L’écoconception, une démarche d’adaptation optimisée

Rédigé par

Bruno Peuportier

Directeur de recherche

617 Dernière modification le 11/03/2024 - 10:57
L’écoconception, une démarche d’adaptation optimisée

Pour aller plus loin dans l’adaptation des logements au risque de surchauffe, une démarche d’écoconception des bâtiments est proposée pour identifier des solutions optimales. Ce en intégrant à la fois des objectifs de réduction des impacts environnementaux et d’adaptation face aux vagues de chaleur de plus en plus sévères.


Des données climatiques prospectives ont été élaborées par Météo-France (CNRM) dans le cadre du projet « ADEME Résiliance » (Monnier et al., 2022). Des techniques de descente d’échelle ont été utilisées pour générer des données régionales sur la base du scénario du GIEC le plus pessimiste. Le modèle étant probabiliste, des valeurs médianes (quantile 50) et extrêmes (quantile 95) ont été considérées. Ces données peuvent alors être utilisées par des outils de simulation thermique dynamique afin d’évaluer les risques de surchauffe. L’indicateur de degrés-heures (DH) d’inconfort permet de prendre en compte à la fois la durée et l’intensité des surchauffes. 

La méthode a été appliquée à un échantillon de bâtiments représentatif du parc français (figure 1), concernant la comparaison de différentes épaisseurs d’isolants (façades et toitures) et de fenêtres (simple SV, double DV et triple vitrage TV) dans le cas d’un immeuble haussmannien (logements traversants avec un renouvellement d’air de 10 volumes/heure). La RE2020 fixe un seuil haut maximal de 1 250 DH, soit une période de 25 jours durant laquelle le logement serait continument à 30 °C le jour et 28 °C la nuit. Elle fixe parallèlement un seuil bas à 350 DH, à partir duquel des pénalités s’appliquent dans le calcul de la performance énergétique. 


Associer des mesures d’adaptation à différentes échelles
Grâce à son influence sur le microclimat, la végétalisation à l’échelle d’un quartier peut compléter l’isolation thermique des bâtiments. Le refroidissement permis par la présence de végétation approche les deux à trois degrés Celsius en comparaison d’un quartier qui n’en dispose pas. Pour évaluer l’intensité de ce refroidissement qui dépend de la configuration du quartier, de la couverture végétale et des conditions météorologiques, AgroParisTech a développé un modèle répondant à cet objectif dans le cadre du Lab recherche environnement (Le Mentec et al, 2022). Ce modèle intègre les échanges d’énergie et d’eau entre les surfaces des bâtiments, des routes et de la végétation présente. Il permet une estimation du « moindre échauffement » de l’air du quartier en tenant compte des effets d’ombrage et de la transpiration des plantes.  


Les travaux en cours visent à intégrer les échanges de polluants entre les plantes, les surfaces bâties et l’atmosphère pour estimer aussi les effets de la présence de la végétation sur la pollution atmosphérique. La figure 2 illustre les processus pris en compte dans le modèle (rayonnements, sources de chaleur, échauffements des surfaces, évaporations et transpirations, et désormais dépôts de quelques composés polluants comme l’ozone). Il a été montré (Ernst et al, 2022) qu’il était désormais utile d’intégrer conjointement les échanges d’énergie et de polluants de l’atmosphère pour progresser dans le domaine des microclimats urbains. Les données climatiques issues de ce modèle ont alors été utilisées par Mines Paris pour évaluer la réduction de température à l’intérieur des bâtiments.

Intégrer la réduction des impacts environnementaux
Les mesures d’adaptation induisent des impacts, liés par exemple à la fabrication des isolants et des fenêtres, à la consommation d’énergie en cas de climatisation, à la consommation d’eau pour l’arrosage des végétaux. L’analyse de cycle de vie (ACV), associée à la simulation thermique, permet d’évaluer ces impacts en termes de contribution au changement climatique, de santé, biodiversité et ressources. Un indicateur élaboré par l’Organisation mondiale de la Santé, exprimé en années de vie perdues, a été déduit des degrés-heures de surchauffe à partir des données de surmortalité pour la canicule de 2003. Le même indicateur a été évalué par l’ACV pour les produits, l’énergie et l’eau, ce qui permet une optimisation intégrant ces différents aspects. La figure ci-dessous montre un exemple concernant un immeuble HLM situé à Montreuil (93). 
 


La figure 3 fait apparaître une épaisseur d’isolation optimale, et montre qu’il sera préférable, pour réduire les impacts sur la santé, à l’horizon 2100, d’associer isolation, climatisation et production d’électricité photovoltaïque.
Par rapport à une évaluation séparée du risque de surchauffe en degrés-heures et d’un impact environnemental en équivalent CO2, comme celle issue de la règlementation RE2020, cette démarche d’écoconception permet une optimisation plus globale. L’indicateur de santé peut être complété par d’autres indicateurs d’ACV, en particulier sur la biodiversité et les ressources.

Un article signé Bruno Peuportier, Patrick Schalbart et Charlotte Roux (Mines Paris), Erwan Personne et Patrick Stella (AgroParisTech), enseignants-chercheurs

Cet article fait partie de notre dossier Adaptation & Résilience des bâtiments que vous pouvez retrouver ici.

www.depositphotos.com 

Partager :