L'isolant biosourcé, allié du confort d'été

Rédigé par

Rémi Bouchié

Ingérieur Recherche et Expertise

1926 Dernière modification le 24/01/2024 - 15:00
L'isolant biosourcé, allié du confort d'été

Face à l’intensification et aux enjeux du changement climatique, l’optimisation des dépenses énergétiques et l’utilisation de matériaux respectueux de l’environnement sont plus que jamais impératives. Ces impulsions ont naturellement un impact sur le secteur du bâtiment et, en particulier, sur l’isolation. En réponse, les isolants biosourcés combinent de nombreux avantages pour améliorer, notamment, le confort d’été. 

Les produits isolants représentent une opportunité significative pour répondre aux enjeux de la réglementation thermique et particulièrement les isolants biosourcés qui, se démarquent par l'arrivée de la réglementation environnementale RE2020. En effet, ces derniers peuvent répondre à la double exigence de la réglementation : efficacité énergétique et réduction de l’impact carbone. On note aussi une croissance annuelle de 10 à 15 % (avec une part de marché de 5 à 8 %).

Les acteurs du bâtiment sont ainsi de plus en plus demandeurs d’incorporer les isolants biosourcés dans les ouvrages du bâtiment sous plusieurs formes : panneaux ou rouleaux, vrac, bloc, projection in-situ… en visant certaines performances notamment pour le confort d’été.

Le confort thermique d'été dans les bâtiments est en effet devenu un enjeu majeur en raison du changement climatique qui entraîne une augmentation des fréquences et de l'intensité des vagues de chaleur. Ce phénomène est amplifié en milieu urbain par l'effet d'îlot de chaleur (ICU), où les zones urbaines fortement minéralisées retiennent la chaleur. De surcroit, l'utilisation anarchique d'équipements de climatisation bas de gamme et énergivores aggrave la situation : à la fois au niveau local en rejetant de l’air chaud dans l’environnement extérieur proche intensifiant l’effet d’ICU, mais aussi à des échelles plus larges entrainant une hausse de la consommation d'énergie et des émissions de gaz à effet de serre, et en augmentant les risques de pénurie d'électricité. Il devient donc impératif de mettre en place des mesures passives garantissant le confort thermique estival au sein des bâtiments.

L'inertie des parois opaques augmentée

Le confort thermique à l’intérieur des bâtiments est notamment tributaire des conditions de température et d’humidité intérieures. La zone de confort thermique peut être assimilée à une plage idéale de température et d’humidité dans laquelle la plupart des individus se sentent en situation de confort. En conditions estivales, au sein d’un bâtiment dépourvu de système de climatisation, la température intérieure est le résultat de l’interaction des phénomènes physiques suivants : la transmission de chaleur par conduction, à travers l’enveloppe du bâtiment, due à l’écart de température d’air entre l’extérieur et l’intérieur ; la transmission du flux solaire à travers les baies (surfaces vitrées); la transmission par conduction du flux solaire absorbé par les surfaces opaques; les apports de chaleur internes liés aux occupants, l’inertie interne du bâtiment constituée en grande partie des planchers et cloisons et enfin de la ventilation qui peut permettre le refroidissement du bâtiment si elle est fortement augmentée la nuit quand la température de l’air extérieur baisse (principe de la sur-ventilation nocturne).

Pour limiter l’augmentation de la température intérieure, plusieurs stratégies cumulables sont possibles (limitation des apports solaires par les baies, sur-ventilation nocturne via l’inertie intérieure du bâtiment ou encore amortissement et déphasage de l’onde de chaleur traversant les parois opaques…). Les isolants en général participent également grandement à cette dernière stratégie en réduisant le flux de chaleur moyen traversant les parois opaques. Ils permettent également d’augmenter l’inertie des parois, surtout en isolation par l’extérieur ITE, favorisant ainsi le stockage des apports solaires qui pénètrent directement par les baies pendant la journée.

Les isolants biosourcés ont le plus souvent des propriétés de masse volumique et chaleur spécifique plus importantes que les isolants plastiques alvéolaires ou en laines minérales par exemple. A résistance thermique égale, ils conduisent à un déphasage et un amortissement de l’onde de chaleur quotidienne plus fort que les isolants traditionnels.

Fibre de bois VS laine de verre et laine de roche

À titre d’exemple, la figure suivante montre une modélisation de la conduction de la chaleur à travers une paroi en considérant une sollicitation et une réponse sinusoïdale. Il s’agit d’un mur en parpaing, orienté ouest, isolé par l’intérieur ou l’extérieur R=4,7 m².K/W quel que soit le matériau isolant. En isolation par l’intérieur (ITI), il s’agit d’isolant en laine de verre souple (LdV) ou en fibre de bois semi-rigide (FdB). En isolation par l’extérieur (ITE), il s’agit de panneaux rigides en laine de roche (LdR) ou fibre de bois (FdB). 

On constate deux paramètres influant sur le déphasage et l’amortissement de l’onde de chaleur à travers le mur :

  • En premier lieu, la position de l’isolant dans l’ouvrage (ITI ou ITE) : la mise en œuvre d’isolants en laine de verre tels qu’étudiés dans l’exemple par l’extérieur retarde l’onde de chaleur quotidienne d’environ 5h et amortit le flux d’un facteur 2 environ.
  • Dans une moindre mesure, l’utilisation d’un isolant biosourcé par rapport à un isolant conventionnel : pour une isolation par l’intérieur, l’utilisation de l’isolant en fibre de bois étudié dans l’exemple retarde l’onde de chaleur quotidienne d’environ 3h et amortit le flux d’un facteur 1,5 environ.
     

Ainsi, comparés aux autres types d’isolants, les isolants biosourcés présentent en général un avantage supplémentaire dans la stratégie de déphasage et d’amortissement de l’onde de chaleur quotidienne. Néanmoins, cet avantage reste à relativiser car les apports de chaleurs à travers des parois opaques bien isolées, avec un isolant biosourcé ou non, restent bien inférieurs aux apports par les baies, même en présence de protections solaires. A titre d’exemple, les pics de quantité de chaleur représentés dans la figure précédente, tout isolant confondus, sont trois à quatre fois plus faibles que ceux traversant les fenêtres, avec protection solaire extérieure déployée.

Les composants biosourcés, le plus souvent fabriqués à base de biomasse végétale, sont de nature hygroscopique, c’est-à-dire qu’ils permettent de stocker une partie de l’humidité. Pour certains d’entre eux, tels que les bétons végétaux, cette capacité de stockage de l’humidité peut être importante du fait notamment de leurs fortes densité et épaisseur. Plusieurs recherches en cours s’intéressent aux phénomènes de changement de phase dus à l’évaporation et condensation de l’humidité à l’intérieur de la microstructure de ces matériaux. L’objectif de ces recherches est d’étudier l’impact de ces phénomènes sur le stockage de la chaleur sous forme latente, appelé « inertie hygroscopique », et la capacité de ces matériaux à réguler l’humidité à l’intérieur des bâtiments et jouer ainsi sur un autre levier du confort. Ces travaux en cours permettront ainsi d’améliorer encore notre connaissance des mécanismes complexes en jeu pour proposer aux différents acteurs des leviers efficaces pour garantir une enveloppe des bâtiments neufs ou rénovés adaptée au climat de demain.

Un article écrit par Rémi Bouchié, Chef de division – Recherche et expertise enveloppe du bâtiment, CSTB


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