L’évolution des techniques de construction face au défi climatique

Rédigé par

Ronan BEZIERS la FOSSE

Directeur technique Adjoint

647 Dernière modification le 26/01/2024 - 15:55
L’évolution des techniques de construction face au défi climatique

L’urgence climatique pousse l’ensemble des domaines à réduire ses impacts environnementaux. De la finance à l’agriculture, en passant par les transports et la construction, l’ensemble des secteurs doivent faire face à une réduction de l’empreinte carbone (unité permettant de mesurer les impacts environnementaux de nos activités).

Comme l’ensemble des secteurs, la construction fait face à cette problématique. Néanmoins, la construction est un des secteurs possédant une inertie réglementaire forte ne permettant pas de révolutionner l’ensemble des pratiques aussi rapidement que d’autre secteurs habitués à ces mutations.

Une traditionnalité qui s’inscrit dans la durée et basée sur le retour d’expérience

Le secteur de la construction est ancré sur des référentiels dit traditionnels, ces derniers font l’objet de normes et d’un corpus de DTU (Documents Technique Unifiés) marquant la reconnaissance de la technique comme courante. Cette reconnaissance s’appuie sur un retour d’expérience important et sur une maitrise globale de la technique par la profession. L’intégration de procédé (un procédé correspond au triptyque indissociable d’un matériau/conception/mise en œuvre) dans ce corpus est long, la durée se compte en décennie plus qu’en années. La révision même de ces référentiels prend parfois plusieurs années afin d’obtenir le consensus de l’ensemble des représentants sur un texte commun permettant de s’assurer de la maîtrise de la pérennité du procédé.

Prise en compte des nouveaux procédés compatibles avec l’urgence climatique

La RE2020 encourage la mise en œuvre de produits biosourcés afin de limiter les émissions de carbone lors de la construction. Ces derniers sont très peu présents dans les référentiels précités. Seul le bois est présent dans ces référentiels relevant de la traditionnalité. La filière bois est bien structurée, la plus structurée de toute les filières biosourcées, ce qui lui permet de structurer les actions et permet la démocratisation des techniques, la réalisation de lobbying afin de pénétrer le marché de la construction. Des interprofessions comme Fibois permettent de faire remonter les informations du terrain, les points de blocages, actionnent les leviers permettant de s’en affranchir. Par exemple, le CODIFAB permet le financement d’un certain nombre d’études visant à la justification des techniques et procédés et permettant une évolution rapide de la filière. Néanmoins, actuellement la majorité des référentiels techniques ne permet pas l'usage direct des matériaux biosourcés. A l'instar du DTU 31.2 ou DTU31.4 ne visant que l'emploi "d'isolant minéraux manufacturé en rouleau ou en panneau semi-rigide". L'intégration d'isolant biosourcé se confronte à l'aspect réglementaire et assurantiel.

Vers une « technique courante » des matériaux biosourcés

Face à cela, selon les filières, plusieurs stratégies se distinguent afin de permettre la massification de l’emploi de matériaux bio et géo sourcés. La voie royale est l'intégration de ces matériaux dans les référentiels comme les DTU, par exemple la fibre de bois faisant l'objet d'une norme intégrera très probablement le futur DTU 31.2 lors de sa mise à jour qui est en cours de rédaction. Comme vu précédemment cette intégration est longue et nécessite un retour d’expérience important et la maitrise globale de la technique.

Avant de pouvoir prétendre à l’intégration aux DTU généralement les matériaux sont poussés par les industriels, porteurs de l’innovation, sur des mises en œuvre à petite échelle sur des bâtiments de faible envergure. Afin de se confronter aux experts et à l’assurabilité du procédé, les industriels développent généralement des ATEx de cas B. Ces derniers permettent de confronter le procédé aux experts du domaine et sécuriser la démarche d’innovation permettant de créer un retour d’expérience sur la technique. Nous pouvons par exemple penser à un certain nombre de projets réalisés en BTC (briques de terre comprimées) ayant fait l’objet d’un certain nombre d’ATEx de cas B depuis une dizaine d’années. Forts de cette expérience, afin de massifier l’emploi du procédé, les industriels se tournent vers l’ATEx de cas A. Ce dernier est plus ouvert en permettant de définir un domaine d’emploi dans lequel le procédé, si l’ATEx est visé favorablement, sera considéré comme technique courante et donc accepté des assureurs et des bureaux de contrôle. Suite à de nombreuses mises en œuvre durant la période de validité de l’ATEx permettant de construire de solides références et un retour d’expérience, l’objectif des industriels est de convertir l’ATEx en avis technique permettant d’ancrer le procédé et de justifier de sa pérennité. L'avis technique, ce "laissez-passer" technique, permet de classer le procédé en technique courante et ainsi faciliter sa mise en œuvre sur chantier sans poser de problématiques assurantielles.

Enfin, lorsque le procédé fait l’objet d’un certain nombre d’avis techniques et que le marché est mature, la maitrise est avérée et l’intégration ou la création d’un DTU peut être envisagé (comme création dernièrement du DTU 45.4 visant des procédés de bardage clôturant bon nombre d’avis techniques).

D’autre voies de massification possibles

Les filières paille ou chanvre s'appuient sur un savoir-faire et une filière suffisamment mature afin de se coordonner sur la rédaction de règles professionnelles. Ces dernières sont représentatives d’un consensus des professionnels du secteur. Une fois rédigé et approuvé par l’ensemble de la profession, l’objectif est de présenter ce référentiel à la C2P (commission prévention produit). Si ces dernières sont acceptées par la C2P, cela permet la reconnaissance de la technique comme technique courante comme c’est le cas actuellement pour les règles professionnelles « construction en paille » et pour les règles professionnelles « béton de chanvre » notamment.

Enfin, d'autres matériaux, dont les filières sont moins structurées, voire naissantes, visent l'introduction dans la construction par l'intermédiaire d'avis de chantier établis par les bureaux de contrôles souhaitant accompagner ces filières dans leur développement. Dans le cadre de ces démarches, le procédé n'acquiert pas le statut de technique courante mais les justifications apportées et la validation du bureau de contrôle permettent généralement d'apporter les arguments suffisants auprès des assureurs pour permettre l'assurabilité du projet. Chez BTP Consultants nous essayons d'accompagner ces filières afin de développer la mise en œuvre des isolants biosourcés par conviction de leur avenir dans la construction de demain. 

Un article signé Ronan Béziers la Fosse, Directeur Technique Adjoint BTP Consultants - Direction Opérationnelle


Article suivant : « Comment justifier l’absence de risque de développement fongique ? », Thomas Garnesson, Chef de projets, Nobatek/INEF4


Revenir à la page d'accueil du dossier

Partager :