L’aménagement intérieur levier majeur de décarbonation de l’immobilier professionnel ?

Rédigé par

Communication Kardham

Communication

2055 Dernière modification le 22/09/2023 - 10:28
L’aménagement intérieur levier majeur de décarbonation de l’immobilier professionnel ?

Bouleversée par l’évolution des usages et les nouvelles réglementations, la filière de l’immobilier professionnel doit accélérer sa transition écologique.

Or, si l’enjeu de la réduction de l'empreinte carbone se focalisait jusqu’ici sur la consommation d’énergie, une analyse approfondie d’études portant sur l’analyse de cycles de vie (ACV) de bâtiments a révélé que le poids carbone d’un immeuble de bureau était fortement impacté par son aménagement intérieur, et plus spécifiquement par les lots techniques et le second œuvre. De quoi élargir le spectre des actions possibles dans la quête d’espaces de travail plus vertueux.

Savoir d'où vient le carbone pour décarboner

On ne gère bien que ce que l’on mesure. Un aphorisme qui se vérifie aussi dans l’immobilier. Si l’ACV d’un produit existe depuis très longtemps dans de nombreux domaines, elle reste récente dans le tertiaire. Cette méthode, qui consiste à recenser l’ensemble des impacts environnementaux d’un bâtiment en examinant chaque étape de son cycle de vie depuis l’extraction des matières premières jusqu’à la fin de vie du projet, en passant par son chantier et son exploitation, est pourtant clef pour comprendre son impact environnemental et donc pouvoir agir dessus. Et les chiffres parlent d’eux-mêmes.

Selon le benchmark basé sur les données de l’Observatoire E+C- du Hub des Prescripteurs Bas Carbone ainsi que sur le retour d’expérience de projets réalisés par le Groupe Kardham*, il apparaît que l’empreinte carbone moyenne d’un immeuble de bureaux neuf est de 1 400 kg de CO₂ équivalant par mètre carré, SDP, dont seuls 15 % pour l'énergie (réglementaire) et environ 80 % pour les matériaux et équipement de construction, dont 33 % pour les lots techniques et 27 % pour le second œuvre**, c’est-à-dire l’aménagement intérieur. Par ailleurs, la durée de vie moyenne des projets d’aménagement tertiaire en Ile-de-France étant de 5 ans, cela veut dire qu’en 50 ans, sa durée de vie de référence, son empreinte carbone sera décuplée. Ainsi, en prenant en compte les taux de renouvellement, et en ajustant la durée de vie de l’aménagement intérieur à 5 ans, son impact devient dominant et augmente significativement l’empreinte globale du bâtiment : de 1 400 kg CO₂ équivalant par mètre carré à 4 300 kg CO₂.

L’empreinte carbone et les baux commerciaux

Sont concernés par l’aménagement intérieur les revêtements des sols, des murs et des plafonds qui doivent être rénovés tous les 4 ou 5 ans, ou encore les cloisons tous les 9 ans. Mais aussi ce que l’on appelle les lots techniques : les réseaux énergie qui doivent être renouvelés tous les 10 ans environ, les systèmes de chauffage-climatisation-ventilation (CVC) qui doivent être remplacés tous les 25 ans, ou encore les sanitaires, également tous les 25 ans environ. Et c’est sans compter sur le mobilier de bureau, souvent remplacé au gré de l’évolution des usages et/ou des besoins des nouveaux preneurs des espaces de travail et dont les études ne font pas état.

Intégrer le critère carbone dans l'ensemble des projets immobiliers

On le voit, les baux commerciaux et leur lot de travaux de rafraîchissement, de rénovation et de réaménagement grèvent sérieusement le poids carbone de l’aménagement intérieur. Ce constat étant posé, que faire ? Tout d’abord, œuvrer pour le faire savoir et que chaque maillon de la chaîne de valeur de l’immobilier professionnel y soit sensibilisé. Il serait ainsi souhaitable que le critère carbone des projets d'aménagement puisse être inclus et valorisé dans les appels d’offre ou dans les baux commerciaux ; que les offres commerciales puissent systématiquement englober le calcul du bilan carbone des projets d’aménagement intérieur, une proposition d'offre ACV, ou encore un accompagnement pour les prescriptions des matériaux biosourcés ou issus de l'économie circulaire ; que des indicateurs puissent être définis pour mesurer les retombées des actions en matière de réduction de l’impact carbone et faciliter ainsi leur pilotage. Voire même, qu’à l’instar du contrôle technique dans le secteur automobile, un contrat de performance carbone sur la durée de vie du bâtiment puisse être créé.

Augmenter la durée de vie des projets d’aménagement

En outre, si les projets d’aménagement se renouvellent au gré des baux commerciaux, un des leviers de décarbonation serait de lutter contre l’obsolescence programmée des espaces de travail en augmentant leur durée de vie. Et donc de penser à leur flexibilité : des espaces pensés dès le départ comme étant évolutifs permettront de s'adapter d'un preneur à l'autre, tout en tenant compte de l’évolution des besoins et des usages. Et le mobilier doit, lui aussi, devenir le plus hybride possible pour s’adapter à la reconfiguration des espaces. Le jeu en vaut la chandelle : les équipes de Kardham estiment aujourd’hui que l'aménagement flexible est capable de diviser par deux sa part dans le bilan global, en réduisant ainsi l'empreinte carbone de l'immeuble sur 50 ans.

Promouvoir le réemploi

Le réemploi et la circularité des matériaux et équipements du second œuvre sont un levier majeur de la réduction de l'empreinte carbone des projets d'aménagement intérieur et sont donc, aussi, une piste à considérer. L’enjeu est de taille. On estime qu’aujourd’hui encore, la production annuelle des déchets du BTP représente 42 millions de tonnes par an, dont 25% sont liées au second œuvre. Il est à espérer que la filière se structure autour de dynamiques fortes, à toutes les échelles, afin d’encourager l’évolution des pratiques et le recours plus systématique au réemploi : fixer des objectifs minimum de réemploi dans les projets d’aménagement et les valoriser ; lever ses freins en matière d’assurabilité de certains équipements ou de réticences diverses liées à l’esthétique ou à la qualité des matériaux réemployés ; ou bien encore œuvrer pour une plus grande disponibilité en nombre, volume et choix des produits transitant sur les plateformes de réemploi.

Conclusion et perspective

En comprenant la part significative de l'aménagement intérieur dans l'empreinte carbone globale des bâtiments, la filière dispose désormais de nouvelles perspectives pour progresser vers des pratiques plus responsables. Cela implique toutefois une mobilisation de tous : du côté des professionnels de l'aménagement d’intérieur, architectes, fabricants de mobilier, équipes workplace, ainsi que du côté des maîtres d’ouvrage. Il s’agit tout d’abord d’intégrer la maitrise du critère carbone dans l’ensemble de leurs projets et d’être force de proposition pour convaincre les investisseurs, promoteurs, propriétaires et directeurs immobiliers que cette démarche représente une création de valeur long-terme en faveur de l'attractivité des actifs.

Kateryna Kuzmenko, Responsable Développement Durable et Innovation et Mathieu Boussoussou, Directeur Développement Durable et Innovation - Groupe Kardham

* Hub des Prescripteurs Bas Carbone / Observatoire E+C- / Benchmarks internes Kardham - Echantillon de 26 bâtiments des bureaux issus de l’expérimentation E+C- construits après 2015 (pas de données pour les immeubles plus anciens en l’absence de labels évaluant l’empreinte carbone)

**L’empreinte carbone lié à l’aménagement intérieur sera entre 313 et 686 kg CO2 Eq / m2 SDP sur 50 ans.

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