gestion de la sinistralité en phase chantier notamment liée à l’humidité.

Deux contraintes qui peuvent en grande partie se régler grâce à la préfabrication en usine.

La préfabrication au service de la réduction des coûts

Le coût de ces isolants doit rester compétitif pour ne pas renchérir le coût de construction et donc les prix de vente. La construction « hors-site » regorge de nombreux avantages comme la rapidité d’exécution, la réduction de la pénibilité pour les ouvriers, etc.
Celui sur le coût est également indéniable à performance équivalente. En effet, lorsque les ouvriers travaillent en usine (au chaud et au sec), ils sont plus productifs (amélioration estimée de 50%), cela réduit donc le temps de pose et donc le coût associé.

De plus, la qualité est bien meilleure car :

  • l’isolant peut être parfaitement intégré ;
  • les calfeutrements peuvent être réalisés soigneusement.

Cela réduit drastiquement les ponts thermiques, et donc les reprises sur chantier et ainsi les consommations de chauffage du bâtiment s’en trouvent réduites. Enfin, le travail en usine réduit les chutes de matériaux. Ceux-ci sont commandés au plus juste et les découpes se font proprement, pouvant ainsi être réutilisées.

Sur le bâtiment du foyer de jeunes travailleurs Adoma à Toulouse (31) avec notre filiale Urbis, nous avons décidé de faire appel à la société Syface qui pose les murs produits dans leur usine Sybois. La façade ossature bois est entièrement préfabriquée en usine pour intégrer un maximum d’éléments : la menuiserie avec son précadre, le garde-corps, le bardage, le panneau pare-pluie, l’isolant en ouate de cellulose par insufflation et le contreventement. Cette méthode de préfabrication nous a permis de gagner deux à trois mois de chantier et d’être sans surcoût en intégrant tous les co-bénéfices (qualité, interfaces, gain de temps, etc.). Avec un seul coup de grue et donc une seule entreprise présente lors de la pose, c’est la coactivité usuelle de quatre entreprises (menuisier, bardeur, GO, isolant) qui a ainsi été évitée. Les sujets d’interfaces entre lots et de malfaçons associés ont également été inexistants. Avec cette conception et grâce aux matériaux biosourcés, le projet a pu être labellisé BBCA.

La préfabrication, une meilleure protection contre l’eau

Globalement, les isolants n’aiment pas l’humidité, et c’est encore plus vrai pour les matériaux biosourcés qui peuvent totalement pourrir s’ils ne sont pas convenablement protégés.

Sur les chantiers, tous les travaux s’exécutent à ciel ouvert, sans protection. Il n’y a que quelques rares exceptions, où il est utilisé des chapiteaux ou des parapluies géants permettant un travail au sec.

Donc les matériaux quels qu’ils soient, ne sont pas toujours entreposés proprement. Il est récurrent de voir des matériaux à même le sol ou stockés à l’extérieur et pas forcément bâchés. De plus, il arrive régulièrement que des isolants soient mis en place alors que l’étanchéité à l’eau du bâtiment n’est pas parfaite. Ces dispositions ne sont pas compatibles avec les biosourcés, sous réserve de sinistralité.
En usine, c’est tout le contraire, les matériaux sont stockés dans des racks et à l’abri, et la pose se fait au sec. Les caissons ainsi préfabriqués sont protégés de toute infiltration d’eau durant le transport et le levage sur chantier.

Sur le bâtiment Empreinte à Angers (49), la société CMB a fabriqué dans son atelier les murs bois avec isolant en fibre de bois à l’intérieur. Toutes les dispositions ont été mises en place au droit des jonctions de murs et des menuiseries notamment.

 

Concevoir et construire pour éviter toute infiltration d’eau

Pour assurer une pérennité absolue, tout commence par la conception. En effet, toutes les études (y compris thermo hygrométrique), tous les détails et toutes les interfaces (balcons, menuiseries, acrotères, etc.), doivent être analysés en amont pour s’assurer qu’aucune disposition ne puisse dégrader les barrières étanches, que ce soit en intérieur ou en extérieur.

Par exemple, les détails des balcons doivent être imaginés pour limiter au maximum de percer le pare-pluie positionné du côté extérieur de l’isolant biosourcé.
Les entreprises en lien avec ces isolants (directement ou indirectement) doivent fournir un plan d’assurance qualité afin de définir précisément les dispositions provisoires et définitives prises ainsi que les outils de contrôle. Il faut également faire attention à ce que les outils de contrôles ne dégradent pas les barrières d’étanchéité.
Une solution peut consister en la mise en place en atelier d’appareils de capteurs connectés permettant de visualiser en permanence le taux d’humidité à l’intérieur des caissons.

Le lien avec l’écosystème

Bouygues Immobilier est en lien avec différents acteurs des filières biosourcés, pour toujours mieux appréhender ces sujets et suivre au plus près les innovations.
Dans une vision nationale, nous étions adhérents de l’association Adivbois qui s’est arrêté fin 2022, et nous sommes partenaires de l’association  BBCA (Bâtiment Bas Carbone). Outre que le président de Bouygues Immobilier en soit le vice-président, nos équipes participent activement à l’élaboration des référentiels. Les échanges et les contacts pris au sein de l’association nous permettent de progresser fortement vers des bâtiments de meilleure qualité environnementale. Cela permet à Bouygues Immobilier d’être classé en 3ème position des promoteurs bas carbone.

Pour être au plus proche des acteurs locaux, nous sommes adhérents des associations Fibois notamment en Pays de Loire, en Ile-de-France, en Auvergne-Rhône-Alpes, en Centre-Val de Loire. En complément de ces adhésions, nous avons signé les Pactes Bois-Biosourcé en Auvergne-Rhône-Alpes et en Ile-de-France nous engageant à intégrer toujours plus de matériaux biosourcés.

En parallèle de ces démarches, un partenariat très actif depuis 6 ans est noué avec le Bureau d’Etudes Karibati qui est expert du bâtiment Biosourcé et Géosourcé. Cela permet d’accompagner nos équipes sur leur projet tout en menant des études ou en créant des outils permettant de se familiariser avec ces « nouveaux » matériaux.

Tous les biosourcés ont leur place

Outre les exemples présentés précédemment, 2 opérations font appel à la technique de la préfabrication avec isolant biosourcé.

Il s’agit de plusieurs maisons à Moissy-Cramayel (77) où le béton de chanvre est utilisé comme isolant. Les murs à ossature bois sont fabriqués dans une première usine, puis livrés à l’entreprise Wall’Up qui coule le béton de chanvre dedans. Etant donné qu’il faut entre 3 et 4 semaines de séchage, la préfabrication a tout son sens ici afin de ne pas bloquer le chantier durant cette période. La fabrication de ces murs « biosourcés » se fait en temps masqués durant le coulage des fondations.

Le projet Chrysalide situé à Avrillé (49) s’est tourné vers l’isolant en paille. Les murs en ossature bois intégrant des bottes de paille seront préfabriqués localement à 20 kilomètres environ du chantier.  Grâce aux protections mises en atelier, la paille ne sera donc pas soumise aux intempéries durant le chantier.

Ces deux projets s’inscrivent complètement dans les stratégies climat et d’innovation portées par Bouygues Immobilier et seront amenés à se développer pour venir soutenir son ambitieuse trajectoire de décarbonation.

Un article signé Julien Brisebourg, Référent Construction Bas Carbone, Bouygues Immobilier - Direction de l’Ingénierie
 


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